En France, l'image des Indiens d'Amérique du Nord reste assez caricaturale, entre peaux-rouges de western et résistants héroïques. Rien de plus intéressant donc que de se plonger dans l'un des rares témoignage direct des guerres indiennes – apaches, plus précisément.
Jason Betzinez a combattu aux côtés de Géronimo, le dernier chef indien à s'être rendu, en 1886. Il a aussi travaillé dans une aciérie, pratiqué le base-ball et le foot américain, été forgeron et fermier. Autant dire la richesse de son témoignage.
La plongée dans le monde des Apaches est brutale. Beaucoup de leurs coutumes sont déstabilisantes pour nos esprits d'occidentaux, notamment celle d'oublier les morts. Quand quelqu'un décède, tous ses biens sont détruits (les Apaches étant l'une des tribus les plus pauvres des USA) et prononcer son nom est interdit. Si, comme souvent, son nom empruntait celui d'un animal, d'un objet, d'un lieu… On change le mot en question, tout simplement.
Dans son expérience des guerres indiennes, deux choses apparaissent clairement : d'une, pour eux l'ennemi principal a toujours été les Mexicains. Les Américains étaient secondaires. de deux, l'économie apache reposait en bonne partie sur le pillage. Les raids, réguliers, sont destinés à se procurer bétail, montures, nourriture, tissus, armes, munitions… Cornerisés par les Comanches dans les montagnes arides du Nouveau-Mexique au XVIIIème, ayant peu accès aux troupeaux de bisons, ne pratiquant pas l'agriculture, n'ayant rien à troquer, ils n'ont, il faut dire, guère d'autre moyen de survie.
La deuxième partie, à savoir la vie après la reddition, bouscule tous les clichés. Souvent décriée, l'école indienne est décrite par l'auteur comme « la meilleure période de sa vie ». Il avait vingt-quatre ans en y arrivant, autant dire guère manipulable. Il aime le travail manuel, souligne l'aide que le gouvernement fournit aux Apaches pour se reconvertir en fermier, et surtout goûte la paix. A aucun moment il ne regrette la dure vie d'errance, de combats et de privations. Assez vite il prend le lead des indiens « pro-intégration » et s'oppose aux chefs tribaux héréditaires restants (Mangas, Kaahtenny, Chihuahua…) dont il critique la violence des moeurs (notamment vis-à-vis des femmes) et l'alcoolisme.
Un témoignage rare sur les guerres indiennes, la vie dans les réserves et l'intégration. A relativiser cependant, dans le sens où les Apaches étaient l'une des tribus aux conditions de vie les plus dures et les plus précaires. Si une partie des guerriers ne put se détacher de cette vie aventureuse et libre, on conçoit que d'autres aient apprécié une existence plus paisible. Ce n'est, du reste qu'un des aspects de cette biographie d'une incroyable richesse. A lire si vous voulez savoir qui étaient vraiment les Apaches.