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EAN : 9782708706187
217 pages
Editions Présence Africaine (30/11/-1)
3.19/5   18 notes
Résumé :
Dès sa parution, un Nègre à Paris annonçait une ouverture de la conscience africaine sur le monde occidental que Bernard Dadié devait par la suite, enrichir dans Patron de New York et La ville où nul ne meurt. Ouverture qui est aussi une confrontation animée en profondeur par une quête d'indentite. Bernard Dadié va à Paris ; il regarde et il juge, à la fois fasciné par cette ville transfigurée dans l'imagination du jeune homme nourri de culture française, et critiqu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
J'ai lu ce livre en tant que " classique " de la littérature francophone africaine. J'y ai trouvé, comme attendu, un esprit, une verve, une belle maîtrise de la langue, une grande culture, une sensibilité politique, etc. Rien que de bons ingrédients.

Alors pourquoi ce sévère 2/5 me direz-vous ? Probablement parce que je n'y ai pris aucun plaisir à la lecture, n'y ai ressenti aucune émotion particulière : plaisir & émotion qui sont les deux mamelles qui nourrissent mes appétits de lectrice.

J'ai trouvé qu'on ne sortait guère d'une longue liste d'anecdotes. Oui, c'est cela, un catalogue d'anecdotes ou de bons mots, mais jamais d'intrigue, jamais de personnages un peu creusés auxquels on puisse se frotter, jamais de construction littéraire intéressante à mes yeux. Beaucoup de clichés et finalement, un discours général qui est peut-être presque autant raciste à l'égard des Parisiens que le racisme qu'il prétend dénoncer.

Évidemment, Bernard Dadié écrit en 1956 ; aucune des colonies africaines françaises n'est encore libérée ou indépendante et ceci est loin d'être un détail, mais tout de même. Est-ce donner de la force au propos " antiraciste " que de s'adonner à une autre forme de racisme ?

À longueur de pages, Bernard Dadié nous parle DU Parisien ou de LA Parisienne, comme si Elle ou Il avaient une essence particulière et propre à ce " peuple " de Paris. J'ai le sentiment qu'à chaque fois qu'on essentialise, qu'on regroupe un ensemble humain et qu'on le baptise d'un même nom générique, comme s'il s'agissait d'un ensemble cohérent alors que manifestement la diversité humaine fait que cette cohérence, et donc cet ensemble, n'existe pas, on établit un boulevard à la pensée raciste, celle qui clive, celle qui fait des paquets, celle qui classe les uns par rapport aux autres.

J'ai donc été assez gênée par cette dénomination : les Parisiens, les Français. Qu'est-ce que ça veut dire les Français ? Comment peut-on parler comme d'un ensemble homogène et ayant des caractéristiques particulières une population de 45 millions d'habitants (à l'époque) ? Pour moi, c'est aussi bête que de dire " les Africains ". Qu'est-ce que ça veut dire les Africains ? Sont-ce les Mozambicains ? Les Mauritaniens ? Et qu'est-ce que ça veut dire les Mozambicains ? les Mauritaniens ? Je n'en ai pas la moindre idée. C'est un peu comme de parler, sous un même chapeau, comme d'une évidence non sujette à variation, des " femmes ", ce modeste ensemble d'un peu plus de trois milliards et demi d'individus…

Voilà, je ne sais pas si je suis très claire avec cette notion, en tout cas, même si Un Nègre à Paris pose certaines questions intéressantes, ce n'est pas ce que j'attends d'un roman. Peut-être que l'essai politique aurait été plus approprié pour exprimer ce que l'auteur semblait avoir envie d'exprimer. D'où cette impression plutôt mitigée voire négative.

Pour le reste, il s'agit d'un " Africain " (Qu'est-ce que ça veut dire ? Toujours la même douloureuse question et c'est en cela que j'aurais aimé avoir un vrai personnage sur lequel brancher mon affectif. Un personnage authentifié, incarné, sublime ou répugnant, mais un personnage, que diable !), Tanhoe Bertin qui se rend pour la première fois de sa vie à Paris. Il relate dans une longue lettre ses impressions pour un interlocuteur " africain ". (Qu'est-ce que ça veut dire ? Décidément…) Il y égraine ses surprises et ses désillusions tout en dressant de nombreuses comparaisons entre les modes de vie au pays et à Paris. (Lesquels contrastes mentionnés étaient probablement aussi poussés à l'époque au sein même de la France métropolitaine, entre zones rurales reculées et grandes villes, soit dit en passant.)

Bref, j'ai trouvé dommage de mettre cette immense culture et cette belle maîtrise de la langue au service d'une sorte de catalogue alors que j'aurais vraiment aimé pouvoir m'attacher à des personnages, les sentir évoluer, m'identifier à quelqu'un, entrer dedans quoi. Tandis qu'ici, je suis restée totalement extérieure au récit. Dommage. Toutefois, ceci n'est que mon avis, aussi stupide et blafard que LA Parisienne (Mais de quelle Parisienne parlons-nous ? Y aurait-il une diversité ?), c'est-à-dire pas grand-chose.
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Un Nègre à Paris m'a fait tout de suite penser à une histoire du racisme, beuh, non, Bernard B. Dadié nous propose plutôt de la surprise d'un africain qui, spéculant sur un Paris comme un paradis terrestre, est frappé d'étonnement, une fois qu'il ait foulé le sol parisien, de voir un monde où les hommes se rattachent aux choses pas comme ça se passe en Afrique. L'amour des blancs pour des fleurs, l'homme qui traite la femme comme une fleur avec ses manières galantes alors qu'en Afrique la galanterie est une affaire de femme, la forte considération des animaux domestiques surtout le chat noir qui en Afrique symbolise la sorcellerie, l'influence permanente de la solitude, pas de contact entre voisins alors qu'en Afrique le voisin est ton frère, la solidarité court les rues, la fierté du Parisien pour son histoire, la fierté pour chaque lieu qui représente l'emblème de son histoire surtout la place de la Bastille alors que l'Africain, lui, ne pense qu'à sa survie... Bernard B. Dadié nous conte un Paris dans le regard d'un Africain des années 50 avant d'ailleurs le vent des indépendances en Afrique, on comprend alors notre Africain ne peut que passer tout ce qui est Paris au peigne fin, aucun détail ne lui échappe...
Un joli récit vraiment amusant, on ne peut s'empêcher de sourire en tournant chaque page.
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Peut on qualifier un livre de pervers ? Un Nègre à Paris, écrit en 1956 séduit (les pervers sont de grands séducteurs/manipulateurs) par son thème : la découverte de Paris vu par un habitant d'Abidjan. Proposé par Mabanckou comme « un exotisme inversé », Bernard Dadié « dissèque la civilisation occidentale ». Effectivement, joints à une vision de Paris décrite avec distance et une certaine exactitude, de longues phrases enrubannées et apparemment naïves s'enchainent dans son livre extrêmement bien écrit, avec les dictons populaires: « mentir comme un arracheur de dents, tout finit en chanson, les hommes posent des lapins, ils n'aiment pas les langues de vipère, et maintes fois répété : sauter a pieds joints, avoir du pain sue la planche, être à point nommé »

A quoi sert cette litanie enchainée des proverbes des Parisiens ? à les critiquer sévèrement, ou à tout le moins à en épingler la différence avec la société africaine: « Avec ces hommes, on ne sait jamais, il peut y avoir du vrai, surtout qu'il n'y a pas de fumée sans feu » -La lecture est agréable, drôle souvent, bien vue aussi parfois « Jésus… avait dit de tendre constamment la joue. On ne savait plus laquelle tendre lorsque les deux avaient reçues leur part de gifles. » ou « on perd si souvent de vue la voie de la paix que le Parisien a posté à chaque carrefour un gardien pour vous la montrer ».
Cependant , outre que Dadié invente son propre monde ( lorsqu'il parle des guerres en Europe, des douanes et autres restrictions individuelles , comme si la Côte d‘Ivoire ou le Sénégal dans les dernières années du colonialisme étaient le parangon de la liberté et même des quartiers différents des villes ), il sabote consciencieusement la société qu'il a pour but de nous présenter.
Un Lévy Strauss se permettant de parler de « ces gens-là » tout en en méconnaissant leur culture.
Citant la patronne de Paris, Dadié dit naïvement « je n'ai pas vu de statue de Sainte Geneviève » Mais il n'avait ou qu'à se renseigner, ou à ouvrir les yeux sur le pont de la Tournelle.
Il parle des statues autour de la place de la Concorde, sans savoir que ce sont les huit villes principales qui sont représentées.
On arrive donc au sujet sous-jacent : si le héros de Dadié a du mal à s'orienter dans le métro, c'est que les Parisiens sont racistes, sans parler des femmes qui ne se laissent pas séduire par une entrée en matière sur le temps qu'il fait. Ça, vraiment, c'est moche. Pire encore, ce sont elles qui portent la culotte, ce sont elles qui jouent dans ce pays un rôle prépondérant ( culotte ou slip, pour nous qui regardons, (ose-t-il) c'est le même nylon premier choix. ). Sans ajouter que, comble, une Parisienne convoite non pas les cadeaux, mais « d ‘être tendrement aimée, comprise, devinée ».
Il est vrai qu'à Abidjan, c'est mieux : « si les hommes sont polygames, c'est pour que leurs femmes les aiment plus en rivalisant d'attention »
Dadié, en cela pervers, n'arrête pas d'affirmer que nous sommes tous les mêmes, que même les Parisiens ont un coeur, que d'ailleurs ils aiment leurs enfants, n'allez pas croire et il ajoute, mine de rien, que les Parisiens s'embrassent sur la bouche, devant tout le monde, avant de divorcer, que les femmes se fardent pour occulter qu'elles sont vieilles, qu'ils aiment tous, ces gens-là, les fleurs, les animaux, et ils courent après le temps , ils se croient les rois du monde alors qu'ils ont coupé la tête de l'un de leurs.… ce que dans les villages africains on ne fait pas.
J'aimerai citer ce qu'en dit Nastasia B : « A longueur de pages, Bernard Dadié nous parle DU Parisien ou de LA Parisienne, comme si Elle ou Il avaient une essence particulière et propre à ce " peuple " de Paris. J'ai le sentiment qu'à chaque fois qu'on essentialise, qu'on regroupe un ensemble humain et qu'on le baptise d'un même nom générique, comme s'il s'agissait d'un ensemble cohérent alors que manifestement la diversité humaine fait que cette cohérence, et donc cet ensemble, n'existe pas, on établit un boulevard à la pensée raciste, celle qui clive, celle qui fait des paquets, celle qui classe les uns par rapport aux autres. »
Voilà.
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Un nègre à Paris, c'est d'abord un récit qui porte en filigrane les marques du genre épistolaire. En effet, Tanhoe Bertin, le personnage-narrateur, écrit à un correspond sous couvert d'anonymat, demeuré en Afrique.

L'une des caractéristiques majeures de ce récit est son ton humoristique, ironique et sensiblement enjoué.
Quelque forme triviale que puisse prendre parfois le discours de Tanhoe Bertin, l'écriture des stéréotypes et des aprioris négatifs est élaborée à travers le prisme d'un observateur faussement candide.

L'image paysanne et campagnarde de l'Afrique y contraste avec Paris dépeinte comme un véritable musée à ciel ouvert. Toutefois, c'est bien une subtile dérision des usages et moeurs parisiens qui se dégage de ce récit : « Leur façon de travailler montre à quel point ces hommes ne comprennent pas la vie (…) Ils sont un vieux peuple à vieilles habitudes » (p. 23)
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Dans mon exploration de la littérature africaine, je voulais lire ce livre cité entre autres par Alain Mabanckou, je l'avais commandé à ma librairie de quartier et j'ai dû attendre qu'il soit réimprimé -il l'a été suite au décès de l'auteur en 2019. le narrateur en séjour à Paris a un regard très indulgent sur les parisiens et encore plus sur les parisiennes qui le fascinent avec leur rouge à lèvres. C'est le Paris fin années 50 qui est raconté ici, avec humour et érudition car il est aussi beaucoup question d'Histoire de France. Et l'on constate que finalement, les rois et empereurs de tous pays ont toujours les mêmes ambitions et souvent les mêmes méthodes, et que le parisien de souche ne diffère guère de l'homme africain dans sa soumission et néanmoins ses désirs de liberté.
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critiques presse (1)
LeMonde
26 février 2024
Passant sans cesse du gros plan détaillé à une vision plus élargie, il évoque sous forme de saynètes des sujets tour à tour légers, comme le langage des fleurs, les animaux de compagnie ou le rythme de vie des locaux […]
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Si nous confions la garde de nos villages à des génies, les Parisiens laissent ce soin à des espèces de guerriers d'une importance considérable. Personne n'entreprend une action, ne fait un geste sans penser à eux. On les appellent journalistes. Une race turbulente, à l'origine obscure. […] Des gens à l'esprit fort curieux et à la plume hardie, alerte, faisant uniquement métier d'écrire. En somme des espèces de paresseux ne sachant absolument rien faire de leurs dix doigts, mais dont la tête toujours travaille, travaille si bien qu'elle est toujours chaude. Ces journalistes qui se posent en censeurs et s'arrogent le droit de trancher de tout, de tuer un homme ou de le porter aux nues selon leur humeur du jour, ne sont point crieurs publics, ni batteurs de tam-tams. La complexité de leur caractère autorise à dire qu'ils sont les deux à la fois car souvent un seul article fait plus de bruit que huit tam-tams déchaînés et lorsqu'ils se mettent en tête d'orchestrer une affaire, ils n'y vont jamais de main morte. […] Au demeurant des gens doux, pacifiques, bavards par profession, inquisiteurs par déformation, et silencieux par calcul. Ne sont-ils pas souvent dans les secrets d'État ? Un ministre apposant une signature ne pense-t-il pas d'abord à cette race de guêpes-maçonnes qui d'un coup d'ailes jette à terre le plus bel édifice ministériel ? Nous avons nos génies ; ils ont ici leur journalistes : et tous nous font trembler parce que nous ne savons jamais ce qu'ils pensent. Une affaire les intéresse-t-elle ? Ils la montent en épingle. Dans le cas contraire ils font autour d'elle la grande conspiration du silence.
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Lorsque tout le monde a fini de parler, on arrive à l'acte suprême qui décide du sort du gouvernement, on vote. D'un côté ceux qui veulent que le gouvernement meure et avec lui tous ses servants, et de l'autre, ceux qui veulent le reconduire. Le plus souvent ce sont ces derniers qui l'emportent. Lorsqu'il arrive aux premiers de gagner la partie, le gouvernement tombe puis se reforme, mais qu'y voit-on ? Les mêmes hommes ayant simplement changé de siège, c'est-à-dire de fonctions.
Il y a des gens qui sont pour le gouvernement ce que sont les pique-bœufs chez nous, ils ne l'abandonnent jamais, et toujours lui survivent, ils le piquent, le piquent jusqu'à ce qu'il meure.
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Sous notre ciel à chaleur constante il y a des parties de chasse difficiles, celles qu'on livre aux trafiquants, aux margouillats, aux papillons et aux idées, parce qu'on ne sait presque jamais où ils se couchent et comme dit le proverbe, « ce ne sont pas toujours les porteurs de tam-tams qui sont les bons danseurs ». Eh oui ils ont tellement d'attaches qu'il est parfois difficile de les exterminer. Tu ne comprends pas. Je sais, ça ne fait rien ; l'essentiel étant plutôt de constater que de comprendre. Et l'on croit parfois arrêter une danse parce qu'on s'est emparé du porteur de tam-tam. Que fait-on de la chanson qui trottine dans la tête des gens ? Peut-on l'arrêter, lui dire : Euh ! toi, sors de cette demeure ? Lavage de tête, de cervelle, on en parle ! dans ce domaine, que la tête soit blanche ou noire, blonde ou brune, voire chauve, on perd toujours sa lessive.
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Et pendant que tout un peuple suit son héros télévisé, photographié, est-ce que je sais, je crois lire en certains regards de l'angoisse. Les Parisiens mènent leur existence trépidante faite de privations, de refoulement. Ils se demandent où cette civilisation les mène, au rythme de ses machines, lorsque malgré l'abondance, il y a des gens mal nourris, mal vêtus. Les machines, lancées, tournent et tout le pays avec elles, comme pris de vertige. Le mal du siècle est de tourner, de produire le plus possible, de créer des richesses. L'homme est devenu un rouage ; et on lui donne tout juste ce qu'il faut pour jouer son rôle, tourner aussi.
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Partout se dresse un Dieu coléreux ayant à sa gauche le fouet et à sa droite les bonbons. Un Dieu à l'image du Blanc chez nous, avec ses médailles d'une main et sa prison de l'autre.
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