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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un voyage, sur la piste d'une chanson de blues qui parle de Morro Bay, California, USA.

Une Thunderbird pour mêler les temps: celui de l'accident qui en deux fois a fait du narrateur un orphelin et celui de l'errance au hasard, Balthazar, au pays des motels roses, des failles ocres et de l'océan indigo.

Un oiseau de tonnerre pour que le passé éclate comme un ciel d'orage, pour que le noir et blanc se dissolve, libérant les couleurs.

Un trio, amour, amitié, amant, amie, parce que trois roues ça trouve plus facilement l'équilibre.

Une histoire simple, directe, juste, sincère, comme les sentiments qu'elle exprime.

Une phrase aérée , pleine de failles, de trous d'air.

Qui garde intacte la tentation du vertige, l'attraction du vide.

Mais un récit quand même, qui trace sa route hésitante, fragile, et presque forte d'en accepter les risques.

Pour rester vivant.
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À 22 ans, le narrateur est orphelin : sa mère, son frère et son père sont successivement morts en voiture. Orphelin donc, désemparé, privé des couleurs, mais riche de l'héritage familial, il entraîne Laure et Samuel vers Moro Bay, coin perdu d'Amérique, avec pour seule boussole une chanson de Llyod Cole. Un seul objectif : continuer à vivre. Mais c'est un pari difficile quand tout ce qui le retenait a disparu et ne subsiste qu'en lui. « J'ai vingt-deux ans et je suis le dépositaire de leurs histoires inachevées. J'ai vingt-deux ans et je suis un reliquat de récits. Une survivance. Un putain de séquoia. » (p. 95)
Ce voyage en Amérique voudrait ressemble aux road-trips mythiques de la légende de l'Ouest. Mais cette errance dans le désert américain, au volant d'une Thunderbird, est avant tout une quête. « Je fais ce voyage pour trouver mon itinéraire singulier, alors, en marge, je trace mon sentier. » (p. 114) le narrateur pourrait tout se permettre, tout essayer. Mais seul au monde, il cherche également qui il est. Dernier vivant d'une famille décimée, quel est son talent ? « Moi, je ne sais pas en quoi je suis doué. En capacité de survivre au décès de mes proches, peut-être. » (p. 214) Ce cynisme est de mauvais aloi, mais la pulsion de vie reprend le dessus, douloureusement. Même si la tentation de la mort est grande, le narrateur vivra. Et même s'il portera toujours ses morts, il n'est plus tenu de leur rendre un constat hommage.
Le trio d'amis est bancal. Laure est l'ex petite amie et Samuel l'ex meilleur ami. Laure et Samuel sont ensemble. Ou presque. Ou pas vraiment puisque le narrateur est là et qu'il a besoin d'eux. « Insensiblement, nous formons un trio. Un vrai. Contrairement aux apparences, cela n'est venu que petit à petit. À force de route et de Thunderbird. Nous étions partis, trois éléments morcelés, prêts à prendre des envols différents. le voyage nous colle ensemble. » (p. 163) Au-delà de la donne amoureuse, c'est une amitié qui se crée. Même ambiguë et imparfaite, cette relation est de celles qui sauvent.
Au début du texte, le narrateur ne voit plus les couleurs. Tout est noir ou tout est blanc, atrocement blanc. Cette surexposition douloureuse, c'est la pellicule de sa vie qui crame. Ce sont les regrets et les chagrins qui explosent enfin, c'est la rancoeur contre le père qui trouve sa voie, c'est la tendresse pour la mère qui n'a plus peur de se montrer. Ce trop-plein d'émotion fait disjoncter. Et le fusible, ce sont les couleurs. Parce que les couleurs sont la vie, elles disparaissent le temps que le deuil ait fait son oeuvre, le temps qu'il ait tout ravagé. On reconstruit mieux sur une table rase que sur des ruines branlantes. Et, même si c'est hésitant, les couleurs reviennent quand le narrateur reprend pied.
Pudique et bouleversant, ce roman prend au coeur. Ceux qui ont perdu un être cher comprendront. Les autres aussi, parce que la mort n'est jamais une abstraction. Elle rôde sans malice, elle remplit son office. Tout ce que nous pouvons faire, en l'attendant, c'est rester vivant.
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Jean-Philippe Blondel Et rester vivant – Buchet Chastel ( 245 pages- 14€50)

A la manière de Woody Allen dans « Stardust memories » , par flashback, le narrateur remonte aux source de sa tragédie familiale, et nous plonge dans « ses ténèbres, ce tsunami interne », son maelström émotionnel. Une longue traversée en noir et blanc avant le retour à la lumière et vers les couleurs. Il nous livre toutes ses interrogations , ses réactions quand tout a basculé, se retrouvant orphelin à 22ans et prend conscience de « de ne plus avoir de filet de sécurité ».
Aller à la conquête de la Californie, nourri par l'American dream , des lectures de Kerouac, c'est l'idée du narrateur quand il se retrouve anéanti par des drames successifs irréparables. L'été 86, il embarque ses deux béquilles, Laure et Samuel « les seules personnes à qui il tienne », avec pour but final : Morro Bay, lieu mythique pour le narrateur , habité par la chanson Rich. le lecteur suit les pérégrinations jusqu'au Mexique du trio très soudé qui suscite bien des interrogations quant à leurs liens ambigus. Leur allure de beatnik les rend suspects dans cette Amérique puritaine. En louant une voiture , il confie à l'employée l'urgence de cette « parenthèse » avant de trouver sa voie.
La rencontre avec Rose fut « un moment inoubliable » pour le narrateur et lui laissera une trace indélébile, tout comme l'intermède musical au piano, doux instant de partage, avec « les notes comme onguent » et un clin d'oeil à Echenoz. Unique et lénifiante son expérience dans le désert , en tête à tête avec sa confidente, « son talisman » , à l'écoute de l'univers et de la beauté environnante .Sa disparition alarme ses compagnons de route. Il leur fausse compagnie, gouverné par son obsession : rallier Morro Bay. Besoin de solitude pour imprimer « tous les détails » une dernière fois et renaître, car le narrateur ne conservera que ce qui « s'incruste dans la mémoire ».
Les lieux parcourus sont des tremplins pour les réminiscences du narrateur. La forêt de séquoias ravive ses souvenirs de pique -nique familial. L'océan lui rappelle ses étés dans les Landes. Par touches, il évoque cette mère complice avec qui il vécut quelques années seul , ce frère qui était tout l'opposé de lui , ce père responsable , « qui voulait le tuer », avec qui il cohabita , évitant le sujet douloureux .Auprès de ce père, froid comme le marbre , qui ne peut plus réagir, il laisse éclater sa colère , lui assénant ses quatre vérités,dans une scène poignante. Monologue caustique, dévoilant la dérive du couple, la complicité de la mère avec son fils cadet et ses envies d'évasion. Elle aussi rêvait d'Amérique . Avec une pointe d'humour noir , l'auteur déplore que les seules « à avoir échappé belle », ce sont ses dents de sagesse, soulignant le « gâchis ».
Jean-Philippe Blondel a déjà glissé des éclats autobiographiques dans ses précédents ouvrages, mais dans celui-ci , il ne cache pas sa volonté d'exorciser son double traumatisme, encaissé trop jeune, à 22ans « âge de malédiction temporaire ». Par l'écriture , il se libère de ce « fardeau » , il élimine « le poison ».Comme le serpent qui mue , l'auteur quitte « son océan gris »y noie l'horrible réalité, ouvre les vannes à « ces vagues qui attaquent les digues », éponge sa peine , apprivoise les couleurs, retrouve « l'ocre du Grand canyon, le colibri au corps bleu et menu » , admire l'orange , le mauve du ciel, se souvient des reflets du soleil sur la coupe en cristal et renonce à remplir son journal arborant «  du vert , du jaune, du violet ».Il se sent « lumineux », épanoui , heureux d'entendre «  les rires de ses filles », stimulé par « leur vitalité , leur énergie ». Il livre un exemple de survie: passé le choc et la douleur , il a appris à vivre avec les absents et a compris l'ironie de cette phrase trop souvent entendue « On a toute la vie ».
le mot 'enfin' dans la dédicace semble sonner une délivrance.
Comme le déclare Bernard Pivot dans 'Les mots de ma vie': « De tous les verbes , c'est vivre qui a le plus beau participe présent ». Jean-Philippe Blondel adresse un puissant message de reconnaissance et de gratitude à ses sauveurs , avec en fond sonore la musique de Lloyd Cole «sa planche de survie ». Si le narrateur a le don de briser le coeur par un sourire , l'auteur a le don d' émouvoir par les mots à qui il confie l'indicible. Il signe un roman cathartique, bouleversant.
Une résilience remarquable. Un bel hymne à l'amitié et à la famille qui régénère le lecteur.
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La Feuille Volante n° 1389 – Septembre 2019.
ET RESTER VIVANT- Jean-Philippe Blondel - Éditions Buchet Chastel.

Le narrateur, vingt deux ans, se réveille d'une opération des dents de sagesse pour apprendre que son père vient de mourir dans un accident de voiture. Il a déjà perdu sa mère et son frère dans des circonstances analogues et Laure, son amie, vient de le quitter pour Samuel, pourtant son "meilleur ami". le voilà seul au monde, enfin pas tout à fait puisque que Laure reste à ses côtés avec Samuel pour l'aider à surmonter cette épreuve. Mais est-ce vraiment une épreuve puisqu'il dit être enfin débarrassé de la présence pesante et violente de son père? Il est désormais libre et riche, à cause de l'héritage paternel et, alors qu'il aurait dû le réinvestir dans quelque chose de durable, il emmène ses amis en Californie à cause d'une chanson de Lloyd Cole qui parle de Morro Bay, une petite ville de cet état, et c'est l'été. Il veut, avec eux, vivre son rêve américain au volant d'une grosse voiture, mais ce qui dans sa tête devait être un vrai "road movie" à la manière de Jack Kerouac, se transforme vite en une errance dans l'ouest américain. Ce sera les motels inconfortables, les déserts, les grands espaces puis Las Vegas et son décor intemporel de jeu, le Mexique... le trio qu'ils forment n'en n'est pas vraiment un, entre attachement et attirance. Laure qui était la petite amie du narrateur depuis l'adolescence est maintenant celle de Samuel, mais leurs relations sont équivoques, et leur présence aux côtés du narrateur est censée l'aider à favoriser sa résilience.
J'ai bien aimé ce personnage du narrateur, ses réflexions sur sa famille, sur ses parents sur son frère et les mystères et les incompréhensions qui vont avec, sa fuite vers un but irréel, sa volonté de se raccrocher désespérément à des êtres qui pourtant lui sont relativement étrangers, sa quête de quelque chose d'assez incertain qui semble se dessiner devant lui où disparaître à sa vue après s'être révélé, à l'image du désert qu'il aborde comme un jalon dans sa course surréaliste, la certitude que ces rêves ne s'accompliront jamais. Il gardera l'empreinte de tout cela, fixera peut-être avec des mots l'émotion ou l'espoir d'un instant, confiera à la page blanche les traits d'une silhouette ou le fantasme d'une passade qui n'a pas existé... Morroy Bay, un lieu si loin de la France, choisi parce qu'un chanteur l'évoque avec des mots où sont accrochés des notes de guitare, une sorte d'Eldorado inconnu qui se dérobe comme un mirage, une intuition de fin du monde qui peut arriver maintenant mais qui l'indiffère. Il y a tout ce qu'il voulait faire, dans cette vie, tous ces châteaux en Espagne qui fleurissent et s'épanouissent dans nos têtes, mais tout cela ne se fera pas et contribuera à ne faire naître que des regrets et des remords. Dans ce bout du monde enfin atteint, à où la terre s'arrête et où commence l'océan, l'envie de vivre revient parce que ce but, même un peu fou, est atteint et que demain redevient possible, qu'on a quand même envie de nouveau de prendre sa part dans ce grand combat perdu d'avance parce qu'il est humain et que tout ce qui est humain est transitoire et voué à la destruction. Face à cette mort annoncée il reste l'écriture, un exorcisme possible, des mots confiés au fragile support du papier. Écrire pour aider à supporter la vie, pour rester vivant, ou rester vivant pour écrire?
C'est un roman simplement autobiographique, avec tout ce que cela implique dans le ton, dans l'écriture et pas seulement en raison de l'emploi de la première personne. Même si ce dont il parle semble irréel, l'accumulation des deuils, ses espoirs dont on comprend vite qu'ils seront sans lendemain, c'est son histoire personnelle qu'il livre au lecteur et j'ai ressenti une sorte d'attachement personnel rare avec ces mots, une sorte de communauté d'expérience et d'intentions... et peut-être aussi d'échec, le fait de se sentir perdu dans ce monde, de n'y être pas vraiment à sa place. Pour cela, pour le style, pour l'ambiance et sans doute pour beaucoup d'autres choses dont je n'ai même pas conscience, ce roman a été pour moi un bon moment de lecture.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
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Je lis tous les livres de cet auteur qui me tombent sous la main, celui-là c'est la souris jaune qui me l'a conseillé, qu'elle en soit remerciée. C'est un très beau livre, qui explique bien des failles et des difficultés d'être à fond dans la vie qui sont évoquées dans tous les livres de Jean-Philippe Blondel. Lorsqu'il avait 18 ans un accident de voiture a tué sa mère et son frère, c'est son père qui conduisait et celui-ci meurt quatre ans plus tard. Plombé par ces deux tragédies, le narrateur très proche de l'auteur, sans aucun doute, a bien du mal à trouver l'envie de « rester vivant » . Avec beaucoup d'humour et en restant très pudique, il arrive à nous faire comprendre et partager sa souffrance. Ce que j'apprécie chez lui, c'est que jamais il ne s'apitoie sur lui, jamais il ne fait pleurer sur son sort. Sa vision de l'Amérique est original et tout en suivant une chanson de Lloyd Cole Rich qui l'amènera à Morro Bay. Mais aussi à Las Vegas où il a bien failli se perdre lui et et aussi Laura et Samuel. Ce sont ses amis et leur trio est compliqué, Laura c'st son ex qui est maintenant la petite amie de Samuel qui est son ami pour toujours. Ce road movie lui permet de faire des rencontres intéressantes et même la loueuse de voiture qui semble d'un banal achevé se révélera plus riche qu'il ne s'y attendait. Bien curieuse famille où lui était l'enfant raté à côté du frère parfait qu'il entendait pourtant pleurer très souvent la nuit dans son lit.
Lien : http://luocine.fr/?p=10081
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Il faut découvrir ce livre :

1- Parce que Jean-Philippe Blondel, contrairement à d'autres auteurs, devient meilleur au fur et à mesure de ses bouquins…J'avais déjà beaucoup aimé G229 dans lequel il avait transformé son expérience de prof d'anglais dans un lycée en roman. Dans ce nouvel exercice d'auto-fiction, je me suis laissée emporter tout de suite sans me poser la question de la vraisemblance de l'histoire ou de l'épaisseur des personnages. J'ai retrouvé une certaine douceur dans son écriture. Malgré le thème, on n'est jamais dans le pathos, ce qui n'empêche pas l'émotion.

2- Parce que c'est un road movie qui m'a entraîné en Californie dans des endroits où je suis passée lors d'un circuit dans l'Ouest Américain et que j'ai adoré revenir à Monument Valley, au Grand Canyon, à Las Vegas et dans la Vallée de la Mort.

3- Parce que la question « qu'est-ce qui nous retient à la vie? » quand on perd un être cher, on y est tous un jour confronté pour soi même ou à travers une épreuve que peut traverser un proche, un ami. le roman n'apporte pas de réponse mais montre l'incroyable capacité de résistance que peut avoir l'être humain.

4- Parce que le roman résonne des petites scènes ordinaires tellement justes qu'on se sent forcément proche du narrateur sans avoir vécu pareil drame…parce qu'il y a aussi des moments un peu surréalistes comme cette rencontre avec Jean Echenoz dans une préfecture…parce qu'il suggère que dans les voyages l'important n'est pas la destination mais les rencontres que l'on peut faire.

5- Parce qu'il attaque le livre par une dédicace à ceux qu'il a perdu tragiquement et dans des circonstances si similaires qu'il y a de quoi devenir fou…parce qu'il le conclut en espérant que c'est la dernière fois qu'un de ses livres ressemble à un hommage.

En refermant ce livre, on se pose forcément la question des frontières entre narration et vécu…qu'est ce qui est romancé, qu'est ce qui ne l'est pas ?
Lien : http://www.chocoladdict.fr/2..
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1ère phrase :Bien sûr, ça m'a traversé l'esprit, décrire sur cette période là.

L'histoire : Il a 22 ans, il raconte son histoire à la première personne, il a perdu toute sa famille. C'est le récit d'une reconstruction, entre deux amis, au cours d'un road trip dans l'ouest américain.

Mon avis : Une fois encore, Jean-Philippe Blondel, m'a touchée avec ce récit. Car c'est d'un récit dont il s'agit et non pas d'un roman. Un récit cours et percutant que j'ai lu d'une seule traite au petit matin. Impossible de lâcher ce livre plein de sensibilité et de pudeur. On sent le fond de l'abîme et la difficulté d'en remonter. Un homme au tout début de sa vie, plongé dans l'horreur de la perte et devant recréer un chemin de vie. On oscille entre temps présent et passé, comme un aller retour permanent entre la vie d'avant définitivement brisée et celle d'aujourd'hui à trouver.
De ces autres livres je ressortais toujours amusée et légère. de celui ci je ressors touchée et émue.
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Editions Buchet Chastel, © septembre 2011, 245 pages. Premier livre lu pendant le Read-a-Thon d'octobre dernier, premier choc sur lequel je n'ai pas eu le temps de m'attarder, donc pour faire ce billet, j'y suis revenue, décryptant les post-it jalonnés de ci de là mais surtout pour y retrouver l'intense émotion qui m'avait saisie du début à la fin de cette confession. Comment en effet rester insensible à ce témoignage autobiographique ? Dans un autre cadre de lecture, j'aurais attendu de m'en remettre pour passer à autre chose, donc pour lui, pour restituer au mieux ce livre profond en émotions qui m'ont touchées j'ai laissé décanter, comme un bon vin…

Je comprends que l'auteur ait laissé passer vingt-quatre ans pour pouvoir l'écrire aussi intimement. Car perdre sa mère et son frère à dix-huit ans, puis son père quatre plus tard, et les trois dans un accident de voiture, sans tomber dans la guimauve dégoulinante et larmoyante, ne prête pas à sourire. Pourtant le tour de force de ce roman est là : dans le ton ironique de Jean-Philippe Blondel, mêlé à son incompréhension et à son incrédulité souvent : “J'ai vingt-deux ans et je suis le dépositaire de leurs histoires inachevées. J'ai vingt-deux ans et je suis un reliquat de récits. Une survivance. Un putain de séquoïa.”

Avec l'argent de l'héritage, il se sent ivre de liberté mais empêtré aussi avec elle. Il décide alors de partir à Morro Bay en Californie comme dans la chanson (Rich) de Lloyd Cole, Lloyd Cole étant une histoire à lui seul de ce roman, avec Samuel son meilleur ami et Laure, son ex, qui passe des bras de l'un à ceux de l'autre sans que cela ne remette en question l'amitié du trio !

Commence un étrange voyage à bord d'une Thunderbird où notre héros, invariablement reste couché à l'arrière, retenant sa peur et ses a priori sur ce moyen de transport. Et pour cause…” D'habitude, dans les voitures, je passe mon temps à prier pour que tout se passe bien.” de motel miteux plantés dans le désert californien en franches parties de rigolade avec ses amis, c'est en parallèle une réflexion sur ce qui lui arrive, l'état d'esprit dans lequel il était après le décès de son père, un état d'hébétude où les images lui reviennent en “stroboscope”. Vers la fin , il s'émancipe de ses deux amis, loue enfin une voiture seul et met le cap sur Morro Bay, la quête initiatique et mystique de départ.

Il y a une très belle image dans un motel paumé où il séduit la tenancière, Rose, un peu fanée, un peu pianiste, qui en lui jouant la valse n° 12 de Chopin (dans le désert ça m'a semblé presque irréel !) le projette l'année de ses huit ans : il roule à Solex avec sa mère qui était fantasque (aux yeux des autres) serré contre elle sur le porte-bagages. Une image forte, en noir et blanc dans laquelle on perçoit la volonté de l'auteur à se raccrocher au peu de souvenirs qui lui restent. Ceux qu'il ne pourra plus se faire. Ceux qu'il ne peut plus développer, les négatifs ont disparu. “Les rues défilaient. Nous n'allions jamais loin. Nous ne partions jamais longtemps. C'était pourtant la plus belle des conquêtes.”

Il retrouvera ses amis et nous dira ce qu'il est devenu. Comment les rencontres faites au cours de ce voyage, le soutien inconditionnel des amis, la musique de Lloyd Cole et surtout d'avoir été à Morro Bay, d'avoir au moins réalisé un rêve ont été déterminants dans sa vie. Et comment et pourquoi il a commencé à écrire des romans, pour ne pas se perdre, pour s'y perdre aussi et prendre la mesure du temps nécessaire qu'il faut pour “rester vivant”.

Une lecture forte, un style imagé et concis avec des phrases courtes, où la frontière entre le rire et les larmes est ténue, mais Jean-Philippe Blondel maîtrise son sujet de main de maître en parvenant à nous faire sourire sans jamais s'apitoyer… J'ai beaucoup aimé. Merci à George qui m'a poussée (pas trop non plus) à l'acheter. Delphine a aimé également, ICI. Mais également, le beau billet de Mind the Gap, aujourd'hui, nous aurions pu faire une LC !
Lien : http://leslecturesdasphodele..
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Editions Buchet Chastel, © septembre 2011, 245 pages. Premier livre lu pendant le Read-a-Thon d'octobre dernier, premier choc sur lequel je n'ai pas eu le temps de m'attarder, donc pour faire ce billet, j'y suis revenue, décryptant les post-it jalonnés de ci de là mais surtout pour y retrouver l'intense émotion qui m'avait saisie du début à la fin de cette confession. Comment en effet rester insensible à ce témoignage autobiographique ? Dans un autre cadre de lecture, j'aurais attendu de m'en remettre pour passer à autre chose, donc pour lui, pour restituer au mieux ce livre profond en émotions qui m'ont touchées j'ai laissé décanter, comme un bon vin…

Je comprends que l'auteur ait laissé passer vingt-quatre ans pour pouvoir l'écrire aussi intimement. Car perdre sa mère et son frère à dix-huit ans, puis son père quatre plus tard, et les trois dans un accident de voiture, sans tomber dans la guimauve dégoulinante et larmoyante, ne prête pas à sourire. Pourtant le tour de force de ce roman est là : dans le ton ironique de Jean-Philippe Blondel, mêlé à son incompréhension et à son incrédulité souvent : “J'ai vingt-deux ans et je suis le dépositaire de leurs histoires inachevées. J'ai vingt-deux ans et je suis un reliquat de récits. Une survivance. Un putain de séquoïa.”

Avec l'argent de l'héritage, il se sent ivre de liberté mais empêtré aussi avec elle. Il décide alors de partir à Morro Bay en Californie comme dans la chanson (Rich) de Lloyd Cole, Lloyd Cole étant une histoire à lui seul de ce roman, avec Samuel son meilleur ami et Laure, son ex, qui passe des bras de l'un à ceux de l'autre sans que cela ne remette en question l'amitié du trio !

Commence un étrange voyage à bord d'une Thunderbird où notre héros, invariablement reste couché à l'arrière, retenant sa peur et ses a priori sur ce moyen de transport. Et pour cause…” D'habitude, dans les voitures, je passe mon temps à prier pour que tout se passe bien.” de motel miteux plantés dans le désert californien en franches parties de rigolade avec ses amis, c'est en parallèle une réflexion sur ce qui lui arrive, l'état d'esprit dans lequel il était après le décès de son père, un état d'hébétude où les images lui reviennent en “stroboscope”. Vers la fin , il s'émancipe de ses deux amis, loue enfin une voiture seul et met le cap sur Morro Bay, la quête initiatique et mystique de départ.

Il y a une très belle image dans un motel paumé où il séduit la tenancière, Rose, un peu fanée, un peu pianiste, qui en lui jouant la valse n° 12 de Chopin (dans le désert ça m'a semblé presque irréel !) le projette l'année de ses huit ans : il roule à Solex avec sa mère qui était fanstasque (aux yeux des autres) serré contre elle sur le porte-bagages. Une image forte, en noir et blanc dans laquelle on perçoit la volonté de l'auteur à se raccrocher au peu de souvenirs qui lui restent. Ceux qu'il ne pourra plus se faire. Ceux qu'il ne peut plus développer, les négatifs ont disparu. “Les rues défilaient. Nous n'allions jamais loin. Nous ne partions jamais longtemps. C'était pourtant la plus belle des conquêtes.”

Il retrouvera ses amis et nous dira ce qu'il est devenu. Comment les rencontres faites au cours de ce voyage, le soutien inconditionnel des amis, la musique de Lloyd Cole et surtout d'avoir été à Morro Bay, d'avoir au moins réalisé un rêve ont été déterminants dans sa vie. Et comment et pourquoi il a commencé à écrire des romans, pour ne pas se perdre, pour s'y perdre aussi et prendre la mesure du temps nécessaire qu'il faut pour “rester vivant”.

Une lecture forte, un style imagé et concis avec des phrases courtes, où la frontière entre le rire et les larmes est ténue, mais Jean-Philippe Blondel maîtrise son sujet de main de maître en parvenant à nous faire sourire sans jamais s'apitoyer… J'ai beaucoup aimé. Merci à George qui m'a poussée (pas trop non plus) à l'acheter. Delphine a aimé également, ICI. Mais également, le beau billet de Mind the Gap, aujourd'hui, nous aurions pu faire une LC !
Lien : http://leslecturesdasphodele..
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Blondel a un don surprenant : Traiter de sujets tragiques sur un ton détaché, simple et sans pathos qui permet finalement au lecteur de pleinement vivre le livre !
"Et rester vivant" est un roman à base autobiographique, fort et poignant sur le deuil. Orphelin de tout à 22 ans : comment surmonter ces morts ? Comment rester vivant seul ?
L'auteur nous livre un road trip étasunien génial avec 2 amis pour trouver les réponses à ces questions.

A lire aussi : "Le baby-sitter"
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