Dans son style pâteux et répétitif, le probe historien Henry Bogdan résume les principaux événements notables de la Guerre de Trente Ans, cette catastrophe qui ravagea l'Europe Centrale entre 1618 et 1648. Si l'auteur est à son affaire pour dérouler ennuyeusement toutes les batailles, tous les mouvements de troupes, toutes les négociations et autres, il ne précise qu'à la fin le sort des populations qui eurent à souffrir trente ans de pillages, d'atrocités, de famine et de maladies. Quant aux aspects culturels et "civilisationnels" de la chose, il ne faut pas attendre de lui de grandes lumières. Sorti de son domaine stratégique et diplomatique, il fait preuve parfois d'une étonnante sottise, croyant par exemple que les Tchèques ou les Hongrois catholicisés de force, ont été persuadés de rester catholiques par les ors et l'art baroque de la Contre-Réforme. Un des avantages de l'ouvrage, cependant, est de donner à réfléchir sur la nature de l'Europe : quand les Habsbourg tentèrent de créer une Allemagne centralisée, puissante et catholique, sur le dos des minorités religieuses et nationales, les états voisins firent partiellement échouer ce projet. Quand, plus tard, la Prusse reprit cette entreprise unificatrice, aux XIX° et XX°s, l'Europe connut trois guerres atroces (1866 et 1870 / 1914-1918 / 1939-1945), un génocide, et quarante ans d'occupation communiste. Après 1950, cette même puissance allemande unifiée, puis réunifiée, a imposé son ordre européen par Bruxelles, dont on voit le résultat, économique, politique, sanitaire, aujourd'hui, où les pays vassaux du sud meurent d'impréparation libérale obligatoire pendant que la nation allemande dominante résiste bien au virus. Ce livre a donc l'avantage certain de récapituler ce qu'il faut savoir de cet important épisode européen, et de faire réfléchir aux suites, si le lecteur se résigne à supporter le style pénible de l'auteur.
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Je ne me rappelle pas avoir étudié ce conflit pendant mes études scolaires : il s'agit pourtant d'une guerre à l'échelle européenne (même si le Saint-empire en fut le théâtre principal) , d'une durée et d'une sauvagerie remarquables . A la base un conflit religieux puis un affrontement entre puissances de l'époque . La France intervint d'abord en soufflant sur les braises , puis directement et de manière particulièrement brutale en pays germaniques ( une raison pour qu'on ne s'en vante pas) . L'ouvrage n'est pas très alerte dans son style mais complet et dense.
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Du point de vue historique, c'est vraiment intéressant. C'est une partie de l'histoire que l'on ne nous apprend pas à l'école.
C'est de l'histoire pure et dure. Les faits sont énoncés les uns à la suite des autres. C'est difficile à assimiler, quand on voit le nombre d'intervenants différents et le nombre de faits.
Il y a pleins de notes de bas de pages, sur toutes les pages à vrai dire. Il y en a très peu d'utiles. Il s'agit quasiment de renvoi vers d'autres livres. Pour faire simple, je ne suis ni historienne, ni prof d'histoire, j'aurais préféré avoir l'explication en une ligne ou pas de note.
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Les Etats de Bohême, pendant ce temps [élection impériale à Francfort de Ferdinand II de Habsbourg, 1619], avaient redoublé d'activité. Réunis à Prague depuis le 13 juillet, les représentants des trois ordres adoptèrent le 21 une nouvelle Constitution qui faisait de l'ancien royaume une Confédération, la Confederatio Bohemica, constituée de cinq Etats indépendants et souverains, la Bohême, la Moravie, la Silésie et les deux Lusaces. Cette Confédération était ouverte aux autres pays de la monarchie habsbourgeoise qui souhaiteraient y adhérer ; on songeait alors à la Haute et Basse-Autriche, et même éventuellement à la Hongrie où le parti protestant et le prince de Transylvanie Bethlen étaient favorables à une telle coalition dirigée contre les Habsbourg. La nouvelle Constitution de Bohême reprit à son compte les principes de liberté religieuse définis par la Lettre de Majesté de 1609 - et ce pour rassurer la minorité catholique -, ce qui n'empêchait pas que les Jésuites demeuraient bannis du royaume et que les catholiques occupant des charges dans l'Etat étaient tenus de s'engager par serment à observer les dispositions de la Lettre de Majesté. La Constitution mettait fin à l'hérédité de la monarchie qui s'était peu à peu introduite en Bohême avec les Habsbourg. Désormais, le roi serait élu par la Diète, et il lui serait interdit de faire élire de son vivant son successeur. La fonction royale devenait alors purement honorifique car c'est la Diète seule qu'appartient le pouvoir législatif ; elle seule, et après consultation des Défenseurs, peut conclure des alliances avec des pays étrangers et décider d'actions militaires à l'extérieur. De plus, chacun des membres de la confédération dispose de son propre gouvernement, de sa propre administration. La seule institution commune est le Directoire dont les membres sont désignés séparément par les Diètes provinciales.
pp. 71-72
[Jean Hus] fut livré au bras séculier et mourut sur le bûcher le 6 juillet 1415 ; l'un de ses plus fidèles disciples, Jérôme de Prague, subit le même sort le 30 mai 1416 pour avoir prononcé un panégyrique de Jean Hus. La mort des deux réformateurs, loin d'apaiser les esprits en Bohême, provoqua une véritable guerre civile. Les hussites, divisés d'ailleurs en plusieurs courants - et, parmi eux, un courant radical représenté par les taborites du nom de la ville de Tabor où leur chef, Jean Zizka de Trocnov tenta une expérience de vie communautaire fondée sur l'égalité totale entre les citoyens -, fixèrent en 1420 dans les "Quatre Articles" les principes de leur doctrine. L'un des points essentiels, celui que l'Histoire a retenu, était la communion sous les deux espèces, le pain et le vin, qui, à leurs yeux, symbolisait l'égalité entre les prêtres et les fidèles, alors que, selon la tradition observée jusque-là, seuls les prêtres avaient le privilège de communier avec l'hostie et le calice. C'est ce qui valut aux hussites d'être qualifiés d'utraquistes, c'est-à-dire ceux qui communient sous les deux espèces, "sub utraque specie" dans la terminologie latine.
p. 48
(1633).
On attribue à Wallenstein l'élaboration de deux projets pour rétablir la paix dans l'Empire. (...) Le "grand projet" ... concernait également la France et la Suède. A Dresde, où résidaient de nombreux protestants émigrés originaires de Bohême, l'un d'entre eux, le comte Vilem Kinsky, qui avait des liens de parenté avec la famille de Wallenstein, avait pris contact avec le représentant de la France, le marquis de Feuquières. L'objet de la discussion était d'obtenir pour Wallenstein une aide financière pour lui permettre de lever de nouvelles troupes et de marcher avec elles contre l'empereur. L'objectif final aurait été de reconstituer un grand Etat de Bohême indépendant qui aurait retrouvé ses anciennes institutions et où la Diète aurait recouvré le droit de désigner le roi. Bien sûr, dans l'esprit de Wallenstein, ce roi n'aurait pu être que lui-même, et la Bohême aurait alors renoué avec l'ancienne tradition d'un roi national élu. Wallenstein aurait ainsi fait siennes les revendications des émigrés tchèques. Les contacts avec le représentant de la France s'accompagnèrent de discussions avec le chancelier [suédois] Oxenstierna, mais celui-ci, bien qu'intéressé par le "grand projet" de Wallenstein, n'avait guère de confiance dans le condottiere.
p. 154
La Diète convoquée pour le 26 juillet 1640 à Ratisbonne ne commença véritablement ses travaux que le 23 septembre. Ferdinand III lança un appel en faveur d'une paix générale ... Les espoirs d'un prompt rétablissement de la paix ... furent brutalement remis en question par ... la signature d'un traité secret entre le Brandebourg et la Suède... Alors même que la Diète était réunie, un prince, [l'Electeur Frédéric-Guillaume] officiellement "réconcilié" avec l'empereur, concluait une paix séparée avec un état en guerre contre l'empereur. Tout d'un coup, ce fut le problème de la place et de l'autorité même de l'empereur qui se trouva posé devant la Diète. Un prince allemand, fût-il Prince-Electeur, pouvait-il signer un traité avec un Etat engagé dans une guerre contre l'empereur, et à plus forte raison conclure une alliance avec lui ... ?
Le débat était engagé à la Diète au moment même où venait d'être publié un ouvrage intitulé "Dissertatio de ratione status in imperio romano", (Discours sur la raison d'état dans l'empire romain). Son auteur, Hippolytus a Lapide, de son vrai nom Philippe Bogislav Chemnitz, un Poméranien protestant qui fut plus tard l'historiographe de la reine Christine de Suède, y démontrait que la souveraineté dans l'empire résidait dans l'empire seul, en tant que corps constitué dans lequel l'empereur n'était que l'un des organes aux pouvoirs limités par la Wahlkapitulation à laquelle il souscrivait au moment de son élection. Lapide rappelait aussi que les Habsbourg avaient progressivement transformé la monarchie élective en monarchie héréditaire ; pour lui, le seul moyen pour revenir à la tradition était de limiter à deux le nombre des empereurs que pourrait fournir une même Maison princière. Ainsi, les Habsbourg catholiques qui occupaient le trône impérial depuis plus de deux siècles seraient définitivement évincés du pouvoir. Parallèlement, il faudrait restaurer l'autorité de la Diète et créer un gouvernement d'empire qui partagerait avec l'empereur le pouvoir exécutif.
pp. 212-214
1648, les traités de Westphalie.
Les traités de Westphalie ont également scellé la réconciliation entre l'empereur et tous les princes allemands qui avaient pris les armes contre lui. Seuls furent exclus de l'amnistie les sujets rebelles de Bohême dont les biens avaient été confisqués dans le cadre de la répression qui avait suivi la Montagne Blanche. Leur retour en Bohême était autorisé à condition qu'ils reviennent (?) au catholicisme, mais, même dans ce cas, ils ne recouvraient pas leurs biens. Les délégués de la Suède à Osnabrück tentèrent vainement d'obtenir pour eux l'amnistie que l'on avait accordée aux princes. Jean Amos Komensky, dans une lettre du 11 octobre 1648, ne put qu'exprimer au chancelier Oxenstierna toute l'amertume et la douleur des émigrés bohêmes qui se sentaient trahis par leurs alliés.
p. 260.