Ce roman m'a fortement fait penser aux récits
Je Bouquine, voire, avec un peu d'imagination (car les dessins de Pierre Bailli sont très éloignés du style de Tito) aux albums de la série BD Tendre Banlieue.
Ici, Stéphane, un grand gamin de 12 ans, orphelin et vivant chez une famille d'accueil frustre, les Binet, traîne son malaise adolescent dans la ville de Fleury sous Rochefort, en Charente.
Au cours de la fuite et capture de Natacha, l'ourse du jardin zoologique de la ville, il rencontre Lisa, un petit bout de fille, deux ans plus jeune que lui, et commence entre eux deux une amitié fusionnelle proche de l'amour, tandis qu'il fréquente le zoo de plus en plus souvent pour y voir Natacha qui le fascine, et dont le gardien, Marc, s'attache à lui.
Malheureusement, chez les Binet la situation se dégrade tellement que Stéphane demande à aller à l'internat de Gironde, une ville voisine. Mais lui et Lisa supporteront-ils l'éloignement que cela implique, à un âge et à un moment où on a tant besoin de l'autre ?
Même si Natacha n'est pas tout à fait le sujet du livre, elle occupe une place non négligeable : cet animal est considéré depuis des temps immémoriaux comme le double bestial de l'être humain (lire l'excellent essai de
Michel Pastoureau à ce sujet,
L'ours: histoire d'un roi déchu).
Outre le titre, l'ombre tutélaire de l'ourse plane sur tout le récit: symbole des instincts de rébellion de Stéphane, loin d'être idéalisée ou anthropomorphisée, c'est avec elle qu'aura lieu une des scènes les plus belles et intenses du récit, qui nous rappelle qu'elle n'est pas un jouet et qu'elle reste un animal sauvage, mystérieux et dangereux. Si la magie qui les lie sera brisée à cet instant, elle aura cependant légué à Stéphane un précieux cadeau: sa rencontre avec Lisa et Marc...
Beaucoup de sujets abordés dans un livre si mince ! Outre les familles d'accueil, l'amour, la difficulté d'accepter le nouveau compagnon d'une maman ou de s'insérer dans un internat dont les élèves peuvent se montrer cruels, bref de trouver sa place dans la vie, on aborde aussi le sujet de la vie sauvage et domestiquée, avec un rapide plaidoyer en faveur des zoos... On y en apprend même plus sur les ours en quelques paragraphes alors que ce n'est pas le sujet principal, que sur l'once dans
la panthère des neiges de
Sylvain Tesson! XD
Le danger aurait été de tomber, avec tant de sujets délicats, dans le sordide ou le lourdement démonstratif. Mais Paule du Bouchet évite ces écueils grâce à une écriture sans fioritures (des dialogues crédibles, des descriptions courtes et évocatrices, une tendresse sensible pour ses personnages) qui va droit au but, et on arrive très vite aux dernières pages. La fin, sans promettre un bonheur éternel, est suffisamment heureuse pour rassurer/satisfaire les jeunes lecteurs à qui ce livre est destiné.
Si je n'ai pas donné la note maximale à ce livre, c'est surtout parce que ce ne sont pas forcément les sujets auxquels je m'intéresse le plus que par la qualité du livre lui-même, que je trouve très bon dans son domaine ;-)