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EAN : 9782073049377
416 pages
Gallimard (11/01/2024)
4.42/5   55 notes
Résumé :
« Je me suis longtemps tenue à l'écart de la littérature africaine, j'y lisais une injonction qui ne me convenait pas. Les auteurs étrangers parlaient à un «moi» intime, eux convoquaient la couleur de ma peau, ainsi qu'une Histoire qui me blessait et m'humiliait. J'étais une femme sensible, en proie aux remous de la vie, pas un concept, un combat perdu, un territoire à conquérir, une authenticité à redéfinir. Mon identité ne faisait aucun doute à mes yeux, ou si dou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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« Tout cela était sans importance, les minutes et les heures étaient suspendues à la main de sa mère qui lui tenait le coude, à son pas erratique de vieille dame malade, à ses traits amaigris, à son souffle court : "Maman se meurt, oh maman…" »

Anna, la mère d'Abi, est mourante. Dans ses rares instants de lucidité, elle se confie sur sa vie : Sa naissance dans un village pauvre du Cameroun, son enfance sous le regard bienveillant de Samgali, ses espoirs d'émancipation par la lecture et la réussite à l'école catholique tenue par des bonnes soeurs, son mariage avec Louis issu d'une famille aisée et influente Bamiléké. C'est toute l'histoire récente du Cameroun qui est vue à travers le regard souvent sans concessions d'Anna : le colonialisme, les guerres fratricides au sein du peuple camerounais, la corruption qui gangrène les classes dirigeantes.

La voix d'Abi se mêle à celle de sa mère, chacune témoignant successivement d'évènements importants de leur vie. le récit d'Abi est plus centré sur son mariage avec Julien, la naissance de son fils Max, et sa liaison récente qui a déclenché un vrai séisme dans sa famille.

Cette première partie du roman est sensible et émouvante, la relation qui unie Anna et sa fille étant décrite avec beaucoup de pudeur. On sent toute la douleur d'Abi qui sait mais n'accepte pas encore la mort prochaine de sa mère.

« Au fond d'elle une voix plus âpre, plus urgente : je ne suis pas prête, je ne veux pas te perdre maintenant, je ne suis pas prête…
Au fond d'elle, la conscience de la fin imminente et de l'inutilité de ses prières. »

Par la suite, une troisième voix vient s'ajouter à celles d'Anna et Abi. Tina est une amie d'enfance de Max, qu'il voit l'été lorsqu'il vient passer ses vacances au Cameroun. Avec Jenny et Ismaël, ils formaient une bande inséparable jusqu'à ce que l'horreur les rattrape.

« Mais nous n'avions aucune idée de la férocité des monstres qui peuplent la terre, comment aurions-nous pu savoir ? »

Cette partie presque entièrement consacrée au témoignage de Tina est beaucoup plus éprouvante et déchirante puisqu'elle décrit les atrocités de la secte Boko Haram. Mécanismes d'endoctrinement, emprise, enlèvements, viols, tortures, attentats, le récit devient saisissant, glaçant. Sa dimension tragique étouffe en partie le début du récit et aurait sans doute méritée un roman à part entière.

Un roman sensible et douloureux, dont la lecture ne laisse pas indemne.

Livre reçu dans le cadre de la Masse Critique de janvier, je remercie Folio et Babelio pour cet envoi.
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COUP DE COeUR

Alors que je lis peu de littérature africaine et peu de livres de la collection blanche, je ne peux que recommander Les jours viennent et passent qui raconte tout simplement la vie d'une mère en fin de vie, Anna, et de sa fille adulte Abi.

Leur enfance, la communauté africaine et ses codes, la religion, la politique, la misère, la relation vis-à-vis des blancs, des hommes et de la polygamie, la gestion des enfants... J'ai eu un peu l'impression de lire un témoignage. Peut-être parce que le récit est très souvent à la première personne...
Ce sont de belles histoires, teintées de moments très moches à cause de la misère quotidienne et du profond sentiment d'abandon face à la corruption qui règne dans les hautes sphères...

Dans ce contexte, les gens recherchent le bonheur immédiat et peuvent vite basculer ; c'est ce qui arrivera à la jeune Tina, amie de Max, lui-même fils d'Abi. Son témoignage en fin de roman est vraiment poignant. La plupart des personnages du livre sont d'ailleurs bouleversants. Je ne pourrai jamais aussi bien décrire la Cameroun qu'Hemley Boum qui signe ici un super roman (que je suis la première à critiquer d'ailleurs :-) )
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Anna, admise en soins palliatifs dans un hôpital parisien, se remémore son enfance et sa jeunesse dans la campagne camourenaise. A ses côtés, Abi, sa fille, prise entre le désir d'accompagner sa mère et de profiter de ses souvenirs jusqu'au bout et sa propre histoire amoureuse et familiale. Ces deux voix alternent dans la majeure partie du roman, convoquant d'autres personnages clés de leurs vies : la vieille Awaya qui a élevé Anna et , en l'inscrivant à l'école, a fait d'elle une femme instruite qui a pris son avenir en mains. le mari d'Anna, Louis, qui permet à l'auteure d'évoquer la société camerounaise au lendemain de l'indépendance, ses désillusions et les débuts de la corruption politique et économique dans le pays. Enfin Max, le fils d'Abi, qui introduit la troisième génération et donne la parole à Tina, dernière voix féminine du récit , une toute jeune fille rescapée des camps des djihadistes de Boko Haram.

Un roman choral, donc, confrontant les destinées de ces trois générations de femmes sur fonds d'histoire du Cameroun, de la période coloniale aux brutalités de la guerre d'indépendance et jusqu'à la sauvagerie de Boko Haram au Nord du pays : l'attentat perpétré au marché de Kolofata raconté dans le livre a bien eu lieu en Janvier 2015 faisant 150 morts.

Un roman qui donne la part belle aux femmes et qui, au delà de la fiction, nous offre l'histoire d'un pays , le Cameroun, sur lequel personnellement je ne savais pas grand chose. La dernière partie du livre , avec le témoignage de Tina , par son côté plus « documentaire » casse un peu le rythme du roman mais il est, hélas, très instructif ! C'est très bien écrit, d'une écriture sobre , émaillée de certains mots et expressions locales qui nous plongent avec bonheur au coeur du Cameroun.

C'est le 5e roman d'Hemley Boum, romancière francophone camerounaise que je ne connaissais pas et c'est une belle découverte pour moi.

Un grand merci à Nicolas Babelio et aux éditions folio Gallimard.
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Ce roman est construit autour de trois femmes camerounaises dont les voix se complètent, s'entremêlent pour rendre hommage à toutes les femmes camerounaises et pour dépeindre un Cameroun au moment de son indépendance jusqu'à nos jours, blessé par la gangrène de Boko Haram.
L'auteur donne la parole à Anna, qui va mourir très prochainement d'un cancer et qui ne cesse de parler pour témoigner et transmettre avant qu'il ne soit trop tard; on suit le combat de cette petite fille, dont la mère est morte en couches, qui vit dans des conditions très pauvres et à laquelle l'amour des livres et l'éducation vont offrir le liberté. Abi, sa fille unique, journaliste, installée en France, divorcée, un fils, essaye de toutes ses forces de recréer un lien avec cette mère dont elle ne se sentait pas proche, enfant. Enfin, Tina, jeune fille de 17 ans, qui vit au Cameroun, sous l'attention affectueuse d'Anna et qui aime le fils d'Abi, témoigne des ressorts qui peuvent conduire des jeunes à rejoindre l'enfer de Boko Haram et de ce qu'ils peuvent y subir.
"Les jours viennent et passent" est un très beau roman d'amour : amour pour son pays meurtri, amour pour ses enfants qu'on comprend si mal, amour pour son mari qui peut se transformer en haine; bref, un amour loin d'être idéal mais si fort et si humain.
C'est aussi un roman de transmission de mère à fille, des anciennes aux jeunes filles avec en filigrane le thème de la réappropriation de sa culture, de son identité après la colonisation.
C'est enfin le roman de la déliquescence d'un pays où l'argent corrompt la vie publique, où les jeunes veulent aller chercher l'Eldorado en Occident ou un sens à leur vie au sein de Boko Haram. le récit de Tina, au sein de ces fanatiques islamistes, est très fort, il prend aux tripes. Il m'a rappelé l'émotion puissante que j'avais ressentie à la lecture de "Girl" d'Edna O'Brien sur l'enlèvement par Boko Haram, en 2014, au Nigeria, de 276 lycéennes de 12 à 16 ans, d'ailleurs évoqué dans le roman. Emley Boum utilise, elle aussi, un fait réel,l'attentat de Kolofata, dans le nord du Cameroun, qui a fait 150 morts. Elle veut ainsi probablement rendre hommage aux victimes qui n'ont fait l'objet que d'un entrefilet dans la presse, reprenant en cela la même démarche qu'Edna O'Brien dont le roman était sorti un mois auparavant.
Un magnifique roman puissant, aux personnages très attachants.
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« Les jours viennent et passent », Hemley Boum (Gallimard, 360p)
Trois femmes, trois générations, entre le Cameroun et son histoire bouleversée d'une part, et la France qui se fait parfois refuge hautain et condescendant pour les quelques rares qui ont eu les moyens de s'y installer d'autre part. C'est donc un roman à plusieurs voix féminines, qui nous fait partager des destinées chahutées sur qui pèse le poids d'un machisme patriarcal dont il est si difficile de se libérer, et d'une histoire postcoloniale qui n'en finit pas de se laisser manger par la corruption systémique. Une belle sororité intergénérationnelle colore la trame de ce récit. Ces femmes dont certaines peuvent trouver refuge dans des traditions ancestrales qui ne sont pas toujours des prisons, les mythologies locales offrant parfois une vision du monde qui vaut bien celle d'un occident si sûr de lui et de ses sciences. le mécanisme de colonisation des esprits et des corps, en particulier des filles, par les groupes religieux chrétiens est par exemple parfaitement décrit.
Hemley Boum nous fait entrer dans cet univers, et c'est d'abord une sensation de voyage dans un monde éloigné qu'elle m'a donné envie de découvrir. C'est aussi une solidarité ardente qu'elle nous invite à partager avec Anna, Aby, Tina, des femmes aux parcours familiaux marqués par des liens très forts, et aux élans du coeur somme toute pas si radicalement différents des « nôtres », le désir au féminin avec ses méandres et ses impératifs irrigue de très belles pages. Puis le roman bascule dans l'horreur des camps des terroristes islamistes de Boko Haram, avec l'esclavage parfois jusqu'à la mort pour les femmes, la terreur et l'assassinat pour ceux qui ne se plient pas à leur joug. L'auteure met aussi le doigt sans ambiguïté sur les responsabilités des générations qui ont hérité d'une indépendance formelle, qui s'en sont servi à leur profit plus qu'à celui de la population. Sur le plan de l'histoire du Cameroun d'hier et d'aujourd'hui, le roman d'Hemley Boum est très bien documenté, au point que l'aspect informatif prend parfois le pas sur l'aspect plus purement romanesque. Mais c'est aussi cela la richesse de ce livre très émouvant, et par exemple les petits pas de côté vers la littérature africaine sont vraiment bienvenus. A lire sans retenue.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je pense aujourd'hui que le savoir occidental est à la fois élémentaire et despotique: il y a un Dieu unique et il est dans les églises, l'instruction est dans les livres, l'art est dissocié de la spiritualité, relégué dans des lieux prévus à cet effet, la loi est la même pour chacun et toute valeur est marchande. La réussite n'est comprise que comme matérielle. Les chemins de la vie sont fléchés, balisés et vous avez le choix de suivre...
... la voie qui vous est dévolue. (p 48)
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Elle se mettait en colère ou fondait de tendresse à l'évocation de ses souvenirs, l'on aurait dit que ces années passées, enfuies, ces personnes absentes, disparues, revenaient pour un dernier tour de piste avant les adieux, ou les retrouvailles.
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Personne ne m'apprit à analyser un livre, à garder le recul nécessaire, à ne pas perdre de vue le contexte, à saisir les informulés, les courants intellectuels voire idéologiques censés donner de l'épaisseur à l'histoire nue. Personne ne me fit la leçon sur l'esthétique, la langue...Cela, je le découvrirais au lycée lorsque j'y ferais mes humanités et l'approfondirais à l'École normale supérieure de Yaoundé où je passerais mon diplôme de professeur de français, mais le pli serait pris. Toute ma vie je lirais comme j'ai commencé, de façon intense, émotionnelle, primaire, et des phrases éparses s'imprimeraient dans mon âme.
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Ici, comme ailleurs, les enfants sont cruels. Notre quotidien recelait une violence faite d'insultes, de moqueries et querelles : tour à tour bourreau et victime, j'y prenais ma part. Nous vivions dans une promiscuité qui rendait toute intimité illusoire.
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Traitez-là gentiment, je sais, ces pauvres êtres en bout de course sont votre quotidien, je comprends la nécessité de tenir à distance leur souffrance, suppliait Abi en silence, mais voyez-vous, pour moi, cette femme n'est pas seulement un corps qui rend les armes, c'est une personne chérie, une vie précieuse qui prend fin en silence.
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Videos de Hemley Boum (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hemley Boum
Lors de son passage à Paris, nous avons pu rencontrer l'autrice camerounaise d'expression française Hemley Boum, à l'occasion de la parution de son dernier roman 'Le Rêve du pêcheur' (Gallimard). Elle nous parle en détail de ce livre dans cette interview, pour nous raconter les vies de Zacharias et Zack, deux générations d'hommes camerounais aux destins différents.
Retrouvez ce livre sur Babelio : https://www.babelio.com/livres/Boum-Le-Reve-du-pecheur/1545941
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