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EAN : 9782709662635
320 pages
J.-C. Lattès (03/11/2021)
3.94/5   8 notes
Résumé :
Maurice Boyer, issu d’un modeste milieu rural français, arrive à Paris pour entamer des études d’ethnologie à la Sorbonne. Il rêve de mettre ses pas dans ceux de son maître, Georges Balandier. Il part pour ses recherches doctorales dans un village du Togo. Il y restera deux ans. Ce sera le grand choc de sa vie. Des années après ce voyage, il sait ce qu’il doit à ce séjour et qu’il a laissé là-bas la part la plus secrète de son âme.

C’est le roman d’un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
[Choisi ce lundi 15 novembre 2021- Librairie Caractères / Issy-les-Moulineaux ]

Un nouvel ouvrage que je débute avec grande curiosité, de cet auteur togolais, après un premier coup de coeur pour son récit autobiographique, « Ainsi parlait mon père », où il mettait aussi à l'honneur l'Afrique noire, ainsi que le Togo et surtout son père, forgeron, homme de bien qui a encouragé ses enfants dans la poursuite des études…Un livre bienveillant et rendant tous les honneurs et la reconnaissance à ce père, figure positive et inspirante…lui racontant les légendes, les fables de sa terre natale…

Là, notre écrivain se met dans la peau d'un Blanc, ayant étudié, allant observer et analyser les comportements des Africains, afin de rédiger un doctorat…récit des plus déroutants qui mélangent des grandes figures réelles de l'anthropologie, de l'ethnologie et d'autres inventées… de même pour les écrivains africains et artistes européens, ayant été inspirés par le continent Afrique. Une mine d'informations et d'auteurs à lire, pour prolonger cette immersion togolaise !

Un ENCHANTEMENT que la première moitié de ce roman incitant à de multiples questionnements, et à travers le parcours d'un jeune ethnologue, Maurice Royer, marqué par la lecture, à seize ans , de « L'Afrique ambiguë » de Georges Balandier… nous découvrons « une » Afrique plurielle, avec la mise en abîme de l'ambiguïté de tout regard ethnologique ! Et de tout regard de « Blanc » !...

Un roman où nous suivons dans la première partie, le périple et les recherches progressives de ce jeune ethnologue, Maurice Royer, qui nous raconte ses aventures, ses lectures, ses observations quotidiennes vécues dans un petit village du Togo. Il y restera plus de deux années. Les deux figures puissantes qui marqueront son séjour : le chef du village, et l'Imam, l'étranger qui a été bien accueilli par le chef du lieu, car cet imam, ayant fait des études universitaires à Paris, apporte avec lui tout un prestige, rejaillissant sur ce village. Vivant assez reclus avec sa femme et sa fille, il est respecté, écouté, mais reste toutefois, à l'écart, par sa manière de vivre, et reste donc un Etranger, comme notre jeune ethnologue… qui apprendra à connaître cet imam, celui-ci devenant son ami. Cet imam, un sage… et un personnage qui marquera à jamais « notre » ethnologue.

Dans cette fiction alternent à ses observations, expériences vécues, des lettres écrites à son mentor, le célébrissime anthropologue, Georges Balandier…qui lui prodigue conseils et avis sur la complexe tâche et responsabilité morale de l'Observateur, du travail d'analyse d'un ethnologue : l'occasion de parler des méfaits de la colonisation qui pervertit les jugements, les appréciations. . le racisme, la difficile pénétration et compréhension d'une civilisation totalement « autre »…

Ce roman se divise donc en deux parties : la première, très vivante, où on évolue avec ce jeune étudiant blanc, partant vers Tiédi, où en brefs chapitres, il narre ses découvertes, ses mésaventures, joies et déceptions au quotidien…ses rencontres, sa progression dans ses recherches et ses notes, ou au contraire, se retrouvant dans une stagnation intellectuelle…

La seconde partie, est nettement plus austère , éclatée et désabusée , que j'ai trouvée personnellement plus frustrante de par trop de discours et de polémiques, alors que la première partie déborde de vie, par la description des traditions, usages, la vie communautaire régie par des rituels déroutants, tour à tour, pleins de sagesse ou de cruauté (auxquels les femmes sont malheureusement les premières victimes) ; notre jeune apprenti-ethnologue, revient en France, rédige sa thèse sur les Tèdiens, poursuit ensuite une carrière universitaire, où , à son tour, il « dirige » des futurs thésards, étudiants blancs et africains, mélangés…

Ce séjour africain l'aura marqué définitivement, à tel point qu'il choisira de ne pas y retourner, souhaitant certainement conserver l'intensité vécue de cette expérience de sa jeunesse !

Un patchwork de questionnements, d'interrogations, de doutes, de pessimisme en constatant les barbaries commises au nom de la « colonisation », les images imprécises, folkloriques ou réductrices de ce continent africain, que tout un chacun fantasme !
… s'ajoutent dans cette seconde partie les pensées de notre « ethnologue » vieillissant, Maurice Royer, faisant le bilan de sa carrière de chercheur et d'enseignant, sa vie intime, le temps qui passe…ses amitiés, les dissensions de perception quant à l'Afrique avec ses confrères et à cette « profession » si ambivalente d'ethnologue… Est sous tendue une mise en garde constante, « éternelle » de risque d'arrogance du Blanc sur l'homme de couleur !...

Passionnée, captivée par l'ethnologie depuis très jeune, j'ai lu avec d'autant plus d'attention l'esprit très critique de l'auteur quant à cette science, qu'il fait transparaître très vivement dans le prologue…

« (...) En vérité, l'ethnologie faisait partie des barbelés spirituels que nous avions dressés autour des peuples dominés, nous les avions enfermés à l'intérieur de nos systèmes des savoirs qui portent l'ombre de notre vision positiviste et hiérarchisée des civilisations. L'ethnologie est la forme élégante de notre domination intellectuelle sur les autres."
"je ne sais pas si je t'ai compris, mais je vais tenter de résumer ce que tu viens de m'expliquer: tu as fait partie, par ce que tu as considéré comme une science, l'ethnologie, d'une armée d'hommes et de femmes de bonne foi qui s'en allaient au loin étudier les autres pour montrer que leur humanité valait la nôtre, que notre universalité n'était qu'une forme des universalités possibles, que les autres, que nous cherchions à comprendre, appartenaient à la même Histoire humaine que nous. Ce que j'ai compris, papa, c'est que ta science, l'ethnologie, a été une forme d'humanisme au coeur du mépris que nous avions eu pour les autres.
Ses mots m'émurent mais moi je savais ce que je savais : l'ethnologie est fille de la verticalité coloniale et elle a débouché au mieux sur un humanisme ambigu. » (p. 12)

Moment de lecture très fort, même si mon ressenti est au final assez « mélangé »… Je reste toutefois très curieuse des autres écrits de cet auteur-romancier-sociologue… le prochain ouvrage de cet auteur que j'aimerais aborder est « La Couleur de l'écrivain « …


******N.B : Une précision que j'ajoute après avoir fait des recherches complémentaires sur les autres écrits de Sam Tchak… J'ai découvert que la première partie de ce roman a eu une première version publiée en 2013, par un autre éditeur, intitulée « L'Ethnologue et Le Sage »…
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Difficile d'écrire une note de lecture sur tout et presque rien. Car le livre est un peu comme son titre, il parle de beaucoup de choses et n'a pas vraiment choisi un thème. Il est question d'Afrique, bien sûr, dans son unité et sa diversité, il est question de son histoire récente, la colonisation, puis la décolonisation, le développement, l'émancipation, l'émigration, la fierté de ses origines, le rejet, l'assimilation… Avec ces mémoires informelles d'un chercheur en ethnologie qui a traversé toute la deuxième moitié du XXème siècle et le début du XXIème, ce sont toutes ces questions que l'on peut aborder, et tous les regards qui ont été portés sur le continent africain pendant cette période.
Le choix de la forme romanesque est étrange car le livre est presque écrit comme une communication pour un colloque. Très écrit, bourré de références, même dans les dialogues ou les SMS (la femme qui écrit à son mari ce qu'elle lit, en citant le titre, le nom de l'auteur et les circonstances dans lesquels il lui a été offert… Elle n'est pas prête à écrire des messages de 140 caractères !), ce qui donne un caractère un peu artificiel au livre, un peu universitaire. Ce n'est pas inintéressant d'ailleurs, car cette narration colle finalement bien avec le personnage et permet donc des énumérations de spécialistes ou d'écrivains, ou bien des digressions dans des digressions, qui s'insèrent bien dans la trame de ces mémoires.
Avec ce livre, on balaie donc toutes les grandes théories et tous les discours sur l'Afrique et les Africains, ce qui est très intéressant. J'ai cependant été déroutée par l'absence d'articulation de ces discours, qui semblent un peu tous mis sur le même plan. Et en définitive, en refermant ce livre, j'ai du mal à me faire une opinion sur ces différents discours et à voir ceux qui sont les plus féconds. le choix de la forme romanesque aurait pourtant permis cela. C'est probablement une volonté de l'écrivain de ne pas réaliser cette articulation des discours, montrant peut-être aussi ainsi qu'il n'y a pas forcément de vérité sur l'Afrique et que l'opinion que l'on peut s'en faire est probablement principalement liée au point de vue dont on l'observe. C'est cependant pour cela que c'est un livre déroutant.

Mais je vois que je ne parle pas de l'histoire… Une histoire en trois parties : d'abord la naissance de la vocation de Maurice Boyer, disciple de Balandier, puis une longue partie sur les deux années de terrain pour récolter les informations qui feront le substrat de sa thèse, et enfin une dernière partie, aussi longue que la précédente, balayant tout le reste de sa carrière universitaire sans relief et sa retraite. Encore une fois, c'est très dense. Il y a tout de la vie d'un homme, et presque rien sur lequel on s'appesantit. Et c'est dommage parce que le sujet initial, le regard que l'on porte sur l'Afrique et que l'Afrique porte sur elle-même, est dilué dans d'autres considérations sur la famille et le couple, sur la vieillesse et la mort…
C'est donc un livre qui, à mon avis, a quelques faiblesses : pas de direction claire, trop de sujets traités en même temps, un manque d'unité entre les différentes parties… Pourtant, c'est une lecture que je suis contente d'avoir faite. J'ai beaucoup appris, j'ai beaucoup réfléchi à la construction de l'identité et du discours sur l'Afrique, sur la façon dont la production du savoir s'est faite (par qui, dans quelles conditions, pour qui…) et les conséquences de cela. le livre est très riche et mériterait, pour les passages les plus complexes une seconde lecture, plus approfondie, et probablement quelques recherches pour aller plus loin. La vision de l'ethnologie proposée par l'auteur, Sami Tchak, Africain (du Togo) et noir, à travers son personnage, Maurice Boyer, Européen (Français) et blanc, est vraiment très intéressante et remet en cause une certaine vision romantique de l'ethnologie (que j'ai moi-même eue adolescente et encore plus tard). Il ne propose pas véritablement d'alternative mais s'interroge sur la nécessité et la façon de déconstruire un formatage intellectuel qui pèse tant sur ceux qui ont produit ce discours que sur ceux qui en sont l'objet. Pour qui s'intéresse à ces sujets sans les avoir vraiment creusés, le livre de Sami Tchak sera une très bonne introduction et une bonne façon de mettre des mots sur de nombreuses questions en suspens. Il faudra certes tenter de passer outre quelques imperfections de ce livre, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Un livre discret de cet automne littéraire, qui mérite d'être découvert par ceux déjà intéressés par le sujet.

Merci aux éditions Jean-Claude Lattès de m'avoir permis de lire ce livre, via netgalley.
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Une ambitieuse, captivante et malicieuse tentative de désambiguïsation romanesque des liens contemporains entre Afrique et Europe.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/01/31/note-de-lecture-le-continent-du-tout-et-du-presque-rien-sami-tchak/

C'est à travers le récit détaillé d'une carrière et d'une passion multi-cibles, celles de l'anthropologue africaniste fictif Maurice Boyer, au crépuscule de sa vie, que Sami Tchak a choisi de construire son magnifique nouveau roman, « le continent du Tout et du presque Rien », publié chez JC Lattès en novembre 2021.

Élève du grand et véritable Georges Balandier (1920-2016), auteur entre autres travaux capitaux de « Sociologie des Brazzavilles noires » (1955), de « Anthropologie politique » (1967) ou de « le détour » (1985), développeur du courant de l'anthropologie politique en résonance étroite avec le courant central et révolutionnaire à bien des égards incarné successivement dans l'anthropologie contemporaine par Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier et Philippe Descola, Maurice Boyer, entouré d'autres personnages réels aussi bien que fictifs, s'offre ainsi pour guide dans une énorme quête, intellectuelle et romanesque, politique et malicieuse, celle de la désambiguïsation, justement, du complexe tissu de relations entre Afrique et Europe, Afrique de l'ouest francophone et France, colonialisme, décolonialisme et afropéisme – en ne cachant pas grand-chose des paradoxes et des idiosyncrasies qui habitent ces relations, ni des dénis et des aveuglements qui les hantent – même pavés de bonnes intentions, ni de leurs richesses parfois fort souterraines.

Tout se nouera ici autour de Tèdi, un village de la brousse togolaise, terrain primordial de recherche initiale – ethnographique -, où prennent place les destins et les jeux de pouvoir futurs et présents (l'anthropologie politique est là, et bien là, sous des dehors parfois fort inattendus), où les récits et les histoires personnelles plongent dans l'histoire de la colonisation comme de la décolonisation, où les êtres humains révèlent leurs dépendances, leurs indépendances, leurs assujettissements et leurs émancipations. C'est à partir de cette expérience-là que l'ensemble de la vie de Maurice Boyer sera irriguée, qu'il le veuille ou non. Construisant son oeuvre scientifique, discutant avec ses maîtres puis avec ses étudiantes et étudiants, tentant toujours davantage de « comprendre l'Afrique », ce mythe dont il est pourtant conscient mais qui lui résiste et se dérobe, à l'image de la Malienne Safiatou Kouyaté, à la fois si complice et si résistante, et véritable co-héroïne du roman, l'anthropologue de haut niveau, avec toute son empathie et ses idées à tester et surmonter, nous invite en tout sérieux et toute malice à nous confronter aux clichés conscients et inconscients concernant l'Afrique francophone – y compris à ceux qui habiteraient aujourd'hui Sénégalais, Togolais, Béninois, Maliens ou Congolais eux-mêmes, avec un humour souvent dévastateur que reflètera par exemple l'irruption à point nommé, dans le paysage du roman, de Gauz et de son « Camarade papa », après celles plus indirectes d'Amadou Hampaté Bâ ou d'Aminata Traoré, pour ne mentionner que quelques-unes de ces interventions judicieuses et savoureuses.

Sami Tchak avait largement révolutionné en 2001, avec son « Place des fêtes », une littérature africaine d'expression française qui se préparait alors à risquer le ronronnement presque confortable entre pessimisme trop étudié et dénonciation quelque peu fatiguée – au bord d'un gigantesque recyclage de figures déjà familières et douces à l'oreille bienveillante de la lectrice ou du lecteur d'Europe, et en menaçant aussi d'oublier les percées jadis réalisées par Ahmadou Kourouma, Sony Labou Tansi, Valentin-Yves Mudimbe ou Yambo Ouologuem, pour ne citer que quelques noms-clé des générations précédentes.

Publié presque en même temps que le somptueux prix Goncourt de Mohamed Mbougar Sarr, « La plus secrète mémoire des hommes », « le continent du Tout et du presque Rien » en constitue le pendant et l'indispensable miroir, en même temps que, comme lui, un puissant antidote à toute tentation de complaisance. En traquant d'une écriture alerte mais restant toujours curieusement joueuse les méandres des crimes authentiques du passé, ancien ou plus récent, des larmes de crocodile, des incompréhensions profondes, des culpabilités avérées et de celles plus fantasmées, des conforts contemporains et des renonciations permanentes, mais aussi des joies de vivre indispensables, Sami Tchak constitue son roman en formidable machine à dénouer les intrications sans en abjurer les complexités. Grâce au prisme de cette ethnographie qui, pour paraphraser Yves Lacoste à propos de géographie et de guerre – et comme le rappelait Alain Etchegoyen en 1996 dans une de ses « Fables intempestives » -, servit longtemps aussi, et peut-être d'abord, à mieux coloniser et dominer, malgré la sincérité de la grande majorité de ses praticiens, avec l'invention de ce fabuleux et si inattendu, paradoxal, narrateur qu'est Maurice Boyer, l'auteur de « L'ethnologue et le sage » (2013) nous entraîne sur ses nécessaires grands chemins, où Africains et Européens, après avoir construit des imaginaires disjoints ou entrechoqués brutalement, oeuvrent peut-être enfin ensemble (même s'ils ne le savent pas toujours, et continuent souvent à poursuivre leurs propres illusions) à se dégager de l'infernal poids du legs colonial et de ses résurgences les plus perverses et les plus rusées.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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C'était une lecture intéressante. Je m'attendais à un roman, et j'ai découvert une sorte de biographie. Un auteur Togolais qui parle d'un sociologue français qui a vécu au Togo.
J'ai trouvé ce postulat original.
J'ai appris beaucoup de choses sur la culture africaine, sur la psychologie du continent. Sur l'immigration, la colonisation, et ses conséquences. C'était dense, trop dense peut-être même. Par moment, j'avais une mine de noms et d'informations qu'il fallait digérer. Mais j'en ait vraiment beaucoup appris sur des concepts comme la négritude. Par cette biographie, l'auteur nous fait découvrir tout un pan de sociologie.
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Difficile d'embrasser et d'éteindre ce livre déroutant, libre et d'une intelligence serpentine. En deux mots : c'est l'incroyable alliage entre un pur plaisir de lecture, une gourmandise romanesque et un essai brillant sur des problématiques aussi vastes et variées que l'éthologie, la colonisation, le grand remplacement, le passé et le devenir de l'Afrique. C'est foisonnant, émouvant, souvent drôle. Un grand roman ? Oui, parfaitement.
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critiques presse (3)
SudOuestPresse
09 janvier 2022
Derrière son titre magnifique – « Le Continent du Tout et du presque Rien » – se cache un questionnement grave, d’autant qu’aucune réponse n’est possible. Est-ce un roman, un essai, un récit ? Le langage est fulgurant, la construction linguistique s’appuie non pas sur des procédés littéraires mais sur la structure langagière tem, un idiome d’Afrique de l’Ouest parlé notamment au Togo, où se situe l’histoire.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LeMonde
07 janvier 2022
Dans un roman mêlant érudition et humour, l’écrivain togolais dresse un panorama brillant des théories élaborées depuis des décennies sur l’Afrique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LePoint
29 novembre 2021
Le Continent du tout et du presque rien est aussi instructif et stimulant que plaisant et sensible. […] Il creuse aussi la notion de verticalité, celle d’une supériorité occidentale que l’on doit lucidement accepter dans l’histoire de l’humanité, et particulièrement dans les rapports entre le continent africain et l’Occident.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Prologue

(...) En vérité, l'ethnologie faisait partie des barbelés spirituels que nous avions dressés autour des peuples dominés, nous les avions enfermés à l'intérieur de nos systèmes des savoirs qui portent l'ombre de notre vision positiviste et hiérarchisée des civilisations. L'ethnologie est la forme élégante de notre domination intellectuelle sur les autres."
"je ne sais pas si je t'ai compris, mais je vais tenter de résumer ce que tu viens de m'expliquer: tu as fait partie, par ce que tu as considéré comme une science, l'ethnologie, d'une armée d'hommes et de femmes de bonne foi qui s'en allaient au loin étudier les autres pour montrer que leur humanité valait la nôtre, que notre universalité n'était qu'une forme des universalités possibles, que les autres, que nous cherchions à comprendre, appartenaient à la même Histoire humaine que nous.Ce que j'ai compris, papa, c'est que ta science, l'ethnologie , a été une forme d'humanisme au coeur du mépris que nous avions eu pour les autres.
Ses mots m'émurent mais moi je savais ce que je savais : l'ethnologie est fille de la verticalité coloniale et elle a débouché au mieux sur un humanisme ambigu. (p. 12)
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Lettre de Georges Balandier

(...) Je te conseille, si tu en as emporté avec toi, de lire parfois des essais de philosophie, des romans, des recueils de poèmes...de procéder ainsi à une sorte de détour spirituel, pour mieux revenir à ton objet. Tu parviendrais grâce à cette démarche à renouveler ton regard sur les réalités qui, au bout de quelques mois au coeur d'un tout petit village, te donnent l'impression de t'avoir déjà tout révélé de leur extérieur et de leurs logiques souterraines. N'hésite pas, mon cher Maurice, à dessiner, à réaliser des croquis et à t' exercer à une écriture moins scientifique, plutôt littéraire, tout ethnologue digne de ce nom devrait, me semble-t-il, avoir quelques prétentions de romancier. (p. 135)
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Je suis né à Caunay, près de Poitiers, en 1946, dans une France à peine sortie de la Seconde Guerre mondiale (cette année-là, Georges Balandier découvrait Dakar : « J’ai découvert Dakar, en 1946, avec un regard pressé de se rassasier d’images africaines », Afrique ambiguë). Personne n’aurait pu prédire que j’allais, plus tard, consacrer ma vie intellectuelle à l’Afrique noire, destin dont ma soeur Béatrice avait été à l’origine quand, pour mon seizième anniversaire, elle m’avait offert Afrique ambiguë de Georges Balandier, livre paru en 1957. Je n’avais alors pas saisi toute la complexité de cet ouvrage que j’avais cependant considéré, avec raison, comme une autobiographie d’un jeune chercheur qui avait fait de l’Afrique son terrain de prédilection. Grâce à lui, j’avais eu l’impression d’explorer moi-même ce continent en plein bouillonnement, dont tous les aspects de la vie matérielle et spirituelle ont été profondément perturbés par la colonisation.
Le suicide de ma sœur fit du livre qu’elle m’avait offert, Afrique ambiguë, un objet sacré, que je ne me contentais plus de lire, mais que je passais parfois de longues minutes à regarder religieusement, comme si par ces instants d’adoration muette, j’aurais pu ressusciter cette soeur qui m’avait si brutalement privé d’elle. « Pour Béatrice, je suivrai les pas de Georges Balandier », m’étais-je dit. Ainsi, après mon bac, m’inscrivis-je en ethnologie à la Sorbonne et assistai-je aux cours de l’auteur d’Afrique ambiguë, que je fréquentais aussi durant des décennies. J’aurais même pu bénéficier de sa direction pour ma thèse, mais j’avais préféré inscrire notre relation hors d’un cadre trop strictement conventionnel. Cependant, il n’y avait de lui pas un seul écrit que je n’avais lu et relu. Et surtout, plus que celui qui devint mon directeur de recherche, le professeur Bernard Bureau, ce fut Georges Balandier qui, avant que je me rendisse pour mes recherches doctorales dans le village togolais de Tèdi, m’avait parlé de l’islam tel qu’il l’avait observé dans plusieurs sociétés d’Afrique de l’Ouest. « Il m’aspirait dans sa généreuse lumière », avais-je écrit à son sujet dans l’un de mes carnets de notes. C’était lui qui, par exemple, m’avait incité à m’intéresser aux littératures africaines, « Tu comprendrais mieux ce continent en lisant ses écrivains », et il m’offrit le premier roman du Camerounais Alexandre Biyidi Awala, plus connu sous son pseudonyme Mongo Beti, Ville cruelle, signé Eza Boto (1954), le premier roman du Nigérian Chinua Achebe, Things fall apart (Le Monde s’effondre, 1958), et le premier roman du Sénégalais Cheikh Hamidou Kane, L’Aventure ambiguë (1961).
Je m’étais mis sous son influence intellectuelle et avais adopté, pour toutes mes démarches, ce qui faisait l’essentiel de sa conception de l’anthropologie. Il m’arrivait de m’émerveiller que fussent en vie à la même époque autant de grandes sommités en anthropologie, en ethnologie et en sociologie, Georges Balandier lui-même, Michel Leiris, Pierre Bourdieu, Claude Lévi-Strauss, Raymond Aron, pour n’en citer qu’un tout petit échantillon (Michel Leiris et Georges Balandier avaient participé, avec Alioune Diop et Aimé Césaire, à la création de la revue Présence africaine en 1947, un an après ma naissance) et de penser que ces disciplines vivaient leur âge d’or.
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Les convertis

(...) Elle n'avait pas épousé de son gré le chef Wouro-Tou. Pour l'avoir, celui-ci avait usé de son droit de rapt. "Il te voit et dit à tes parents qu'il te veut. Alors on t'attrape comme un animal, et on te conduit chez lui. Il t'épouse. (p. 36)
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Il m'est apparu encore plus clair que sur un même territoire, lorsque deux civilisations cohabitent, il y a peut-être des transformations profondes qui naissent de leurs échanges ou confrontations, mais en général, l'une parvient à son apogée en avalant ou en marginalisant l'autre, voire en la détruisant. La colonisation a été une violence sous plusieurs formes, physiques et spirituelles. (p. 222)
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Vidéo de Sami Tchak
Dans cette 3ème partie de notre entretien avec l'écrivain Sami Tchak, nous avons posé des questions essentielles autour de l'enracinement et de l'universalité. A partir de la citation de Miguel Torga, "L'universel c'est le local moins les murs", l'auteur nous expose sa vision de la littérature nationale, de l'altérité, de l'ouverture vers le monde, et de la question centrale : qu'est-ce-que l'Universalité.
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