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3,92

sur 307 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le poisson-scorpion de Nicolas Bouvier est plus un carnet de voyages qu'un roman. L'auteur, qui était un infatigable globe-trotter nous fait partager une étape de ses pérégrinations : autrefois Ceylan, aujourd'hui le Sri Lanka. Mais, la découverte qu'il nous propose est très intérieure, un bout de chemin en compagnie de ses digressions mentales, qui prennent pour décor l'île, ses habitants humains ou non, visiteurs d'un soir, partageant son quotidien, insectes insignifiants ou résidents permanents de sa chambre, mannes rôdant autour de la folie qui semble attendre que la fatigue, la maladie et la solitude le conduisent irrémédiablement vers elle... J'ai aimé l'âme de ce livre, le style et la belle langue française qui s'étale sur ces pages. Je prends d'autant plus de plaisir de lecteur, que l'auteur enrichit mon vocabulaire de mots rares ou inusités. Mission accomplie : j'ai sorti mon dictionnaire.
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Je rêvais de grands espaces au nom de Nicolas Bouvier, c'est dans une île moite et immobile que j'atterris. Ca, suite à un voyage dont on ne saura pas grand chose, sauf que Ceylan en est le terminus, la 117ème chambre là au bout du monde, au bord du monde.
Les habitants de cette chambre semblent s'être enfuis plutôt que simplement partis quand le jeune Nicolas leur emprunte. Les insectes - fourmis, scarabées, scorpions - y ont élu domicile, ils seront les seuls vrais compagnons du baroudeur qui glisse lentement vers un naufrage immobile. Tout, autour de lui, lui est violent. Les patients de l'hôpital à côté, les cris ou les plaintes, les meurtres au nez des clients du café, les moines qu'il voit survivre dans la torpeur en face de sa chambre, la pauvreté, la saleté, les nuées de gamins insolents et collants.
Le jeune homme écrit des articles pour un journal local et le reste du temps, arpente sa chambre, rit de ses compagnons les insectes, erre dans les rues et les échoppes, se met à voir, lui aussi, des esprits et à croire aux sorcelleries de l'île.
Le poisson-scorpion c'est un petit peu l'Homme qui dort de Perec à l'autre bout du monde, une dépression qui s'immisce lentement dans la torpeur de l'été.
Une sale expérience, pour le vagabond, qui se rappelle soudain ce qu'il était quand il en voit un autre.
Pas très gai comme lecture, la solitude colle aux pages, c'est puissant.
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Ce qui est vraiment unique, dans ce livre, c'est ce mélange de joyeuseté et de désolation. Plongée dans un enfer de solitude, décrite avec un charme et une poésie qui en allègent la lourdeur.

À l'issue d'un périple de deux ans en Inde, Nicolas Bouvier fait une station de plusieurs mois sur l'île de Ceylan, avec pour seuls compagnons ses livres et sa machine à écrire,s ans nous en expliquer les motifs, sans doute parce que c'est un homme qui vit l'instant.
Son seul contact, qui se voudrait ressourçant mais creuse sans doute le fossé, ce sont les lettres que lui apporte le facteur : sa mère, les post-scriptums de son père, et sa petite amie qui lui donne de ses nouvelles sous la forme d'un faire-part de mariage. Nicolas Bouvier s'installe dans une auberge minable, fréquente un bistrot populeux, suit des routes, se rend sur la plage, dans un village réputé pour ses sortilèges. Il observe avec un oeil qui mêle la malice, la poésie, le rêve. La population locale lui paraît inamicale, voire mesquine, et ce n'est qu'avec quelques individus réels ou imaginés, qu'il tisse un lien : l'épicière tamoule, le fantôme du jésuite, l'horloger réparateur de machine à écrire… Ces portraits tendres et facétieux semblent sauver l'espèce humaine, à laquelle, le temps passant, Nicolas Bouvier préfère la fréquentation des insectes, espèce omniprésente, puissante, à la fois discrète et envahissante. Dans cette ambiance poisseuse de chaleur et vaguement hostile, Nicolas Bouvier, qui est arrivé malade, plonge peu à peu dans une étrange noirceur indifférente, dont la narration rétrospective, constitue un petit chef-d'oeuvre de délicatesse amusée.

Nicolas Bouvier, voyageur immobile, a l'élégance de ne nous conter son désespoir que pour nous faire sourire, jouir de la langue, connaître des hommes et des femmes étranges et différents, l' accompagner, lui, le nomade devenu un temps sédentaire, frôlant la folie, fréquentant les poissons-scorpions et les escarbots .
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Après avoir voyagé de Belgrade jusqu'au Pakistan pendant un an et demi en compagnie de son ami dessinateur Thierry Vernet – périple qu'il relate dans L'Usage du monde, son livre le plus célèbre – Nicolas Bouvier traverse l'Inde et arrive à Ceylan où il séjourne neuf mois. Mais si "les prospectus assurent que l'Île est une émeraude au cou du subcontinent" indien, elle sera pour Nicolas Bouvier "le séjour des mages, des enchanteurs, des démons."

Amaigri, malade et reclus dans une chambre minable qu'il partage avec des bataillons d'insectes en tout genre, l'auteur nous offre un récit qui se présente comme l'antithèse des récits classiques du genre. Ici, le voyage n'est ni désir d'ouverture sincère à l'autre, ni rencontres riches de la différence de l'autre, vertus que le voyage révèle d'ordinaire. Au contraire, le séjour de Bouvier s'apparente à celui d'un naufragé échoué dans un quelque part tropical en forme d'impasse, comme le point final d'un voyage qui l'a éreinté : "On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels."

L'état physique et psychologique de l'auteur lui retire la lucidité nécessaire pour regarder avec une objectivité minimaliste la société et l'environnement dans lesquels il s'enlise. Tout apparaît déplaisant, voire malveillant : le soleil et la chaleur moite qui pèsent sur les idées et les mouvements, ses fréquentations dont certaines excellent dans la fourberie ou dans l'absence de commisération, l'île même dont il se sent prisonnier. Dans ce long dépérissement, l'auteur finit par fréquenter des fantômes, tel le Père Alvaro, mort depuis six ans.

Contrastant avec l'entrain et la gaieté du récit dont il fait suite, le Poisson-scorpion n'en reste pas moins un modèle de récit de voyage. En outre, il évoque un thème rarement abordé dans ce genre littéraire : celui du voyageur égaré et désemparé, replié dans sa solitude et sa détresse. Enfin, Nicolas Bouvier n'a pas d'égal pour décrire ses voyages : la langue est magnifiée par un vocabulaire soutenu, riche de mots rares et précis, qui donne une poésie et une profondeur d'âme au récit.

Lien : https://www.nomadisant.com/
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J'ai été profondément touchée par ce texte, court mais efficace, dont le style et la force ne laissent pas indifférent. C'est à la fois une introspection et un regard sur le monde, un grand moment de faiblesse raconté avec un merveilleux lyrisme, une poésie tout en finesse, beaucoup d'humour et un brin d'ironie. Ne vous attendez pas à découvrir le Sri Lanka à travers ce texte, on n'apprend au fond pas grand-chose de l'île ni de ses habitants de l'époque à travers le poisson-scorpion. C'est un récit de solitude pleine de mélancolie et d'espoirs mêlés, où les meilleurs compagnons de l'auteur sont la littérature et les inombrables insectes qui peuplent sa chambre. Après la maladie, la fièvre, l'abandon, les hallucinations, viendra une forme de renaissance. C'est aussi de cette lente métamorphose, ou du moins ses débuts, dont il est question.
Lien : http://excalibri.blogspot.fr..
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Le livre accroche tout d'abord par son style libre, vert, délié, imagé. La langue est fluide et le ton délibérément ironique.
Le voyageur a posé ses valises sur une île que l'on pourrait croire paradisiaque mais qui en vérité est une "île chimérique" où il reste dans l'attente "d'un signe" et d'une délivrance.
Voyage intérieur, voyage immobile, voyage tout court avec ses risques et ses réparations (possibles).
voir plus sur anne.vacquant.free.fr/av/

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Dans l'Usage du Monde, Nicolas Bouvier racontait son voyage, avec son ami illustrateur, Thierry Vernet, d'Europe en Afghanistan. Alors que son ami le quitte pour retrouver sa fiancée, Nicolas Bouvier poursuit seul son voyage, il parcourt alors l' Inde.

Le poisson scorpion raconte son séjour sur l'île de Ceylan où malade et fatigué de son périple, il passe du rêve à la réalité, passant des heures à observer les insectes et parler à des fantômes... Malade, faible, se sentant prisonnier de l'île et de la chaleur, il frôle la folie.
Les personnages sont écrasés par la chaleur, le temps n'a plus réellement de place, les mois s'écoulent, Ceylan nous apparaît alors comme une île mystique, magique, presque maléfique où tout devient possible.

Le poisson scorpion est le journal de ce long séjour de plusieurs mois qu'il publiera de longues années plus tard.
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Ce roman possède une belle écriture avec des passages poétiques et remarquablement bien construits. L'ambiance "tropicale" des lieux ainsi que son impact sur ses habitants et la culture est parfaitement retranscrite. J'ai retrouvé dans le style une façon d'écrire de Sylvain Tesson.
Je regrette que ce roman ne mène finalement nulle part et finisse un peu en queue de poisson (si j'ose dire !).
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