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sur 1302 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En 1953, à la fin du mois de juillet, Nicolas Bouvier quitte Genève au volant de sa vieille Fiat Topolino. Il se dirige vers Belgrade où il doit rejoindre son ami Thierry Vernet. Les deux hommes prendront ensuite la route vers la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan… « Nous avions deux ans devant nous et de l'argent pour quatre mois. le programme était vague, mais dans de pareilles affaires, l'essentiel est de partir. » Ce départ n'a pas besoin d'être justifié ou d'avoir une destination précise, le voyage comme expérience se suffit à lui-même.

Il connaitront au cours de ce périple des instants de grâces et des moments de profond désespoir. Ils endureront les climats les plus extrêmes, le rude hiver d'une région montagneuse ou la chaleur écrasante d'un désert rocheux. Ils feront les rencontres les plus diverses, croisant des personnages extraordinaires ou providentiels. La violence existe dans ces contrées reculées et il est souvent nécessaire de suivre son instinct pour éviter autant que possible le danger. Autres périls : les maladies. Ils devront faire face à la malaria, à la jaunisse ou aux fièvres de diverses natures. Ils rencontrent aussi des problèmes d'argent, ils doivent trouver sur place de nouvelles ressources pour continuer à voyager, et des problèmes mécaniques. Dans les cotes abruptes, ce sont les deux amis qui poussent la Fiat et ils traverseront le désert d'Iran à faible allure, bloqués sur la deuxième vitesse.

Nicolas Bouvier ne rédige pas un compte-rendu exhaustif de son voyage. Son récit comprend de nombreuses ellipses et semble n'être composé que de bribes. Il parvient pourtant à reconstituer ces univers en relevant des sons, des musiques, des langages, en saisissant les couleurs dominantes et les nuances de luminosité. le récit est fait de portraits saisissants, d'anecdotes parfois drôles, souvent terribles et de quelques maximes pleines de sagesse.

Pour finir, je reprends les dernières lignes du texte « Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr.»

Au cours du voyage, le jugement et la compréhension s'effacent pour laisser la place à l'ouverture, la curiosité et l'intuition. C'est ce qu'il entend lorsqu'il écrit que « le voyage permet de sortir de soi, c'est une purge de l'âme. » Il s'agit d'être présent et ouvert au monde, sans préjugé.
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Ecrivain voyageur brut et décalé, mais aussi photographe et iconographe, à la fois esthéte et ascète, Nicolas Bouvier livre en 1963 ce récit illustré de voyage réalisé 10 ans plus tôt, à l'âge de 24 ans, en compagnie de Thierry Vernet, à travers l'ex-Yougoslavie, la Turquie, l'Iran, le Pakistan. Suisses bien-nés évadés d'une jeunesse bobo en pré-révolution culturelle, ces deux zigotos affrontent avec une philosophie remarquable de détachement et d'observation curieuse de la prochaine rencontre, les affres d'un voyage à la dure, à bord de leur minuscule Fiat Topolino. Tournant le dos au confort de son milieu, Nicolas Bouvier, aussi loin du tourisme de masse que du voyage exotique des écrivains du Siècle précédent, se frotte aux "vrais gens", aux logeuses, mendiants, saltimbanques, mécanos, militaires et entremetteurs de tous poils qui jalonnent son parcours rude et accidenté. D'embûches en attente, de hasard heureux en coups de blues, les deux compères parviennent à toucher du doigt cette liberté recherchée, paradoxalement au contact des plus pauvres luttant chaque jour pour leur survie, comme si l'état de nécessité et la lutte donnaient son véritable prix aux instants de plénitude durement gagnés. C'est ainsi qu'inspiré par les gitans du kosovo, les poètes de bazar iraniens et les routiers pakistanais, Nicolas Bouvier écrit de si belles pages, existentialistes et contemporaines, parfois lyriques et mystiques, et parfois crues et sauvages comme les sommets pakistanais clôturant l'ouvrage.
Ai-je aimé ? En hédoniste frileux et jaloux de son confort, que questionne cette recherche d'âpreté et de souffrance, pas tout, loin de là. Mais ce fut un joli mouvement de balancier après la lecture exotique et si "coloniale" de Pierre Loti. Et impossible de rester indifférent. Fausse route peut-être que cette aventure qui finit mal, mais une vaie leçon de voyage : "le bon voyageur n'a ni plans établis ni destination". Lao Tseu.
Et NIcolas Bouvier renchérit : « On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, écrira-t-il, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. »
Lessivé, souvent malade, amaigri et hagard, comme un fumeur d'opium abstinent, confronté mais resté sur la brèche en équilibre précaire, il nous laisse à la fin de son récit un peu groggy, séchés par l'aride confrontation du voyage, mais aussi changés -et n'est ce pas là le but de ce type de lecture, comme du voyage...- dans notre vision du beau, de l'art et son rapport au vivant.
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Nicolas Bouvier (1929-1998) est un écrivain, photographe et voyageur suisse. Après avoir suivi des cours d'histoire médiévale, de sanskrit et de droit à l'Université de Genève, Nicolas Bouvier se lance dans un long voyage de plus d'un an en Asie, commencé avec un ami, puis en solitaire à travers l'Inde afin de gagner la Chine. La route étant fermée pour des raisons politiques, il gagne Ceylan où, malade et déprimé, il reste neuf mois. A son actif plusieurs séjours au Japon (seul ou avec femme et enfants) et d'autres voyages en Asie (Corée du Sud, Chine) ou en Europe (Irlande, Iles d'Aran). Depuis sa parution en 1963, L'Usage du monde, parfois égalé mais jamais dépassé, est entré au panthéon des récits de voyages.
Le récit relate le périple de l'auteur avec son ami le peintre Thierry Vernet, entamé à Belgrade en 1953 puis enquillant successivement, l'Anatolie, l'Azerbaïdjan, l'Iran et enfin l'Afghanistan en 1954. Après un an et demi, le livre s'arrête à Kaboul, Thierry Vernet s'envole pour Ceylan rejoindre sa fiancée et Nicolas Bouvier poursuit sa route vers l'Inde, mais tout ceci est une autre histoire… et fera l'objet d'autres livres.
Nos deux voyageurs s'embarquent donc pour une expédition low cost, dans une vieille Fiat bien pourrie qui leur vaudra maints déboires. Ne devant leur subsistance qu'aux maigres revenus obtenus de la vente de ses toiles par Vernet, ou encore pour Bouvier, d'articles pour la presse locale, de conférences et de cours de français dispensés de-ci, de-là. C'est bien peu, mais on peut aussi compter sur l'hospitalité des autochtones, les plus pauvres toujours les premiers à donner aux voyageurs.
Et c'est ce qui caractérise ce récit : voyage, oui, mais en complète immersion dans les contrées traversées. On parle la langue du pays, aucun a priori face aux autres cultures, on vit comme les locaux, toujours ou presque très frugalement. Ce ne sont que petits villages complètement inconnus, chichement peuplés de gens très pauvres et très simples où l'on se partage un oignon et un morceau de fromage de chèvre, éventuellement quand la chance sourit, un verre d'alcool et l'on finit la soirée en jouant une rengaine à l'accordéon qui ébaubit les locaux. Un paradoxe, d'un côté on se hâte car nos voyageurs poursuivis par l'hiver tentent de gagner des régions au climat plus favorable, mais de l'autre, on prend son temps, parfois contre leur gré quand la voiture flanche.
Décrire les milles aventures qui arrivent à nos héros fait l'objet de ce livre : ils connaitront le froid, les chaleurs torrides, la maladie, les pannes de voitures à répétition où l'on répare avec un gros caillou comme marteau et le système D, Nicolas Bouvier perdra le manuscrit de son récit avant de le récupérer crapoteux dans une décharge publique, etc. etc. Mais ce sont aussi mille rencontres, des personnages truculents, pathétiques, serviables au-là de ce qu'on est en droit d'attendre, des bergers, des militaires, des instituteurs, des camionneurs, des patrons de café… Bouvier s'attache plus aux hommes qu'aux paysages, tout en dispensant une érudition à toute épreuve, sans jamais lasser. Et il est très intéressant de lire ses réflexions de 1963 sur la géopolitique des régions traversées (les Kurdes ou l'Iran par exemple), elles nous éclairent sur la situation actuelle et remettent les choses en perspectives.
Le bouquin est trop riche pour que je m'attarde sur tout, c'est drôle parfois, touchant aussi, truffé d'aphorismes pleins de sagesse où chacun piochera celui qui lui convient (« Toutes les manières de voir le monde sont bonnes, pourvu qu'on en revienne. »). Quand le bouquin s'achève, Nicolas Bouvier s'interroge, est-ce que le voyage nous change ? Rien n'est moins sûr. Et qu'importe, lui continue sa route vers l'Inde.
Un livre magnifique, LE récit de voyage par excellence.
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Qu'est ce que j'aurais aimé faire ce voyage ! Mais je n'ai pas le cran de Bouvier. Partir sans rien, à la rencontre des gens, au hasard de la route. C'est LE livre qui m'a donné envie de voyager, beaucoup plus modestement, et surtout dans un plus grand confort. Je crois que ce livre est la base de tout voyageur. Si on ne lit pas ça, alors on ne comprend rien à ce qu'est un véritable voyage !
Après, on peut partir...
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Livre de voyage: ce genre ne fait pas partie de mes lectures favorites. Je craignais une succession "d'exploits", de difficultés surmontées avec courage et abnégations, un abus d'exotisme bon marché, de longues descriptions triviales.....préjugés magistralement balayés par "l'usage du monde" (un classique du genre ai je appris en lisant les critiques Babelio).
J'y ai apprécié les descriptions de découverte des habitudes, des modes de vie quotidiens , des relations interpersonnelles et de leur modelage par des environnements rarement favorables.

L'auteur égrène aussi quelques réflexions telles que : "Le voyage fournit des occasions de s'ébrouer mais pas, comme on le croyait- la liberté. Il fait plutôt éprouver une sorte de réduction; privé de son cadre habituel, dépouillé de ses habitudes comme d'un volumineux emballage, le voyageur se trouve ramené à de plus humbles proportions. Plus ouvert aussi à la curiosité, à l'intuition, au coup de foudre."

Enfin certaines descriptions d'ambiance sont d'une belle puissance évocatrice. Un exemple la aussi: "Baignant dans une lumière de miel, une douzaine de vieux magistrats roués, vifs comme des matous, se dévisageaient en silence. Fronts obstinés, pattes d'oie sarcastiques, lippes de noceurs qui laissaient éclater avec une impudence fantastique la maladie la ruse la cupidité, comme si le séjour dans ces étranges collines les avaient délivrés pour toujours du fardeau de dissimuler"Un modulo quand même.
La dernière partie du livre m'a parue longue (lassitude?) : des chapitres souvent courts, qui enchaînent les lieux et les rencontres présentés plus succinctement. 
A lire lentement !
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Quand il est demandé à des explorateurs,des aventuriers ou des écrivains voyageurs quel est leur livre de voyage, la majorité répond L'usage du Monde de Nicolas Bouvier.
Donc étant fan de voyages et de lecture de voyage je me lance dans la lecture de L'usage du Monde dans la réédition du Livre chez Droz.
Et effectivement ce livre est magique,entêtant.
Nicolas Bouvier 24 ans, avec Thierry Vernet du même âge partent avec leur Fiat Topolino en 1953 pour un grand périple entre la Yougoslavie et l'Afghanistan. Leur périple durera 18 mois avec des arrêts prolongés à Istanbul ,Tabriz ,Quetta et Kaboul. Pour voyager ils vivront des dessins et aquarelles de Thierry Vernet et des cours de Français et articles de journaux de Nicolas Bouvier.
Ce qui est remarquable c'est la fluidité de l'écriture de Nicolas Bouvier. En peu de mots mais avec des mots justes et soupeses il nous décrit un personnage, un lieu. Nous sommes avec eux, au milieu de leur voyage . de même pour les dessins de Thierry Vernet qui parsèment le livre. A première vue ces dessins noir et blanc paraissent simples et grossiers alors qu'ils sont simplement justes.
Ce voyage dans ce Moyen Orient des années 1950 nous paraît pas si loin de la problématique actuelle de cette region.
Dans tout le livre on ressent l'empathie de Nicolas Bouvier pour les lieux traversés et leur population et plus particulièrement pour l'Afghanistan et les peuples tziganes et rom
Un grand moment de voyage nomade
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Ces carnets de route sont ceux d'un voyage qui a àpeu près mon âge. Comme Bouvier pour voyager, j'ai pris le temps de les lire. Des mois! J'ai aimé me plonger dans ce livre pour quelques pages, quelques illustrations, puis le laisser au repos sur l'étagère tandis que mon esprit partait à la rencontre du Monde à travers d'autres lectures, d'autres auteurs, d'autres regards, d'autres pensées.
Et puis reprendre ce BOUVIER, y revenir, l'ouvrir, me laisser imprégner, le déposer à nouveau sans pour autant l'abandonner. Je n'ai jamais senti le besoin de déceler dans "L'usage du monde" une histoire à suivre. J'y ai trouvé une écriture subtile, attentive à laisser émerger l'humanité des gens rencontrés par l'auteur et son ami peintre. Je me suis nourri de la simplicité, la justesse et la profondeur des regards portés sur les régions, les pays traversés mais surtout sur les gens et les instants vécus avec eux. Une aventure qui donne envie de croire en l'Homme, en un Monde à partager!
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Dans les années 50, Nicolas Bouvier et un ami, Thierry Vernet, peintre, partent dans une petite Fiat pour un voyage et voir le monde ...
Ce livre est un carnet de voyage vraiment très bien écrit. Il y a la lenteur du voyage, ce rythme qui fait que l'important c'est le trajet lui-même plutôt que la destination.
La vie intérieure de nos voyageurs s'étoffe par la perte, quand le cheminement les dépouille de tout.Cela ne va pas sans questionnement, et l'errance devient peu à peu intérieure.
Magnifique récit de voyage, poétique, épique. Nicolas Bouvier ressent et décrit avec acuité et épure l'âme du voyageur
Mais au-delà du récit de voyage, c'est une réflexion sur le monde, sur le voyage avec une grand V, un cheminement personnel.
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Imaginez le voyage suivant: départ de Serbie, direction Istanbul via la Macédoine et la Grèce. Arrivée en Turquie, direction l'est. Arménie, Azerbaïdjan, Iran, Afghanistan, Pakistan et arrivée en Inde. le tout avec un pot, une vieille voiture et des économies pour quelques semaines en poche. Nicolas Bouvier l'a réalisé il y a 60 ans et nous en conte les péripéties. Il nous livre une magnifique photographie de tous ces territoires, photographie très surprenante parfois face à ce que l'on image de ces pays aujourd'hui. L'auteur nous livre ses observations en ayant un vrai recul sur son état d'esprit et ses émotions. On ressent une curiosité insatiable de sa part et une érudition certaine. Il parvient ainsi à nous faire découvrir chaque ville, chaque personne, chaque peuple avec un regard sans concession mais sensible à la plus infime part d'humanité. Magnifique! C'était le premier Bouvier, surement pas le dernier!!
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Un livre de voyage comme il en faudrait plus. On traverse nous aussi les paysages, les époques, les épreuves. Que de belles rencontres dans des terres vues comme isolées et désertiques ! Cela donne envie d'aller voir par soi-même, de prendre un temps pour faire le tour de notre planète. Les dessins sont une invitation à voir le paysage, à l'imaginer, à le récréer. Premier livre de cet auteur que je découvre, j'irai fouiner plus loin.
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En juin 1953 débute l’aventure. Nicolas et Thierry partent-ils à pied, en voiture ou à dos d’âne ?

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