"L'enfance,cette naine blanche...me jette aux yeux sa poudre d'or" poétise
Anne Bragance. Et nous voilà sous le charme, volant à son côté pour écouter "à nouveau la musique des météores", celle des souvenirs d'antan, celle de souvenirs qui se font nôtres car sa prose élégante et raffinée, telle une baguette magique, a le don de faire revivre le temps et nous offrir son bonheur, le bonheur.
Un mot suffit, sésame de la mémoire, pour franchir la Méditerranée direction Casablanca à l'époque du protectorat français.
Un mot suffit pour éveiller les sens car la petite
Anne Bragance habitait "une rue qui aimait les fleurs", s'endormait au son de ritournelles à la douceur d'amandes, savourait des "mounas" succulentes brioches.
Un mot suffit pour que pétillent gaité et tendresse pour Alain, le cadet "ennemi bien-aimé" surnommé tour à tour "Brise-fer" ou "mon cher fardeau", pour le père "aux sourires de rechange", pour "la grand-mère analphabète" qu'elle instruit.
Un mot suffit pour jouer une partie de Monopoly et des rêves de France qui s'appelleront plus tard "exode" ou "exil".
Un mot, des mots qui permettent "l'échappée belle" dans les lectures, qui se collectionnent comme ceux du petit
Marcel Pagnol relatés dans La gloire de mon père, qui s'assembleront en écriture fluide par la suite lorsque viendra l'âge de raison, celui de la nostalgie de l'éternel retour,celui des amitiés laissées là bas par ces pieds-noirs lors de l'indépendance.
Car si
Anne Bragance (romancière,essayiste,nouvelliste dans le présent) nous conte, par petits flashs, ses souvenirs d'enfance aux fragrances subtiles évoquant
Parfums de
Philippe Claudel ou aux saveurs incomparables comme
La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de
Philippe Delerm, elle n'en évoque pas moins une page d'histoire et un déchirement subi lors du départ du Maroc à l'âge où l'on espère que les mimosas fleurissent à tout jamais. C'est sans doute ce goût du soleil et de la lumière qui l'a poussée par la suite à s'installer dans le midi de la France.
Ce beau roman au parfum de coriandre et de menthe dépayse. Ses courtes nouvelles brossent le portrait d'une femme sensible,aimante,rêveuse,attachante,imaginative qui a su tisser à travers mots une soierie chatoyante.
J'avais apprécié dernièrement
Passe un ange noir, une histoire d'amitié entre un vieux monsieur et une toute jeune fille qui se reconstruit à son contact, j'ai adoré Une enfance marocaine...vite une autre
Anne Bragance pour une nouvelle "échappée belle"!