J’ai tout à dire et j’use les mots
pour y parvenir. J’ignore si je m’écarte
ou je m’approche. Si jamais j’ai effleuré
la peau de l’essentiel. Et je demande toujours
pourquoi ces lignes têtues en moi.
Le passé n’est pas ce qu’on a accompli,
mais ce qu’aucun mot ne refera.
C’est pourquoi je lis toujours dans l’avenir, mais j’ignore
de quel côté du temps j’écris. Et si je savais
que je traîne les lettres comme un crabe
je dirais que j’ai seulement cette poignée de mots.
J’épelle les choses en chaque jour qui me regarde
quand je me sens capable de la voir. Voilà tout.
Et il n’y a pas d’excuse à ce que je fais.
Ton cœur
dort avec moi. Il borde mes nuits
et les matins sont froids quand je me lève.
Et je demande toujours où tu es et pourquoi
les rues ont cessé d’être des fleuves. Parfois
une goutte d’eau tombe par terre
comme si c’était une larme. Parfois
il n’y a pas assez de terre pour la sécher.
J’ai de la colère dans mes cheveux. Hors de moi.
Je ne voulais pas épeler ainsi la nuit.
Je demande la douceur d’autres jours. Ta main
calmant mes tempêtes.
Dormir sur ton oreiller. Ta peau
murmurant tout bas une histoire
d’amour. Je demande une goutte de force
pour le chemin. Ouvrir les poches
aux possibles. Je prie que tu ne m’entendes pas,
qur tu ne voies pas mes ténèbres. Je commencerai
tout doucement l’alphabet dans les cheveux.
Ma pluie traverse la rue.
Elle efface la trace du premier vers.
Nous nous couchons dans le lit défait.
Une pile de vêtements s’effondre. L’été par terre.
Amour le soir dans la vie en désordre,
les choses à moitié faites. Même le silence est
en désordre. J’aime cette scène.
Il y a en elle une vérité qui m’échappe.
Le monde qui me traverse sait que cette peau
n’est ni ciment ni mortier.
Chaque pore est un pont, un lieu habité
entre deux lettres. Il me suffit de dire que je respire.
Et tu sauras que j’écris avec et sans les mots.