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EAN : 9782253246961
432 pages
Le Livre de Poche (24/04/2024)
  Existe en édition audio
4.26/5   1030 notes
Résumé :
Paris, 1967. À l'aube de la cinquantaine, Menie, mère de famille bourgeoise, est recrutée par la radio RTL qui a décidé de renouveler ses programmes. Son rôle ? Faire parler les auditrices. En quelques semaines, c'est la déferlante. Les femmes de la France entière se confient à « la dame de coeur ». Bientôt, à l'heure de la sieste, elles seront des millions à suivre l'émission avec passion. Parmi elles, Mireille et sa soeur Suzanne, qui découvrent qu'elles aussi pou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (277) Voir plus Ajouter une critique
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Fin des années 60, une époque pas si reculée, la preuve j'étais déjà de ce monde, même si je n'étais pas une de ces femmes à qui s'adresse l'émission conduite par Ménie Grégoire, sur RTL, l'heure des femmes. Une émission où Ménie va surtout les écouter, et puis les conseiller, leur délivrer quelques clés, aborder des sujets tabous à la radio d'alors, la sexualité, la contraception, le plaisir féminin, la violence contre les femmes, ...
Et elle sera vilipendée, attaquée pour cela.

Adèle Bréau est sa petite-fille. Elle nous raconte sous forme romancée la vie de sa grand-mère, une femme du monde, de la bourgeoisie, dont le mari était un grand fonctionnaire, proche du gouvernement, qui aurait pu se contente de sa vie de riche oisive, qui va s'engager à corps et coeur perdus dans cette émission, soutenue par l'abondant courrier et les nombreux coups de téléphones de ces femmes à qui elle ouvre des horizons nouveaux.

J'ai été surprise de découvrir à nouveau le contexte de ces années, et de mesurer l'ignorance dans laquelle étaient maintenues la plupart des femmes d'alors, le peu de droits qu'elles avaient, leur vie passée à travailler, les enfants qui s'enchainaient sans être désirés même s'ils étaient aimés. J'ai déjà lu des romans sur cette époque, décrivant la condition féminine, mais j'ai tendance à oublier et je me réjouis à chaque fois de voir comme la société, même si elle n'est pas parfaite a progressé sur ce sujet.

J'ai beaucoup aimé dans ce roman les personnages de l'époque, surtout ceux qui gravitent autour de Ménie, celles devrais-je dire qui écoutent religieusement presque son émission. Des extraits de lettres, tous authentiques, parsèment le livre et en renforcent l'attrait. J'ai été moins convaincue par le personnage actuel, que l'autrice a mis en scène pour découvrir et raconter Ménie. Elle a voulu lui faire vivre une situation difficile, encore malheureusement très actuelle hélas, mais que j'ai trouvée ici trop survolée, un peu trop " à la mode".

Et mon intérêt a légèrement décru sur la fin du roman. Il aurait pu, à mon avis être un peu plus court. J'ai ressenti parfois sur le dernier quart un sentiment de "redites" .

Cela reste néanmoins une plongée intéressante dans la société de l'époque et la vie de cette femme, dont j'ignorais tout, même si je connaissais son nom et le titre de son émission.
J'aurais adoré partager cette lecture avec Maman.

J'ai complété cette lecture en écoutant la version audio. J'ai beaucoup apprécié l'émotion et l'empathie dégagées par les deux voix, qui se répondent, l'une pour les extraits actuels, l'une pour l'époque de Ménie. L'écoute m'a permis de ressentir plus intensément certains des sentiments éprouvés à la lecture. C'est la première fois que j'abordais un livre de ces deux manières différentes, et cela ne m'a pas semblé redondant.

Merci à NetGalley et aux éditions J.C. Lattès et Audible pour ce double partage #Lheuredesfemmes #NetGalleyFrance
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Elle s'appelait Marie , mais depuis l'enfance se faisait appeler Menie sans doute pour se démarquer de sa mère qui lui avait donné son prénom.
Elle approchait des cinquante ans, évoluait dans le milieu de la très haute bourgeoisie parisienne (son mari murmurait à l'oreille de Pompidou...). Ses trois filles étaient grandes. Elle organisait des diners fabuleux et décontractés où se mélangeait le tout Paris. Elle écrivait des "petits papiers" pour la presse féminine, elle avait un certain succés , elle savait écouter les femmes.
En 1967 , le nouveau directeur de RTL lui proposa une émission où elle ferait ce qu'elle savait faire de mieux : faire parler les femmes de leurs soucis, de leurs problèmes. Et la France découvrit la misère des femmes... Femmes épuisées par les grossesses, sexualité, avortement, femmes battues, violées par leurs conjoints, etc, etc...
Et la France écouta, et la France avança, et si certains s'offusquèrent devant tant d'impudeur, devant tant de vulgarité, Menie n'en avait cure. elle était investie d'une mission : faire avancer la cause des femmes , et rien , ni sa famille, ni les rétrogrades ne la décourageraient.
Certains hommes apprirent, d'autres voulaient que cela reste comme cela. Mais les femmes avaient découvert que d'autres souffraient, que d'autres vivaient les mêmes choses. Elle s'appelait Menie Grégoire, et son émission connut un immense succés.

Aujourd'hui dans ce roman , oh combien bien nommé... Adéle Bréau , sa petite fille, lui rend hommage, la faisant revivre et donnant la parole également à trois autres femmes :
- Mireille, une femme qui n'en peut plus de faire attention, attention aux dépenses, un mari à l'usine, un seul salaire et une tripotée d'enfants. Mireille qui a tellement mal au sein à force d'allaiter ses deux derniers. Mireille qui n'en peut plus de "passer à la casserole" et qui aimerait bien dire à son mari, qu'elle en a marre de tomber enceinte. Un jour Mireille tombe sur l'émission de Menie. -
- Suzanne, la soeur de Mireille, ( montée à Paris pour être bonne à tout faire ), qui elle aussi, rencontrera Menie, mais d'une autre façon...
- Et puis, Esther qui en 2021, n'est pas vraiment ce qu'on pourrait appeller " une femme libérée, délivrée"... Un projet professionnel lui fera connaitre cette Menie qui murmurait à l'oreille des femmes...
Trois femmes à qui Menie va énormément apporter, au point de changer leurs vies.

Et puis, une autrice , Adéle Bréau , qui entremêle ces destins pour mieux nous raconter l'histoire des femmes et cette période des années 60 - 70 où elles purent enfin décider de leurs vies. On mesure aujourd'hui le chemin parcouru. Rien n'a été facile, tout a dû être arraché : contraception, avortement, sexualité, travail, divorce, permis de conduire. Sans jamais donner de leçon, sans aucune lourdeur, Adéle Bréau nous raconte la vie de sa grand-mère , qui fut une femme formidable à qui notre génération et les suivantes doivent beaucoup.
Elle était courageuse, elle débordait d'énergie, elle était généreuse, elle était novatrice. Parce qu'elle était heureuse dans sa vie, son milieu, son mariage, elle a voulu que toutes les françaises approchent ce bonheur . Elle pensait ( à une époque où les femmes étaient là pour s'occuper des autres avant elle-mêmes , où les femmes devaient combler leurs petits maris ), que le bonheur leur était dû.
Elle leur parlait, vers 15h, quand les enfants faisaient la sieste, quand les maris étaient encore au travail, à une heure où les femmes pouvaient un peu souffler... C'était l'heure des femmes. Elle leur expliquait qu'elles n'avaient pas, (qu'elles n'avaient plus) à subir, qu'elles pouvaient être les égales des hommes, demander, réclamer, exiger.

Je ne connaissais pas vraiment cette femme, je l'ai découverte avec ce livre et ce fut un coup de coeur. Menie fait partie des femmes qui ont "inventé" ( en France) , le féminisme. Mais le sien était décontracté, joyeux, pas revanchard, juste volontaire, il ne renoncait à rien , ni à la maternité, ni aux hommes, ni à la coquetterie. Elle aidait vraiment, donnait de sa personne, "mettait les mains dans le cambouis".

Un roman aussi instructif qu'agréable à lire.
A mettre entre toutes les mains, parce que rien n'est acquis...





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Loin de Cholet, loin d'une existence morne, Menie s'épanouit pleinement à Paris. Trois grandes filles, dont la plus jeune atteint l'âge de ne plus avoir besoin d'elle si souvent, un mari, Roger, haut fonctionnaire, qui l'aime toujours autant plus de 20 ans après leur rencontre, des amis, des réceptions, des avant-premières et un métier de journaliste dans un quotidien pour femmes. Puis, après avoir publié une série sur les femmes dans Esprit, on la nomme conférencière pour l'Alliance française tant cette série a fait grand bruit et tant les lettres de femmes ont afflué. C'est alors que Philippe, l'une de ses connaissances, presque un ami, qui vient de prendre les rênes de la plus grande radio de France, lui propose de l'intégrer à leur émission de fin de matinée...
Loin de là, à Saumur, Mireille, à peine 30 ans, est déjà mère de 6 enfants et peine à s'occuper de ses deux derniers, seulement séparés de 10 mois. Sa jeune soeur, Suzanne, elle, travaille comme bonne à Paris, dans une famille bourgeoise...
Cinquante ans plus tard, Esther a trouvé refuge à Bréhat depuis bientôt 3 mois, voulant fuir son quotidien et Pietro dont elle s'est séparée. Katell, avec qui elle a fait ses études et qui travaille pour un gros groupe d'édition, l'informe d'une mission de collecte d'info pour leur collection « Femmes d'influence » qui pourrait l'intéresser. Son sujet : Menie Grégoire...

15h, c'est l'heure des femmes. La maison est propre, les enfants sont à l'école ou font la sieste, aussi des millions d'entre elles vont prêter une attention toute particulière à ce qui se dit dans le poste de radio. Si elle en aura choqué, dérangé, bousculé certains, Menie Grégoire en aura, sans nul doute, porté, encouragé, écouté, conseillé certaines, toujours à l'écoute et sans tabou, des drames parfois se jouant en silence, des ignorances. Qui serait l'une des plus à même pour nous raconter un pan de la vie de Menie Grégoire, celle que l'on appelait La dame de coeur, que sa petite-fille, Adèle Bréau ? À travers ce roman, cette dernière relate sa vie de mère et d'épouse mais surtout son métier de journaliste et d'animatrice radio, de 1967 à 1982, répondant aux questions concernant le couple, la famille, la santé et la sexualité (sujet qui deviendra l'essence même de son émission). Elle s'attarde également sur l'histoire de deux soeurs, Mireille et Suzanne, toutes deux à une époque charnière de leur vie, et d'Esther, une jeune femme contemporaine qui va se replonger dans la vie de Menie. Elle dépeint ainsi le portrait d'une société en pleine mutation, où les femmes osent s'affirmer, questionne sur la condition féminine, la sororité, la place des femmes et les bouleversements sociétaux.
Un roman captivant, instructif et touchant...

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Je ne remercierai jamais assez une amie de Babelio: grâce à elle j'ai acheté ce livre romanesque, à partir de plusieurs trames narratives , reflet des angoisses, des tragédies des femmes, dans un monde exclusivement masculin .

Une plongée captivante dans la société de l'époque, les années 60: l'émission conduite par Menie, sur RTL, une femme libre, attentive, fantasque.
À l'aube de la cinquantaine, Menie , mère de famille bourgeoise, en réalité elle s'appelait Marie , mais depuis l'enfance , elle se faisait appeler ainsi peut-être afin de se démarquer de sa mère , compassée et distante.

Mariée à un très haut fonctionnaire, Roger ,( murmurant à l'oreille de Georges-Pompidou ) , ses filles déjà grandes , elle est sollicitée par la radio populaire RTL pour renouveler l'antenne .

Jusque là , elle organisait des dîners mondains, décontractés , grandioses, se contentait d'écrire quelques articles pour la presse féminine.

Elle a captivé des millions d'auditrices, sur les ondes, de 1967 à 1981, en début d'après - midi à l'heure où les hommes sont au travail et les enfants à l'école .

Celles - ci suivaient l'émission avec passion sur leur petit transistor : concept révolutionnaire pour l'époque ,Menie était une pionnière .

Toutes ces femmes la surnommeront «  La dame de coeur » .

À l'antenne, tous les sujets seront abordés , même les plus délicats , les problèmes de couples , l'avortement, les femmes battues, les maris conventionnels, distants, les attitudes sexistes, la lutte constante pour s'émanciper , l'obscurantisme, le planning familial , les grossesses non désirées, la frigidité , l'amour, le désir d'enfant…

L'émission à succès montre une femme novatrice, audacieuse, persévérante, pas toujours comprise par ses trois filles , parfois on l'insulte dans la rue ou on la gifle .
Sa vie est complètement bouleversée , on lui livre des tourments, sa qualité d'écoute, sa vision nouvelle vont accompagner doucement les changements de mentalité de ces années - là.

Chacun pouvait se raconter, écouter, apprendre, évoluer, sortir des carcans anciens ,,.
Sa petite fille Adele Breau unit , dans ce roman les destinées de trois femmes , des portraits fictifs se dessinant par ses soins : Mireille , et Suzanne , deux soeurs qui vont se battre pour échapper à leur condition et Esther, une journaliste, qui, cinquante ans après, tentera de conter cette histoire.




Merci pour ce portrait passionnant , vivant, haut en couleurs, prenant, qui nous fait revivre les efforts d'une équipe autour de Menie , elle a contribué à améliorer la condition de tant de femmes à propos de sujets jusque - là tabous .

Elle fera évoluer les mentalités par sa bienveillance, sa capacité d'écoute , son empathie ..
C'est un roman pétri d'émotions qui m'a beaucoup émue … délivrant la parole des femmes.
L'histoire d'une combattante, grande figure du féminisme , humaine , attachante , les lettres ( le livre est entrecoupé de lettres originales bouleversantes ) nous renseignent bien mieux que des discours ..

Un livre subversif, instructif, touchant, témoignage- mémoire d'une époque que chacune devrait lire!
Mais ce n'est que mon avis, bien sûr !

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Dans ce passionnant roman biographique, Adèle Bréau rend hommage à sa grand-mère, Menie Grégoire, femme charismatique, passionnée, combative, flamboyante, intuitive.

1967, la France, le bouleversement sociétal est en route, les femmes qui ont remplacé les hommes partis au front pendant la guerre 40-45 ne veulent plus reprendre leur rôle de femmes et de mères claquemurées dans leur foyer excepté le dimanche pour la messe.

C'est dans cette atmosphère en ébullition que Menie Grégoire se lance à presque cinquante ans dans une aventure périlleuse mais nécessaire sur les ondes de RTL à une heure de grande écoute…pour les femmes, à quinze heures, quand les enfants sont à l'école ou à la sieste, que le ménage est fait, que le repas mijote et que les maris ne sont pas encore rentrés du boulot. Menie leur parle, les écoute, leur répond, les informe avec sincérité, spontanéité et bienveillance.

Cette émission sera un des catalyseurs de la libération féminine en France, abordera la condition de la femme, le plaisir sexuel féminin, l'injonction à la maternité et à l'obéissance au mari qui fournit le toit et le pain, puis plus tard la contraception, la liberté de travailler, d'avoir son compte en banque, bien d'autres choses encore, qui sont normales aujourd'hui dans les sociétés occidentales. Est-il nécessaire de rappeler que ces droits ont été acquis de haute lutte par nos mères et nos grands-mères ? Que des femmes restent aujourd'hui sous une forte emprise patriarcale, ici moins qu'ailleurs, mais tout de même ? Que la lutte se poursuit plus que jamais aujourd'hui comme le droit à l'avortement dans la Constitution voté il y a quelques jours en France ?

Donc, cette émission sera un catalyseur, surtout pour les femmes vivant loin de Paris, dans ce qu'on nomme la France profonde, catholique, un réconfort, celui de ne plus se sentir seule, il y quelqu'un à l'écoute derrière le poste de radio, il y a d'autres femmes qui sont dans la même situation, qui se posent les mêmes questions, qui ont les mêmes tabous.

Et elle, Menie ? Une dame de la bourgeoisie parisienne, épouse épanouie de Roger, haut fonctionnaire de la République promis à un brillant avenir politique, maman heureuse et fière de ses trois filles. Son couple évolue sur un pied d'égalité, son mari est très ouvert et rallié à sa cause, elle mène sa vie et sa carrière comme elle l'entend.

Son émission durera quinze ans, elle sera perçue d'abord comme fantasque, puis scandaleuse dans plusieurs milieux, par beaucoup d'hommes, par des femmes aussi et des personnes de son entourage qui lui deviendront hostiles.

Je vais m'arrêter là car je pourrais vous raconter ce livre qui m'a transportée dans cette époque pas très lointaine, dans cette société en mutation. Son écho résonne encore quelques semaines après l'avoir refermé, ce destin de femme pionnière qui a aidé des milliers et des milliers de ses congénères à se libérer, à s'indépendantiser.

J'ai jeté les bases, à votre tour de faire sa connaissance à travers la plume moderne, vivante et dynamique de sa petite-fille, Adèle Bréau. Vous la suivrez à Paris, dans sa maison bourgeoise, dans les fêtes qu'elle y donne, ainsi que dans la villa de vacances familiale, dans sa vie de couple, dans sa vie de mère, et à la radio dans les studios de RTL avec sa petite équipe qui s'agrandira en même temps que le succès de son émission.

Trois autres histoires fictives se superposeront à celle de Menie, celles de deux soeurs, Suzanne et Mireille, jeunes femmes à la fin des années 60, et en 2021, celle d'Esther, qui, sortant d'une relation amoureuse toxique, enquête pour une maison d'édition sur la vie de Menie : elles renforcent le propos de l'autrice. de même que les lettres authentiques d'auditrices, glissées entre certains chapitres.

L'heure des femmes, un roman biographique passionnant, puissant ! Quel immense coup de coeur !
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critiques presse (2)
Culturebox
15 mai 2023
Le prix Maison de la presse, attribué tous les ans à un roman grand public de qualité, a été décerné à Adèle Bréau pour "L'heure des femmes", inspiré de la vie de sa grand-mère, l'animatrice de radio Menie Grégoire
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
15 mai 2023
Consacré à sa grand-mère et ancienne animatrice de RTL Menie Grégoire, le nouveau roman de la journaliste a séduit le jury par sa construction habile «à partir de plusieurs trames narratives».
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (133) Voir plus Ajouter une citation
J'ai été élevée avec l'idée d'égalité entre les hommes et les femmes. Enfin, il me semble. Mon frère et moi avons eu sensiblement les mêmes droits. Et c'est peut-être cela qui est pernicieux : ce que contient ce "sensiblement". Aujourd'hui encore, lorsque nous fêtons Noël tous ensemble, mon frère reste à table avec mon père pendant que maman, ma belle-sœur et moi débarrassons le couvert. Comme si c'était normal. Que les hommes doivent se reposer. Comme si, toutes les trois, nous savions mieux qu'eux où se rangent les assiettes à dessert, les verres à vin et les plats. Ça ne souffre aucune discussion, c'est un état de fait.
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- Vous êtes un peu l'héritière de Beauvoir !
- Détrompez-vous, je n'ai rien à voir avec elle, si ce n'est l'intérêt que nous portons toutes les deux à la cause féminine. Mais contrairement au Castor, je ne considère pas que le mariage soit une aliénation, ni la maternité un naufrage. En revanche, ce que n'a pas réussi à saisir cette femme intelligente - hélas ignorante des réalités qui animent la société hors du petit cercle germanopratin -, c'est la double peine des femmes de notre époque. Mères, elles le sont, le sont, assurément. Mais, contrairement à leurs propres génitrices qui se mouraient d'ennui au foyer, elles travaillent. Et continuent de faire tourner la maison. Qui parle de cela, aujourd'hui ? Qui s'adresse à ces femmes soumises à des journées à rallonge, à des bonshommes qui ne fichent pas grand-chose à la maison et auxquels il faut bien servir à souper lorsqu ils rentrent à peine plus tard qu'elles le soir? Qui les écoute, qui les comprend? Personne! Ah ça, c'est bien beau de fustiger le patriarcat, mais avant cela, il faut tenir compte des réalités de son époque ! Sans compter la contraception.
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- Le standard.
- Quoi, le standard ?
- Il a explosé. Depuis votre intervention, ça n’arrête pas. Autant vous dire que les filles de l’accueil sont débordées. Mais c’est quelque chose.
- Les gens se plaignent ?
- Certains. Mais pas tous. C’est même une très faible partie des appels. Non, plein d’auditeurs, et surtout d’auditrices, tiennent à vous remercier d’avoir répondu à cette dame – celle dont vous avez lu la lettre. Sans parler des autres, qui souhaitent raconter leur propre histoire, vous demander conseil, savoir ce qu’elles doivent faire. Vous êtes visiblement la seule à pouvoir leur répondre. Sans compter le courrier. Regardez !
Philippe lui indique un sac de courrier bien remplie. Menie a l’habitude. Au journal, c’était pareil. Les gens s’ouvrent à elle, lui racontent leurs grands drames et leurs petits soucis. Tout le monde a besoin de ça. D’une oreille, sans jugement. De quelqu’un qui puisse tout entendre, qui puisse leur répondre qu’aucun vice, aucune douleur, aucune tragédie n’est solitaire. Quelqu’un qui explique aux femmes leurs corps, aux jeunes filles les réalités du couple, aux hommes les besoins de leurs épouses. On ne parle pas de ces choses-là, non. Ni chez les riches ni chez les pauvres. On se tait depuis si longtemps parce que c’est ainsi qu’on faisait autrefois, parce qu’on n’avait pas le choix et qu’il fallait bien vivre plutôt que de s’appesantir sur le chagrin de la disparition d’un frère, d’un père ou d’un fils. Parce qu’il fallait rester fort, forte, et ne pas se regarder le nombril. Mais il n’y aura plus de guerre. Aujourd’hui, on a le droit de s’écouter et d’écouter les autres.
Philippe frétille d’enthousiasme. Il a allumé un de ses gros cigares. L’air satisfait, il froisse quelques enveloppes. Il semble avoir pour Menie de grandes ambitions.
- Je pense sérieusement à une émission pour vous toute seule, Menie. L’équivalent de voter courrier des lecteurs mais à la radio, en direct. Vous imaginez ? Les auditeurs pourraient appeler, pour donner leur avis sur les lettres que vous auriez sélectionnées. Ça ressemblerait à une conversation. Ce serait très ludique, non ? Et surtout totalement inédit. Il faut trouver un titre, quelque chose de percutant. On a le temps d’y penser. Non, le plus important, c’est l’horaire. Que diriez-vous du matin ? Ou du soir, lorsqu’on peut s’adonner aux confidences ? C’est bien, ça. Le soir. On n’a pas grand-chose sur ce créneau-là.
- Non, pas le soir.
Elle pense déjà qu’une émission pour elle toute seule, qui n’y connaît rien, et que personne ne connaît, c’est une folie. Mais cette histoire d’horaire, non. Ça ne va pas.
- Et pourquoi donc ? s’étonne-t-il, guère convaincu.
- Parce que le soir, les maris et les enfants sont là. L’après-midi, c’est mieux. Les femmes sont seules chez elles. Elles en ont fini avec les tâches matinales, le déjeuner de leur époux. Les petits dorment. C’est leur seule pause. Et puis, elles seront sûres de ne pas être écoutées ou reconnues par leurs bonshommes qui seront au travail.
Philippe sourit, admiratif.
- On peut dire que vous connaissez votre sujet, Menie. Va pour l’après-midi, l’heure des femmes ! J’imagine que c’est un oui ?
- Pas du t…
- Parfait ! On va faire les affiches, une promotion de tous les diables. Personne ne vous connaît. Il faut vous construire un personnage. Pas trop dame patronnesse, ni trop bourgeoise. Une dame de confiance.
- Mais, je veux rester moi-même !
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Je crois que ça aurait plu à Ménie, cette histoire de ricochets. Elle qui aimait tant les rivières. Oui, je crois qu'elle a lancé un premier caillou qui a continué de rebondir ensuite, inlassablement, de femme en femme, de mère en fille, de sœur en sœur. Je pense souvent à elle lorsque j'écoute une patiente se confier à moi. Je me dis qu'on ne faisait pas cela, avant. Quand ma mère était jeune fille, on gardait ses problèmes pour soi, on attendait que ça passe, comme la douleur et les tracas. Il arrivait souvent qu'on en meure.
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- Vous ne trouvez pas bizarre que la voix des femmes se soit peu à peu tue ?
- Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- Je ne sais pas. Avec MeToo, toutes ces accusations, tous ces actes qui attestent de la violence des hommes, d'inceste, on a l'impression que chacun redécouvre ce qui était déjà là il y a cinquante ans, Comment est-ce possible ?
Paul m'observe avec curiosité. Il se tait. Peut-être parce que, comme moi, il n'a pas de réponse à ça. Au fait qu'après cette période de sursaut, on ait voulu refermer la porte des foyers. Les femmes avaient obtenu la contraception, le droit d'avorter, celui de travailler. Elles avaient eu ce qu'elles voulaient, elles n'allaient pas continuer d'emmerder le monde. Maintenant, elles pouvaient la fermer.
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En savoir plus sur L'Heure des femmes : https://www.hachette.fr/livre/lheure-des-femmes-9782253246961
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