Madame Vertigo et son cancer

J'ai reçu ce livre dans le cadre d'une opération Masse Critique, ainsi je prends simplement le temps de remercier Babelio et les éditions Odile Jacob pour cette découverte.

Ce livre est un témoignage, celui de l'auteure qui s'est battue contre le cancer. Néanmoins, je préfère alerter le lecteur qu'il ne s'agit pas ici d'un témoignage comme il est possible d'en lire tant d'autres. En effet, Danièle Brun est une psychanalyste reconnue. En conséquence, même si son vécu est abordé, une prise de distance et une analyse fine est proposée afin que le plus grand nombre puisse s'identifier. Cela permet également de faire émerger le questionnement principal sur la médecine déshumanisée.

Je dirais donc que cet ouvrage n'intéressera pas forcément tous les lectures, bien qu'il soit particulièrement intéressant. Il est simplement nécessaire d'avoir l'envie de se questionner sur les pratiques médicales actuellement sur les traitements lourds contre le cancer ou d'autres maladies graves. L'intérêt principal réside en cela et je pense qu'il serait intéressant que des médecins, professionnels de santé, prennent connaissance de cet ouvrage pour faire évoluer leur pratique. Cependant, même sans être dans le domaine médical, j'ai trouvé un intérêt certain à cette lecture car cela m'indique qu'il est possible de dire non, de demander ou d'exiger des adaptations quand le ressenti sur le corps est trop important. Nous n'écoutons pas assez notre corps alors que c'est lui qui subi de plein fouet les traitements.

#MasseCritiqueBabelio

Dans cette analyse très philosophique, empreinte de concepts et de nombreuses références psychanalytiques, Danièle Brun évoque l'assymétrie dans les relations médicales entre médecins et patients, le désir d'une obéissance rassurante qui s'oppose au profond besoin d'être entendu, la dépossession de son propre corps qui nuit au sentiment interne d'identité, la difficulté même à l'habiter pendant et après la maladie, le réapprentissage que cela implique, et surtout toute cette part de pensées et d'inquiétudes que le malade souvent muselle, si le médecin ne le fait pas d'abord, celle qu'elle nomme madame Vertigo.

C'est un texte vraiment très intéressant qui permet de réfléchir aux rapports que nous entretenons avec la maladie, la peur de la mort aussi, que l'on soit médecin ou patient. Mais, contrairement à ce que la quatrième de couverture laissait penser, ce n'est pas un témoignage, Danièle Brun n'y livre pas son expérience personnelle. Madame Vertigo s'y exprime assez peu d'ailleurs. (Peut-être que c'est le signe de ce clivage intime dont elle parle, ou peut-être que ce côté analytique lui a permis de mettre à distance des ressentis trop difficiles à vivre pour pouvoir être exprimés à la première personne…)

M'attendant à découvrir un témoignage, un vécu personnel donc de son cancer, j'ai été très déçue par ce que j'ai ressenti comme une mise à distance de son vécu intime de la maladie, qu'elle voulait justement dénoncer au travers de sa réflexion. Mais si le livre m'avait été présenté autrement, comme un texte réflexif plutôt qu'un témoignage, je pense que j'aurais beaucoup plus accroché, car son analyse reste intéressante et enrichissante.

Madame Vertigo et son cancer de Danièle Brun paru chez Odile Jacob.
#massecritiquebabelio

Premières phrases : » … Nous avons tous une relation avec des médecins prescripteurs de traitements que nous supportons avec plus ou moins de difficultés, plus ou moins d'effets secondaires, notamment lorsqu'il s'agit de cancer ou de maladies graves. »

Danièle Brun dans ce livre, partage son vécu de la maladie et des conséquences de cette dernière sur son corps et son mental. Ce partage, elle nous l'offre à travers un prisme large de ressenti, d'expérience, sa posture de psychanalyste intervenant en milieu hospitalier, sa position de femme face à la maladie, le point de vue de cette même psychanalyste subissant les effets secondaires des traitements lourds, la malade qui compte, classe et décrypte ses ordonnances.
Pour Danièle Brun, passé le choc de l'annonce du cancer, arrive celui de la déshumanisation de la médecine. En qualité de patiente et de malade, elle suit le traitement consciencieusement, les explications sont rapides, succinctes, alors elle accuse le coup, suit les prescriptions, jusqu'à ce qu'elle réalise que son corps lui envoie des signes, des messages, des indications qu'elle souhaite suivre et qu'elle désire transmettre au médecin mais que ceux-ci n'écoutent pas.
Enfermée dans le protocole médical dans les statistiques, la patiente doit coûte que coûte suivre son traitement, composer avec les effets secondaires et ne pas moduler les prises de médicaments en écoutant son corps. Pour Danièle Brun, cela est insupportable, son corps lui parle, son mental l'interpelle et Madame Vertigo (son autre-moi) lui souffle à l'oreille d'entendre ces signaux, de les écouter. Madame Vertigo son double, sa souffleuse de théâtre, qui permet de « dire qu'au moment où mon corps m'a échappé, la colère de Madame Vertigo m'a aidée à me recentrer. »
Pour avoir vécu le protocole de cancérologie de l'intérieur, je rejoins Danièle Brun dans son analyse des effets secondaires du traitement sur le corps, et sur le mental, en si, le signe le plus visible reste la perte des cheveux et de toute pilosité sur le corps, il existe pourtant, ces autres effets secondaires que l'on tait, que l'on encaisse car notre vie en dépend.
Je nuancerai toutefois mon ressenti, car, j'ai eu la chance de toujours trouver face à moi des médecins et des professionnels de santé, à l'écoute et disposé à recueillir mes doutes, mes douleurs et mes questions.

Emma aime :
-Le partage de vécu
-La clarté des mots choisis
-La détermination

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