Dans sa chronique de Libé,
Jean-Louis le Touzet avait écrit à sa mort : "Pantani était un héros balzacien. C'est la chute de César Birotteau. La grandeur et la décadence du coureur. Il reste ce chagrin considérable."
Philippe Brunel fut le spécialiste du vélo à
L Equipe ; il sait merveilleusement écrire, un peu comme si le vélo, les efforts qu'il exige, les légendes qu'il enfante, les foules, les drames et les passions qu'il lève, favorisait l'éclosion ou l'attraction de stylistes hors pair :
Antoine Blondin bien sûr,
Jacques Perret,
Jean-Louis le Touzet,
Paul Fournel ou
Pierre Carrey entre autres qui sculptent des billets exceptionnels dans cette matière d'exception.
Philippe Brunel était lié à Marco Pantani. Il l'était "d'un amour sincère", celui d'un journaliste pour un des champions qu'il suit, et celui-ci, le Pirate ou Elefantino ainsi qu'il était surnommé, comme champion s'était imposé de manière à la fois spectaculaire, criarde et (déjà) tragique.
Cet amour, cette sincérité, qui n'excluent ni lucidité, ni remords, conduisent Philippe Brunel en Italie, pour l'essentiel à Rimini, station balnéaire de la côte adriatique où Marco est mort seul, sans doute d'une overdose, une nuit d'hiver de février 2004, dans une pension un peu minable, la Résidence la Rose, terminus sordide d'une ascension et d'une chute comme seul le système que décrit au plus près, sans emphase, dans une lumière blafarde Philippe Brunel, peut le faire - nous étions, il faut s'en souvenir, au beau milieu des années Amstrong...
Ecrites en 2007, soit 3 ans après la mort de Marco Pantani, 1m72, 56 kilos, 36 pulsations au repos, 175 en plein effort, capacité pulmonaire 5,6 litres au temps de sa splendeur, sa vie et sa mort rappellent, loin du Tourmalet et de l'Alpe d'Huez, loin de l'EPO et des boîtes d'antidépresseurs, la fin de
Francis Scott Fitzgerald, aux jardins d'Allah, sur Sunset Boulevard, "où venaient s'échouer quelques scénaristes alcooliques" (
Jean-Paul Enthoven -
les enfants de Saturne).
"Il n'a pas quarante ans. il se demande pourquoi la vie a tourné de la sorte. Pour le jeune homme qu'il fut, c'est l'heure de rembourser un destin qui a filé trop vite" écrit JP Enthoven. Francis Scott est mort à 44 ans ; Marco à 34. Leur mort, à peine les rumeurs de leur gloire éteintes, rappelle la prophétie de Fitzgerald : "toute vie est un processus de démolition."
Lisez Brunel, même si vous ne connaissez pas le cyclisme : c'est magnifique comme un destin qui file trop vite.