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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'oeuvre de James Lee Burke, écrivain américain né en 1936, est surtout connue pour la série de romans noirs aux accents faulknériens consacrée à Dave Robicheaux, alcoolique repenti, ancien du Vietnam, et inspecteur à New Iberia, ville du golfe du Mexique, toute proche de la Nouvelle Orléans.

La longue saga consacrée aux aventures de Robicheaux et de son acolyte Clete Purcel, alcoolique pratiquant au physique gargantuesque, plusieurs fois décoré pour son courage au combat sur le front vietnamien, et devenu détective privé après que ses frasques eurent causé son renvoi du NOPD, évolue en même temps que son héros et peut se décomposer en deux grands volets.

Dans les premiers épisodes, Dave surnommé « Belle Mèche » retombe parfois dans ses démons alcoolisés, qui l'emportent dans un vortex d'une violence inouïe. Hanté par les années passés sur le front vietnamien, il aperçoit tantôt les fantômes de soldats confédérés qui errent dans la brume des marais de la Louisiane. Robicheaux est surtout un homme en colère contre les injustices qui frappent sa terre natale, où les grandes familles règnent tels des seigneurs féodaux d'un autre temps, et fraient en toute impunité avec la pègre.

Comme l'indique un critique dans le quatrième de couverture de « Creole Belle », le dix-neuvième opus d'une série qui en comporte vingt trois à ce jour : « A l'image des derniers enregistrements de Johnny Cash - crépusculaires - l'oeuvre de James Lee Burke semble s'obscurcir, roman après roman, pour en en devenir plus sublime encore ».

Les romans « tardifs » se font de plus en plus amples et moins nerveux, leur intrigue y est moins resserrée. Ils comportent de longs passages contemplatifs, décrivant la beauté du soleil qui se noie dans l'océan, l'odeur musquée des magnolias en fleurs, l'entrain joyeux et jazzy qui souffle encore et toujours dans le Vieux Carré, au centre de la Nouvelle-Orléans. L'auteur laisse libre cours à une forme de génie poétique qui célèbre la beauté de la Louisiane, tout en s'inquiétant de la disparition du monde de l'enfance de Dave, ce moment de grâce du rêve américain que constituèrent les années cinquante, avant la perte de l'innocence, et l'irruption d'un monde gangréné jusqu'à l'os par une cupidité insatiable.

Dave est à présent à la lisière de la vieillesse, il ne court plus ses cinq kilomètres quotidiens, ne soulève plus de fonte, et se montre plus clément envers les nombreux truands qui croisent sa route. Notre héros reste hanté par ses cauchemars de toujours, la mort accidentelle de son père sur un puits de forage, les images indélébiles des massacres commis sur des civils vietnamiens sans défense. Mais il a vieilli, subi la disparition violente de deux épouses, et c'est à présent une homme tout à la fois désabusé et apaisé qui vit avec une ancienne nonne prénommée Molly et Alafair sa fille adoptive d'origine salvadorienne.

Dans « Creole Belle », Dave se remet de sévères blessures dans une unité de soins de la Nouvelle-Orléans lorsqu'il reçoit la visite de Tee Jolie Melton, une jeune femme de couleur à la voix d'ange qui lui laisse sur son iPod des chansons qu'il est le seul à entendre, dont le blues « My Creole Belle ». Tee Jolie est censée avoir disparue, et Dave se demande si sa visite n'était pas l'un de ces rêves éveillés dont il est coutumier.

En enquêtant sur la mort atroce de Blue Melton, la petite soeur de Tee Jolie ainsi que sur l'exécution de truands locaux, Dave et Clete vont croiser la route des Dupree, famille richissime, qui semble mener un projet maléfique tout droit sorti de l'enfer de Dante. La possibilité du Mal est ici attaquée par sa face nord lorsque l'on comprend qu'Alexis Dupree n'est pas le survivant des camps de la mort hitlériens qu'il prétend être.

Si cet opus s'attarde sur la personnalité tourmentée de Clete Purcel, qui y retrouve sa fille Gretchen Horowitz, une jeune femme à l'enfance volée, devenue tueuse à gage, « Creole Belle » est surtout l'occasion pour son auteur de revenir sur les ravages causés par l'explosion de « Deepwater Horizon », une plateforme pétrolière offshore exploitée dans le golfe du Mexique.

Trop long et touffu pour atteindre la perfection de certains opus, « Creole Belle » est un roman très sombre empreint d'une poésie magnétique qui questionne le Mal absolu en abordant le génocide organisé par le troisième Reich. La beauté ineffable de la Louisiane que nous dépeint James Lee Burke y apparaît comme une forme d'avertissement crépusculaire contre la menace de la possible disparition d'un paradis terrestre menacé par la convoitise d'une caste invisible et malfaisante.
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C'est au lendemain des mésaventures contées dans L'arc-en-ciel de verre que l'on retrouve Dave Robicheaux dans un lit d'hôpital recevant la visite de Tee Jolie Melton, jeune créole, chanteuse d'un groupe de zydeco. Tee Jolie, avant de disparaître, explique à Dave qu'elle a des ennuis qui ont à voir avec un homme qu'elle fréquente et qui est en rapport avec l'industrie pétrolière. Abruti par la morphine, Robicheaux, qui plane quelque part entre le monde des morts et des vivants, ne sait pas s'il a vraiment vu la jeune fille. Jusqu'à ce que, une fois sortie de l'hôpital, il apprenne que celle-ci a disparu depuis des semaines et retrouve le cadavre de sa soeur.

Comme de coutume, Robicheaux et son acolyte Clete Purcel vont mettre les mains dans un panier de crabes au fond duquel ils vont croiser quelques voyous à la petite semaine mais aussi et surtout de riches familles louisianaises corrompues et déviantes bien décidées à défendre leurs gains malhonnêtement accumulés dans le plus grand mépris de leur prochain, en particulier s'il est plus pauvre et moins puissant qu'eux.
Si, sur le plan de l'intrigue, on ne trouvera rien de nouveau, ainsi qu'on a déjà pu le dire à propos du précédent roman de la série, Creole Belle marque toutefois une nouvelle étape dans l'oeuvre de James Lee Burke et dans les aventures de ses deux héros vieillissants. Si Clete et Dave ont pleinement les pieds dans le présent par le biais de leurs filles respectives qui apparaissent ici comme des doubles de leurs pères avec, cependant, chacune quelque chose faisant d'elle quelqu'un de meilleur que son géniteur, ils sont de plus en plus hantés par le passé. Un passé dont, objectivement, de la mort du père de Dave, aux mauvais traitement que celui de Clete lui faisait subir, en passant par le traumatisme du Vietnam et la misère de ces petits blancs du Sud, on ne peut que dire qu'il a été cruel, mais qui, malgré tout, pour l'un comme pour l'autre, fait figure de paradis perdu.
C'est que si au fond ni Clete ni Dave ne se font d'illusion sur la nature humaine, sur le racisme endémique à leur terre et le joug posé par les plus riches sur les plus pauvres en général, ils continuent à voir dans leur État le caractère édénique de la nature. Or, justement, l'intrigue et le contexte – l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique et la pollution qui s'ensuit – tournent autour de la disparition programmée de ce qui reste encore de ce paradis.

Roman sur un monde qui n'en finit pas de finir, sur la transmission du mal comme du bien, et sur le poids du péché des pères, Creole Belle, sans dépareiller dans l'oeuvre de James Lee Burke, ressemble à un pas de plus vers l'ultime aventure de Robicheaux dont on sent bien depuis La nuit la plus longue, qu'il ne trouve plus sa place dans le monde qui fut le sien. Clete et lui, anachronismes vivants dans un monde policé mais de plus en plus corrompus, approchent de la fin. Et si le roman n'est pas dénué de défauts – une intrigue un peu trop alambiquée et pas toujours crédible notamment – la beauté de l'écriture de Burke nous fait espérer que cette fin n'en finira pas d'être repoussée.

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Quelle terrifiante expérience cette guerre du Vietnam. Ceux qui en sont revenus, en sont hantés à jamais. Une marque indélébile au coeur. Et les démons de l'enfance, de l'armée, de la pauvreté, des inégalités et de la méchanceté hantent de plus en plus Dave Robichaux et son ami de toujours Clete Purcel.
C'est peut-être le roman de James Lee Burke où ses protagonistes admettent (enfin ?) que la notion du bien et du mal, que le monde tel qu'ils le conçoivent n'existe tout simplement plus.
Je crois que Burke nous amène vers des ailleurs. Ailleurs meilleurs ? Cela restera à voir. Ce qui est sûr, est que vieillissants, anachroniques, dépassés, n'ayant plus de repères dans ce monde, Dave et Clete en sont à tirer le rideau.
Dans Créole Belle, leur fille respective (leur clone? Elles sont tellement à leur image) prendront-elles la relève autrement ? À suivre.
Mais la Louisianne, la Louisianne de Burke, reste sa Louisianne. On l'entend et quelle musique; on la sent et qu'est-ce qu'elle sent bon; on la voit et qu'elle est belle. C'est ça l'écriture de Burke. Cette flore, ce paysage, ces gens nous enveloppent totalement à chaque lecture.
Je vous ai déjà dit que j'aime James Lee Burke et je l'affirme de nouveau. Je l'aime d'amour. C'est pour toujours !
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La Louisiane dans toute sa splendeur ! Avec Dave Robicheaux et son acolyte Clete Purcel on est servi. Au-delà de l'ambiance, parfaitement restituée, de la moiteur du bayou et de l'écume venue du golfe, on plonge dans une intrigue des plus glauques, à la recherche de Tee Jolie Melton (probablement Créole Belle) une chanteuse noire qui a disparu.

Navigant sans cesse en eaux troubles, nos deux enquêteurs vont tenter de se sortir d'un imbroglio composé d'intérêts financiers issus du pétrole, de traditions esclavagistes et racistes, de passé nazi, de tueurs à gages et autres prostituées et des membres de leur famille. Finalement, le chemin qui mène à la chanteuse disparue est semée de mille embûches, entourloupes diverses, bluffs, stratégies personnelles et mauvaises intentions.

On sue à grosses gouttes, et pas seulement à cause de la météo ! Plus le roman avance, plus les fils se croisent et se décroisent, et plus l'atmosphère est tendue, et moins on y voit clair. C'est captivant. L'apothéose est grandiose !

Roman noir s'il en est, Créole Belle demande quand même une certaine attention pour ne pas perdre le fil des 600 pages. Parfois les situations passent du cocasse à l'exagéré franchissant une frontière ténue qui peut dérouter, voire détourner, le lecteur. Mais ceux qui s'y laisseront prendre ne le regretteront pas car ils seront marqués par ce récit qui vient sans cesse chatouiller, voire énerver, notre sensibilité.
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Qu'est ce que j'aime ces balades dans cette Louisiane humide... les pieds qui s'enfoncent sous le tas de feuilles mortes, les odeurs de mousse et de fleurs exotiques.
Prendre des saucisses, du pain, des crevettes et des oignons, bien sur quelques bieres pour filer pêcher la truite blanche dans le bayou.
Alors oui l'intrigue est bordélique, parfois sans queue ni tête, où l'on oscille entre début de chauffante et rêve éveillé.
Mais on s'en fout, on veut de l'haleine chargée, de la cordite, un bon bol de combo dans un rade enfumé, avec une bière fraiche.

Rien que pour ça faut le lire
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2010 – L'explosion d'une plate-forme pétrolière, la Deepwater Horizon, avait causé la marée noire la plus importante de l'histoire des Etats-Unis, et avait eu une influence désastreuse sur l'environnement et l'écosystème de cette région.

2012 – Dave Robicheaux, shérif de New Iberia, se remet à l'hôpital de blessures par balles qui ont failli lui être fatales. Il reçoit la visite de Tee Jolie Melton, une jeune chanteuse de blues, qui lui apporte un Ipod dans lequel elle a enregistré de la musique. Elle demande à Dave de rechercher sa jeune soeur Blue Melton qui a disparu.
Le problème, c'est que Tee Jolie a elle-même disparu plusieurs mois avant la visite qu'elle est censée avoir rendue à Dave, ce qui conduit ses proches à se demander si cette visite ne serait pas le délire d'un esprit sous morphine. Pourtant, l'Ipod est bien réel !

Son ami Clete se trouve confronté à un problème de chantage. Deux petits truands locaux, Waylon Grimes et Bix Golightly, lui réclament une vieille dette, qu'il avait pourtant déjà réglée et menacent de saisir tous ses biens, s'il ne paie pas. Fort opportunément, Bix Golightly est abattu quelque temps après.
« Un succube vivait dans sa poitrine, et ne lui laissait aucun répit. Il l'avait emporté avec lui depuis l'Irish Channel de la Nouvelle-Orléans jusqu'au Vietnam, aux bordels de Bangkok, aux ruelles du plaisir de Tokyo, et l'avait ramené avec lui. Dans l'esprit de Clete, il n'était pas digne de l'amour d'une femme bien, et il n'avait jamais été à la hauteur aux yeux de son père alcoolique, un laitier qui retournait sa colère et son mépris de soi-même contre son fils aîné perturbé et malheureux. »
Clete Purcel, alter ego de Dave, brûle la vie par les deux bouts, entre l'alcool et les femmes. Un autre souci va venir s'ajouter à son fardeau psychologique, déjà bien lourd : l'apparition dans sa vie de sa fille Gretchen Horowitz, jeune femme qui pourrait être la tueuse à gages qui a abattu Golightly.

On retrouve bientôt le cadavre dénudé de Blue, la jeune femme disparue, enchâssé dans une bloc de glace de la taille d'une baignoire, flottant sur le golfe. Elle a été shootée à l'héroïne, et à l'autopsie, on découvre dans sa bouche un petit ballon contenant un billet « ma soeur est vivante « .

Lors de son enquête, Dave est conduit à se mêler des affaires de personnes puissantes, riches et malveillantes, qui ne veulent pas voir leurs vilains secrets exposés à la lumière du jour. Il représente un danger à leurs yeux et ça, ce n'est pas une bonne nouvelle pour lui. Il y a de gros intérêts en jeu, financiers et politiques. Il est question de marée noire, de faux tableaux, de traite d'êtres humains, d'esclavage (la location des détenus du pénitencier voisin), de trafic d'armes et de criminels de guerre nazis.
Cette enquête n'est pas de tout repos pour Dave, qui en plus de ses blessures, commence à ressentir, comme Clete, le poids des ans. Les héros sont fatigués, mais avec l'aide d'Alafair la fille de Dave, et Gretchen, ils trouvent en eux la force de faire face, et rendent coup pour coup, avec quelle violence !

Les personnages ont tous une formidable épaisseur, au service d'une intrigue complexe, mais bien articulée, contée d'une très belle plume qui sait parfois se faire moins sombre, plus légère et se teinte de quelques touches d'humour.
Ce qui est intéressant à voir dans Creole Belle, c'est à quel point Dave et Clete ont leur mortalité aussi présente à l'esprit, symbolisée par le vieux bateau à aubes du XIXème, qui glisse sur le bayou et que Dave est le seul à voir. L'auteur a pris la décision, il y a déjà longtemps, de les faire vieillir, au rythme de ses écrits. En leur permettant de vivre, de se développer et d'évoluer, il nous offre ses romans comme autant de tranches de vie, d'instantanés de l'Amérique à différentes époques. Pour autant, Burke n'est plus un jeune homme, et leurs préoccupations reflètent bien sûrement les siennes.

Une des grandes forces de l'oeuvre de Burke, au-delà de la qualité de son écriture, a toujours été l'atmosphère qui baigne ses romans, la peinture très poétique de la Nouvelle-Orléans et des bayous.
« L'air qui montait de l'eau était frais, merveilleux, et la lumière aussi douce que du pollen sur les branches au-dessus de nos têtes. Il n'y avait aucun bruit sur le bayou, pas même celui du pont à bascule sur Burke Street. Molly m'a pris la main sans un mot, et nous avons regardé les brèmes manger dans les nénuphars, qui viraient au marron et se recourbaient légèrement sur les bords. Je me suis demandé combien de semaines il nous restait avant l'arrivée des jours gris et pluvieux de l'hiver en Louisiane, qui dénude les chênes d'eau et les pacaniers, et barbouille les fenêtres d'une bruine aussi humide et froide que des infiltrations dans une tombe. »

James Lee Burke a souvent été comparé à Faulkner ou à Zola. Il est connu pour son exploration de la nature de l'homme, de la lutte du bien et du mal, de la souffrance, de la pénitence et du pardon.
Ses romans voient toujours plus loin que le mécanisme de l'intrigue criminelle : le vrai sujet, comme chez Zola, est la condition humaine, vue dans chaque strate de la société.

Je trouve à ce récit, malgré le « happy end », un pessimisme latent, un côté un peu crépusculaire, comme si Dave se préparait à nous faire ses adieux. Il est pour moi un roman des plus puissants et des plus ambitieux, plein de pertinence sur l'Amérique d'aujourd'hui.

Un magnifique roman, à ne pas manquer !
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Personne ne transforme le suspense en poésie comme James Lee Burke.

Comment résister à cet appel de la quatrième de couverture de Creole Belle ? C'est un épais roman publié en français aux éditions Payot-Rivages, un thriller de 620 pages dont la plupart se lisent avec passion, mélancolie et douceur, dans un état de tension qui ne connaît pas de répit.

Creole BelleL'ouragan Katrina et la pollution provoquée par l'explosion de la plateforme Deepwater dans le golfe du Mexique, le fatalisme des pauvres et l'abandon du gouvernement fédéral forment la trame objective de ce roman noir. le reste est création littéraire, mélancolie et superbe écriture.

Ce volume fait partie du cycle des aventures de l'inspecteur Dave Robicheaux à la Nouvelle-Orléans, et au début du récit celui-ci se trouve plutôt mal en point. Il est sujet à des hallucinations à l'hôpital où il pense qu'une jeune femme, Tee Jolie Melton, lui a rendu visite. Est-ce l'effet de la morphine ? Physiquement, cela s'arrange au fil des pages, quoique Tee Jolie ressurgisse au téléphone alors qu'elle a disparu et qu'on a retrouvé le cadavre de sa petite soeur congelé dans un bloc de glace flottant sur l'eau.

Ce n'est pas le seul mystère de ce roman noir, entre politiciens véreux et flics pourris, alcool et exécutions, combats et enquête têtue, on se retrouve dans un parfait produit de la littérature de suspense. Tous les ingrédients sont connus et utilisés à la louche : disparitions, meurtres, vengeances, traques diverses, obsessions du personnage principal, tout y est. Y compris le méchant encore pire qu'on l‘imagine et une nébuleuse menaçante. Y compris le psychopathe de service et les scènes de combat, ou bien la famille de Clete menacée d'une manière particulièrement perverse.

Nous reconnaissons bien sûr les ficelles du thriller pourtant nous nous laissons prendre très vite et le livre fonctionne à merveille : la tension de l'action dramatique malgré les faiblesses évidentes (invraisemblances et autres difficultés à nouer l'intrigue) ne se relâche pas. Quant à la puissance d'évocation de la Louisiane et la poignante nostalgie que distille le blues qui donne son titre au livre, elles vous maintiennent dans une obsédante note bleue.

Creole Belle est un hymne aux écorchés de la vie, ceux qui se défendent à leur façon contre les cauchemars de la guerre ou d'une enfance meurtrie. L'alter ego de l'inspecteur, son ami Clete Purcel, détective privé depuis qu'il a été viré de la police, essaie en vain de chasser les tourments du Viet-Nam avec de l'alcool. Sa fille Gretchen, découverte sur le tard, pourchasse les hommes qui l'ont torturée enfant pour les éliminer. Gretchen est tueuse à gage et Clete essaie à la fois de la protéger et de l'aider ; difficile quand il s'avère que la jeune femme doit honorer un contrat contre la famille de son ami Dave Robicheaux…

Comme les héros sont tristes, comme ils sont fragiles ! Ils sont nostalgiques de la Louisiane d'antan, avant le pétrole et l'ouragan Katrina, avant la dégradation de l'environnement et celle de la morale. Creole Belle est à la recherche d'un paradis perdu où le bien triompherait du mal, où les hommes ne vendraient pas la nature pour de l'argent. Combat naïf et perdu d'avance, mais il y a les somptueuses descriptions de la pluie et du soleil sur le bayou, le grincement métallique du pont qui se soulève, la vie qui s'infiltre dans les moindres recoins de cette région où l'eau et la terre ne sont pas vraiment différenciées.

Au fur et à mesure que le soleil descendait dans un banc de cumulo-nimbus, à l'ouest, le ciel, d'or et de pourpre, tournait au vert. La brise sentait la pluie déversée par les nuages venus du golfe, et l'odeur de frai montant des marais. Elle sentait les pelouses fraîchement tondues, les arroseurs frappant le ciment chaud et le charbon de bois sur un gril. Elle sentait les chrysanthèmes épanouis dans les jardins noyés d'ombre, nous disant que la saison n'était pas encore terminée, que la vie était encore une fête et qu'on ne devait pas y renoncer sous prétexte que la nuit approchait.(p.255)

La poésie s'infiltre comme l'eau dans les pages du roman, une musique lancinante et superbe, même si l'on peut s'agacer de certaines faiblesses de traduction et de fautes de langues :

Une lumière s'éteignait pour toujours dans la maison de quelqu'un et le reste d'entre nous poursuivions nos existences. le scénario était toujours le même. Les visages des acteurs changeaient, mais le script d'origine avait sans doute été écrit au charbon, il y a bien longtemps, sur le mur d'une grotte, et je suis persuadé que, depuis, nous sommes livrés à ses exigences. (p. 538-539)

La lutte contre le mal est comme le tonneau des Danaïdes et les héros sont fatigués.

Existe-t-il un sort pire que de se sentir approuvé ? Les gens qui acceptent le monde tel qu'il est vous ont-ils jamais appris quelque chose de nouveau ? Les individus les plus courageux que j'ai rencontrés sortent de nulle part et accomplissent des actes héroïques qu'on associe généralement aux parachutistes, mais ils sont tellement banals que lorsqu'ils ont quitté la pièce, on a du mal à se rappeler leurs traits. (p. 616)

Au final, James Lee Burke a-t-il écrit un thriller ? Un roman de société ? Une ode triste à la Louisiane ? Cela n'a pas vraiment d'importance, chacun choisira sa propre grille de lecture.
Lien : http://nicole-giroud.fr/creo..
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J'ai lu presque tous les romans de James Lee Burke publiées à ce jour en Français. S'agissant de Polars mettant en scéne Dave Robichaeux, le canevas est toujours le même: personnages multiples et sans liens apparents pendant une bonne moitié de l'intrigue, lyrisme du style, réflexions philosophiques de Dave
Les amateurs retrouveront dans Créole Belle les thèmes chers à l'auteur et son amour de la Louisiane, son inquiétude face aux catastrophes écologiques provoquées par l'industrialisation anarchique, et surtout le combat entre le " bien " et le " mal" qui sous tend son oeuvre.
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