Paru en 1936,
King Cole reste d'une actualité brûlante. Cette chronique découpée en 5 jours d'une campagne électorale dans l'Ohio durant la grande dépression et au moment de la montée du nazisme en Europe, pourrait très bien être celle de n'importe quelle autre campagne idéologiquement déviante et verbalement outrancière en vigueur de nos jours.
Deux candidats s'affrontent pour rafler le poste de Gouverneur. D'une part, James Read Cole, en place, brigue un second mandat. Il est présenté comme un républicain libéral, n'a pas commis dans l'exercice de son premier mandat de graves erreurs, ni obtenu d'éclatants succès. Politicien habile, opportuniste, il connait toutes les réponses qui ne répondent à rien. Il est entouré de conseillers, d'amis, de sympathisants empressés, qui parlent haut et avec familiarité pour marquer leur hypocrite connivence.
Face à lui, Asa Fielding, vieux briscard démocrate surnommé Bec d'aigle. Présenté comme un radical, fauteur de troubles, organisateur de grèves, pourfendeur de la loi et de l'ordre, destructeur des classes sociales, défenseur de syndicalistes emprisonnés. Dans l'Ohio, les chômeurs sont légions, la misère est galopante, des gens meurent de faim, et beaucoup parmi ces déclassés voient en lui un sauveur qui entend leurs voix désespérées, qui apportera des changements dans leur condition et leur rendra leur dignité.
L'écart entre les deux candidats s'amenuise, les républicains sont dans la mouise. La tension monte, soigneusement entretenue par l'Examiner et l'Independant, influents, qui attendent le nom du gagnant pour se rallier avec finasserie à lui. le vote des fermiers, fort nombreux dans l'Ohio est incertain. Traditionnellement républicains, ils ne font plus, en raison de leurs difficultés, confiance à l'administration en place et attendent eux aussi des changements. le vainqueur des élections sera forcément celui qui obtiendra leurs bulletins décisifs. C'est le début d'un magouilles-blues à l'air bien connu. Read Cole, rompu aux techniques les plus basses de la politique applique une intemporelle et infaillible méthode : effrayer l'électorat. Assisté par son directeur de campagne et quelques miliciens sûrs, il braille dans une vaste salle un discours aux accents mussoliniens et hitlériens, provoquant sciemment la violence d'un paisible auditoire, pour que ses nervis entrent en action. Il n'a plus qu'à brandir la menace de l'état d'urgence, de la loi martiale, de la troupe pour rétablir l'ordre. le gagnant des urnes laisse dans le sillage de sa campagne morts et blessés.
Dans la lignée des grands romans noirs,
King Cole bouleverse par sa force, son réalisme, sa lucidité, son modernisme, mais aussi par son écriture nette et sans bavure, dans laquelle aucun mot n'est à ajouter ou à jeter. Aux urnes citoyens !