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Je ne sais pas comment je fais pour choisir mes lectures qui font un parfait écho à ma vie du moment. Ma critique va être brouillon, je le sais, pour cause de fatigue et de ressentis nombreux et contradictoires. Il y a quelques mois j'ai eu la chance d'être embauchée à un poste où je me sens à ma place. Mais voilà, même si je suis en jeans, baskets, très peu maquillée, pas très sophistiquée tout en étant propre et nette, j'ai 54 ans et demi. Et les conversations de mes très jeunes collègues étaient : ahhh elle est vieille, on aurait préféré une jeune…” Ouais...Le rapport avec ce récit ? Une rencontre entre deux femmes, belle mais improbable dans notre société où l'individualisme est une star, où la vieillesse est un dégoût.

Kate boit pour oublier, pour arrêter le temps, pour faire son deuil, mais surtout à cause d'une mauvaise rencontre avec un jeune cinéaste qui a besoin d'excès pour créer ses oeuvres.

Jean vit en solitaire et c'est un choix pour ne pas faire de concession, pour vivre avec ses souvenirs. Jean a choisi une autre façon d'arrêter le temps.

La rencontre de ces deux femmes, différentes et pourtant si semblables va leur permettre de se réparer, l'une et l'autre.

À travers le récit des souvenirs de Jean et de sa façon de vivre son quotidien pour survivre à un traumatisme et la vie actuelle de Kate et ses ressentis, John Burnside arrête le temps, nous permet de nous poser, de reprendre notre souffle, de nous attabler avec ces deux femmes autour d'un thé et de beignets aux pommes. Parce que la vie, le bonheur après lequel nous courons tous est là dans les gestes quotidiens et répétés : couper le bois, faire un gâteau, regarder la nature, le ciel et écouter.

Écouter les histoires des autres et ne plus s'en raconter. Écouter la vérité de l'autre qui n'est peut être pas la réalité mais la sienne avant de devenir un secret. Écouter et ne pas entendre simplement.

Se régénérer au contact d'une amitié sincère, authentique sans jugement, en prenant le temps.

Vous connaissez le bruit que fait le dégel ?

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Après une énième gueule de bois Kate déambule dans un quartier pavillonnaire, elle est en quête d'histoire pour d'éventuelles scénarios, un travail que son amant-ami de beuverie Laurits lui a confié
Kate n'est pas à l'aise avec les gens, pas facile de faire la démarche et d'être à l'écoute
Après avoir essuyé des refus et trouvé des portes closes Kate est sur le point de faire demi-tour quand au détour d'un regard elle découvre une maison non répertoriée dans le plan du quartier
Les lendemains de cuites sont toujours difficiles, Kate n'y échappe pas, sa migraine, la chaleur du jour, cette maison qui semble venir de nulle part, mirage...
" le bruit du dégel" de John Burnside est un roman sur la détresse, la tristesse et la reconstruction La rencontre de Kate l'étudiante en rupture de banc et de Jean la vieille dame va interrompre le lent processus de destruction, ranger les fantômes au placard et découvrir un pan de l'histoire américaine grace aux histoires de Jean
Après l'embâcle, la glace se brise, c'est la débâcle, le bruit du dégel.
Une belle histoire de rencontre entre deux générations en manques de liens.
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" - Vous êtes végétarienne ?

- Depuis trente ans, dit-elle. Pas à cause de l'abattage, comprenez bien. On tue à longueur de temps. On tue pour produire de l'électricité. Chaque route qu'on aménage est une vraie piste de mort. Je ne peux rien contre ça, en revanche je n'ai aucun envie de collaborer avec la nébuleuse de l'agriculture industrielle.(...) "



C'est peut-être l'échange qui sous tend tout le livre, enfin à mes yeux...

Un livre est comme une partition : les notes sont écrites mais chaque interprète, chaque lecteur jouera ou lira selon sa propre personnalité, le tempo de sa vie, le phrasé de ses refus. C'est tout l'art de l'écrivain de faire que d'un récit surgissent plusieurs histoires qui parleront à ceux qui lisent.



Qu'est-ce qui pousse Jean, cette femme âgée et solitaire, à accueillir spontanément celle qui vient l'interroger pour une hypothétique enquête ? Est-ce une reconnaissance d'un moment, d'un être, qui sont tous deux synonymes de transmission ? Comme si celle qui se présentait à sa porte était  "l'attendue"…

Qu'est qui entraîne Kate à franchir le portillon d'une maison qui n'était même pas répertoriée sur le liste de son enquête ? La ressemblance de la maison et de la nature qui l'environne avec le lieu de son enfance et par là même, l'évocation de ce père qu'elle vient de perdre et dont elle ne parvient pas à se consoler de l'absence ? Ce chagrin qui la fait trouver dans l'alcool la force de continuer sans trop avoir à se battre contre les pensées et les regrets qui l'habitent .

Elles vont donc échanger : le fardeau d'un chagrin dont il faut comprendre qu'il est le terreau d'un avenir contre le poids de souvenirs qui sont autant d'enseignements pour appréhender la vie du pays, les engagements, les choix, les refus de chacun, la trame d'une vie.

Si la mort est le ciment de nos routes de vie, sa soeur, la violence est le pavé de nos existences.
Jean va évoquer sa vie, sa famille, ses rencontres : chaque personnage est le symbole d'une période de l'Histoire Humaine des Etats-Unis : Droits Civiques, Guerre du Vietnam, Fat Man et Little Boy, Black Panthers, non -violence, mouvements underground, pacifistes, désertion, trahison…
En faisant défiler les années, Jean expose ses engagements, ses choix, ses refus et ce sont eux les plus importants.
Ne pas écouter tout ce qui est dit par les instances dirigeantes, ne pas croire que la vérité est toujours du côté de ceux qui gouvernent, refuser d'acquiescer à tout et de là, choisir d'avoir une vie en adéquation avec ses principes même si elle est une vie en marge, avec la solitude pour compagne, avec la fuite pour raison d'être, avec la clandestinité pour quotidien.
Choisir qui on aime, même en affrontant une société, être sincère et fidèle à ses aspirations, aux promesses qu'on a faites...
Essayer d'éloigner cette violence qui fait partie de nous, essayer de comprendre l'autre avant de le juger, accueillir celui qui souffre et qui a besoin d'aide en l'occurrence Kate, protéger ceux dont on partage les idéaux même si leur absence en est la condition.
Prendre conscience que cette violence surgira dans l'existence comme une évidence, comme une circonstance qu'on ne pourra éviter...



Livre magnifique, vous l'aurez compris, et encore j'aimerais trouver d'autres mots pour le décrire tant il comptera dans mes lectures.
Une écriture envoûtante, une construction habile pour faire qu'on ne peut le quitter.
Un décor de scènes de films courts-métrages, la référence à nombres de films de grands réalisateurs des années 40-60- Orson Wells, Alfred Hitchcock...- l'évocation de poètes américains – Robert Frost, Marianne Moore… - et les citations des textes d'Emily Dickinson qui sont le refrain de ce récit font de ce livre une fabuleuse découverte comme on a le bonheur d'en faire dans une vie de lecteur.


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"Personne ne devrait avoir honte de ce qui est nécessaire. Un père. Une mère. Un amant ou une amante. Une caresse, un mot, un corps. du reste, longtemps, j'ai en effet regretté, allongée dans mon lit, bien éveillée, qu'il n'y ait pas quelqu'un à mes côtés. Quelqu'un à toucher. Si j'ai appris une chose, après le départ De Lee, ce fut à quel point il est important d'avoir quelqu'un qu'on peut toucher. Quelqu'un qui nous touche".

C'est ainsi que Jean, vieille dame solitaire, s'adresse à Kate, jeune étudiante en cinéma paumée qui noie le deuil de son père dans l'alcool, la drogue et l'ennui.

Elles se sont rencontrées un jour que Kate errait au bout d'un quartier résidentiel désert, à la recherche de bonnes âmes qui accepteraient de répondre à son "enquête", menée en vue du vague projet cinématographique de son petit ami. Qu'est-ce qui l'a poussée à frapper à la porte de Jean, qu'est-ce qui a poussé Jean à lui proposer un marché : lui raconter des histoires en échange de sa sobriété ?

On ne l'apprendra qu'à la toute fin de ces 360 pages, d'une beauté et d'une tristesse qui vous serrent le coeur.

Si Jean est solitaire, d'une solitude désormais choisie pour ne rien devoir concéder de sa liberté ("...j'eus la certitude qu'elle était parfaitement seule au monde, et qu'elle se plaisait ainsi..."), Kate, bien qu'en couple, semble tout aussi seule au monde, avec la différence qu'elle en est profondément malheureuse, perdue entre la nostalgie et les regrets.

Le marché est conclu, et respecté : Kate arrête de boire, et Jean, au travers de récits qui la concernent elle, son frère, ses neveu et nièce, son associée, tire le portrait d'un rêve américain désenchanté, où l'idéalisme et le patriotisme se sont fracassés contre le pragmatisme de la realpolitik. Toutes les guerres y passent, mondiales ou internes : la Deuxième, la froide, la Corée, le Vietnam, les luttes pour les droits civiques, les Black Panthers et le Weather Underground.

Au rythme de la préparation du thé et des beignets aux pommes, Jean explique les choix de vie et les engagements des uns et des autres, et Kate écoute, en se demandant en arrière-plan pourquoi Jean l'a choisie comme confidente, elle dont la vie est à la dérive, dépourvue de sens, qui n'a fait d'autre choix que celui de ne pas vraiment en faire.

Au fil de ces histoires, le temps s'arrête : Jean retourne dans le passé pendant que Kate met le chaos de sa vie sur pause. Raconter ces histoires, vraies ou fausses, les transmettre comme ce qu'on a de plus précieux, se libérer enfin des secrets qu'elles renferment. Les écouter, vraies ou fausses, pour s'en nourrir, se guider, se réchauffer, soigner ses blessures, revivre malgré les cicatrices.

Pour le lecteur aussi, le temps s'arrête : on respire, on lâche prise, on se retrouve un peu en Jean ou Kate, on prend un thé et un cookie, on s'en réconforte, on oublie le monde réel, puis la dernière page tournée on y revient, avec l'espoir que la réalité soit à la hauteur de la fiction, avec l'espoir de connaître un jour une telle amitié inconditionnelle, de trouver un tel baume qui apaiserait toutes les blessures.

"Le bruit du dégel" est un roman magnifique, doux et triste. Sa trame paraît banale, pourtant les personnages sont complexes, tous attachants. C'est bien plus qu'une histoire d'amitié, il y est question de transmission, d'histoire des USA, de loyauté, de sincérité, de choix et d'engagements, de solitude et de carapaces de protection.

D'ailleurs, le bruit du dégel, de la glace qui craque, ne serait-il pas le même que celui d'un coeur qui s'ouvre et fend l'armure ?

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Ce que j'ai ressenti:

*Etre sauvée par des histoires…
Kate, jeune femme en pleine étude cinéaste, est en souffrance, perdue dans un brouillard alcoolisé, à la dérive même de sa propre vie…Et un jour, elle rencontre Jean Culver une vielle dame, un peu singulière….Dans un échange implicite, elles décident de se voir plus régulièrement. L'une et l'autre, se sauvant grâce à leurs histoires et une bonne dose de chaleur…Que c'est joli de voir naître une amitié aussi désintéressée avec ces deux femmes si solitaires…

John Burnside a un pouvoir magique: c'est un conteur hors pair, il nous raconte la vie dans toutes ses contradictions, sa beauté et ses horreurs, avec une pointe de philosophie positive…Toute en quiétude, et autour de boissons chaudes réconfortantes, il nous crée une atmosphère suave où deux femmes, de générations et destins différents, se lancent à l'assaut de leurs souvenirs…C'est d'une douceur exquise d'avoir à contempler un peu de ce temps suspendu, et apprécier leurs échanges faits de tendresse et d'empathie.

« Il me semblait comprendre. Premier et second amours. Et derniers amours, sans espoir. Tout ça, c'était de l'amour en fin de compte. »

*…Dans les strates de souvenirs…

On traverse par les sillons de la mémoire de Jean, tout un pan d'Histoire américaine où la guerre et ses aléas ont fait des ravages, tandis que dans ceux de Kate, on frôle toutes les inquiétudes de la jeune génération, complètement anéantie d'aspirations…Un tissage de liens et d'expériences personnelles qui mêlent Passé et Présent, chacune devenant un réceptacle d'émotions vives, mais dans leur entente tacite, toujours cet élan commun, d'espoir, ce rêve de futur meilleur…Hantées toutes deux, par des fantômes, elles vont danser, rire, pleurer, partager autour de ses restes de peines dans une ambiance cocooning tout en savourant des douceurs sucrées. Les résidus de ses douleurs, en ont fait des femmes fortes mais fragiles, solitaires mais aimantes, merveilleuses mais écorchées à jamais…

« Les seuls fantômes qui reviennent hanter leur ancien monde sont les esquintés et les malfaisants. »

*…Par une force tranquille…

John Burnside a une plume sensible et poétique, où l'on ressent une sagesse apaisante. Il a réussi à me captiver dans toutes les nuances de calme et d'ondes de bonheur à saisir, avant l'inévitable… Il se dégage comme une force tranquille dans ce roman, de se recentrer sur l'essentiel pour mieux apprécier, dans un silence, le bruit du dégel et les plaisirs simples de la vie. En somme, juste se poser, écouter, apprendre des anciens, boire un thé chaud, Faire des beignets et fendre du bois, comme ligne de conduite. J'ai adoré cette lecture parce qu'elle se joue du temps, de nos tourments, de nos peurs enfouies, alors qu'il est si facile de se faire chauffer un peu d'eau, y jeter un sachet d'herbes aromatiques et de lire, un bon livre…

Un bon livre comme, le bruit du dégel de John Burnside, fraîchement sorti pour la rentrée littéraire 2018…



« Quand on entrevoit l'ailleurs, même brièvement, personne ne pourrait nous tenir rigueur de penser que le bonheur et le temps sont une seule et même chose. »

Ma note Plaisir de Lecture 9/10
Lien : https://fairystelphique.word..
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Kate Lambert, la narratrice à la première personne, a lâché ses études et se noie dans l'alcool depuis la mort de son père. Passionnée de cinéma, elle vit avec Laurits, apprenti cinéaste assez imbu de lui-même et remarquable égoïste. À l'occasion d'une enquête qu'elle mène pour nourrir un des films du jeune homme, Kate rencontre une vieille dame, Jean Cluver. Cette dernière promet à Kate de lui raconter l'histoire de sa vie si elle reste sobre pendant cinq jours… Leurs rencontres vont rythmer le roman.
***
Dans ce curieux roman, John Burnside prend le pari d'une narration complexe qui m'a parfois semblé artificielle. La plupart du temps, Jean raconte sa vie à Kate, mais elle va aussi lui répéter des histoires que des proches lui ont racontées. On a donc parfois trois « niveaux » de narration : quelqu'un a raconté à Jean des histoires qu'elle-même répète à Kate qui en devient le relais pour le lecteur... Dans ces moments-là, j'avoue avoir un peu décroché ! Cependant la plus grande partie de ce roman, le Bruit du dégel, est vraiment prenant. Les anecdotes de Jean, parfois de véritables aventures, parfois de terribles drames, attisent l'intérêt en permettant de revoir une bonne partie de l'histoire américaine du XXe siècle sur trois générations : celle du père de Jean, la sienne propre et celle de ses neveux qui sont un peu plus âgés que Kate. On abordera ainsi des thèmes touchant le respect des droits, l'immense choc que provoque le meurtre d'un proche et ses conséquences, la Deuxième Guerre mondiale, la bombe atomique, la guerre du Vietnam (l'horreur de My Lai), les réfractaires et les déserteurs, l'engagement protestataire, l'homosexualité féminine, etc., et comme un des motifs récurrents, le racisme omniprésent qui fait écho aux événements actuels. le plus remarquable dans ce texte, c'est pour moi l'écriture. John Burnside est un poète, et il a assurément apporté un grand soin à cette prose. En passant, coup de chapeau à la traductrice, Catherine Richard-Mas, qui a su faire passer en français la beauté, l'originalité et la singularité de l'auteur. On trouve là une musique particulière. J'ai emprunté ce livre, mais je l'achèterai sans doute : j'éprouve le besoin de revenir picorer dans cette prose que j'aimerais savourer de nouveau.
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Le précédent roman de John Burnside, "L'été des noyés", une plongée contemplative dans la lumière rasante du nord de la Scandinavie m'avait laissé sans voix.

Je me suis donc précipité sur « Le bruit du dégel », un roman qui se déroule cette fois aux Etats-Unis, même si on ne s'en rend pas vraiment compte.

Le dernier livre de John Burnside est souvent étrange, parsemé de moments de poésie pure et entremêle plusieurs histoires situées dans différentes temporalités. le lecteur ne sait parfois plus quelle est l'Histoire que raconte le livre, mais n'a pourtant jamais le sentiment d'être perdu.

« Le bruit du dégel » nous narre une rédemption qui commence par la rencontre improbable entre une jeune fille en deuil, paumée, alcoolique et une vieille dame anticonformiste qui fend du bois à ces heures perdues.

Très vite, le roman nous emporte dans un tourbillon narratif très maitrisé, mêlant le présent vécu par la jeune narratrice, et les histoires passées que raconte la dame d'antan. La jeune héroïne nous fait ainsi partager ses études plus ou moins assidues consacrées au septième art, ses fêtes aussi turbulentes qu'enfumées et sa vie commune avec un cinéaste avant-gardiste, prétentieux et attachant, imposteur et génial. En parallèle, la vieille dame nous conte des histoires qui paraissent de prime abord enfouies dans un monde suranné. Malgré la pudeur, le flou, la délicatesse, ces histoires vont devenir de plus en plus troublantes et consistantes, et vont faire ressurgir un passé que l'on pensait à tout jamais révolu.
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Il y a des livres dont on parle peu, sans presque aucune publicité mais dès qu'il croise votre route vous n'avez qu'une envie c'est de le lire, il vous parle, vous attire. Ce fut le cas pour le Bruit du dégel. Je n'en ai entendu parler qu'une fois lors d'une présentation en librairie lors de la rentrée littéraire de Septembre l'année dernière, noté aussitôt pour ne pas l'oublier. Nous avions rendez-vous.

Kate Lambert est une jeune femme paumée, elle a perdu son père il y a 18 mois, brutalement et depuis sa vie est un grand n'importe quoi : alcool, drogue, sexe, elle vit en colocation avec Lauritz, un ami, un amant qui se dit anthropologue et qu'elle seconde dans ses travaux de recherche pour la réalisation de films. Sa mère ayant disparu alors qu'elle avait 6 ans, elle n'a personne sur qui compter, se référer.

Loritz lui ayant confier une enquête : rencontrer des personnes et leur faire raconter leur histoire, et c'est lors d'une de ces enquêtes qu'elle va croiser la route de Jean Culver, une femme de 70 ans, un peu garçon manqué qui va lui proposer un deal : Une semaine d'abstinence d'alcool et drogue et elle lui raconte son histoire, ses histoires.

Elles n'avaient rien en commun en apparence et pourtant débute entre les deux femmes une magnifique histoire d'amitié. Oui en apparence car finalement elles ont toutes les deux connu des deuils, des absences et la plus âgée des deux va se lancer dans l'évocation de sa vie mais qui est également l'évocation de moments importants de l'histoire de l'Amérique avec ses guerres et leurs impacts sur la vie ceux qui y ont participé, que ce soit la seconde guerre mondiale ou la guerre du Vietnam mais également les luttes internes au pays.

Jean Culver est une femme fidèle en amour, en liens familiaux, tout ce qui manque à Kate finalement. Peu à peu celle-ci va se reconstruire, rencontre après rencontre, que ce soit au Territoire Sacré, le café où Jean a ses habitudes mais aussi dans sa maison, ce lieu plein de charme, à l'image de cette femme à la vie pas ordinaire.

J'ai beaucoup aimé l'écriture de John Burnside, cette façon de nous laisser croire qu'il nous emmène dans une banale histoire d'amitié comme il en a tant été racontée pour finalement lever le le voile sur les petits « clichés » de la vie de Jean Culver. Celle-ci nous raconte son Amérique à elle, à travers les gens qu'elle aime, qu'elle a aimé mais aussi avec Kate, tellement détruite, abîmée, au bord du précipice et qui va trouver en Jean Culver une sorte de précepte, de guide qui va l'aider à redonner du sens à sa vie car elle r a su détecter en Kate l'étincelle qui couvait dans le vide de sa vie.

L'auteur a construit son roman par bribes d'histoires, une sorte de puzzle où chaque pièce prend sa place, mêlant présent et passé, s'attardant sur le côté psychologique des personnages, les répercussions de leurs choix, de leurs prises de position politique sur leurs existences.

Je me suis installée avec elles, entre thés, tisanes et gâteaux et j'ai écouté Jean Culver se raconter et ses récits ont eu également un écho en moi. C'est une lecture douce mais ferme entre parenthèses avec un conteur exceptionnel, jamais ennuyeux, parsemant çà et là son récit de contrastes comme ceux qui existent entre les deux femmes, mais aussi des petits moments de l'existence, de rencontres, d'état d'âme

Il y a des personnes faites pour se rencontrer, Kate et Jean en font partie : l'une parle, se dévoile peu à peu mais entretient le mystère, l'autre écoute, apprend, comprend, analyse. Peu à peu un lien silencieux va s'installer et permettre à chacune de tenir debout, de se libérer, de fendre l'armure. Il n'y a pas de petites histoires ici, ce qu'a vécu Jean c'est l'histoire d'une femme du 20ème siècle dans une Amérique qui a elle-même ses blessures, ses failles et ses guerres internes, comme Jean.

Kate s'est laissée prendre à un monde froid et artificiel, comme dans une gangue de glace et Jean va la réchauffer, lui ouvrir les yeux et le coeur et lui montrer que malgré les épreuves, malgré les séparations et les pertes, il faut garder foi en la vie, goûter à chaque moment qui passe :

"Je m'éveillai et restai immobile, aux aguets. J'avais entendu un son dans mon sommeil, un son assez proche d'une musique pour me réveiller (…) Tout ce que je perçus d'abord, ce fut le bruit de la glance en train de fonde qui gouttait de l'avant-toit, puis je me rendis comte que c'était précisément ce que j'écoutais dans mon rêve. C'était ça. Rien de plus. le bruit du dégel. Une sorte de musique. Une fin, et un commencement. Ici, et ailleurs. (p360)"

On voudrait tous rencontrer une Jean sur notre route, qu'elle nous raconte à la manière de Shéhérazade mille histoires pour nous réconforter, nous soigner mais comme cela, l'air de rien. Quand elle pose sa hache de femme forte et déterminée on découvre qu'elle porte également des faiblesses, une faiblesse dont elle n'a jamais pu guérir.

Mon premier John Burnside mais sûrement pas le dernier, tellement j'ai aimé sa plume qui nous emmène sur un chemin que lui seul connaît, il brouille les pistes mais connaît le but. Il mêle avec habilité fiction et événements historiques, pour en faire un roman contemporain dans lequel on se plonge sans retenue, on devient témoin dans l' histoire, on a de l'empathie pour ses personnages et on ne les quitte qu'à regret.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Ce roman est tout d'abord celui d'une rencontre entre deux femmes. L'une au printemps l'autre en hiver. Jean "était quelq'un qui avait fait la paix avec le monde selon ses propres termes, quelqu'un qui avait cessé de se proccuper des détails pour se concentrer sur l'essentiel." Kate, étudiante en cinematographie mais surtout jeune femme perdue qui n'a plus aucun repère de ce qui est essentiel pour elle depuis la mort de son père...mais pas seulement. Elle s'embrume l'esprit avec l'alcool.
Parce qu'un jour elle frappe à la porte de Jean pour lui poser des questions dans le cadre d'un travail qu'elle mène pour son petit ami cineaste
, Jean va lui livrer jour après jour son histoire . En remontant le cours de sa vie elle va lancer un fil d'Ariane à Kate pour qu'elle remonte à la surface. Mais ce canevas n'est peut-être qu'un prétexte pour John Burnside afin de revisiter une autre histoire,celle du rêve américain. Il interroge avec un regard critique bons nombres de sujets qui sont d'ailleurs pour la plupart universels: la guerre, l'amour, la famille,le couple etc. C'est un livre tourmenté car, qu'il s'agisse de l'Histoire ou des histoires individuelles on y trouve la quête de sens, la souffrance,la perte et la difficulté ou la nécessité de reconstruire les souvenirs pour se faire sa propre histoire de la vie, sa vie. Les nombreuses références cinématographiques sont un plus pour les cinéphiles.
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1999 aux Etats-Unis. Kate Lambert est une étudiante en arts visuels, de 20-25 ans. Suite au décès brutal de son père, elle fait une dépression et sombre plus ou moins dans l'alcoolisme. Elle vit en colocation avec un autre étudiant en cinéma qui a de vagues projets . Elle survit et fait des enquêtes de voisinage pour lui. C'est dans ce cadre qu'elle rencontre Jean Curver, une vieille dame qui vit seule dans une maison en lisière de forêt et coupe elle-même son bois. Elles échangent quelques mots puis Jean lui propose de lui raconter sa vie 5 jours plus tard, à la condition qu'elle reste sobre. Kate, très curieuse, va arrêter de boire et les feux femmes vont créer des liens et devenir amies après plusieurs thés ou tisanes et bonnes pâtisseries.
C'est un très joli roman, proche de la poésie par moment, assez original, qui illustre l'importance des relations humaines et de la parole.
Le meilleur roman que j'aie lu pendant mes vacances. Un auteur à découvrir, pour moi.
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