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EAN : 9782360840038
500 pages
Actes Sud (02/01/2019)
3.17/5   9 notes
Résumé :
Dans la « Maison noire », Gretch Gravey rassemble des adolescents mâles, dont il fait des disciples consentants, prêts à l'aider à accomplir son grand dessein : Darrel, la voix qui parle en et par Gravey, veut que toute la population américaine disparaisse, et ainsi il pourra advenir. Les garçons l'aident à kidnapper des femmes du voisinage qu'ils tuent et enterrent au sous-sol. Butler nous livre un roman d'horreur fantasmagorique d'une exceptionnelle brutalité. Le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Personne ne m'oblige à le faire, bien sûr, mais je ne sais pas s'il est nécessaire d'avoir à expliquer pourquoi vous devriez lire un livre qui contient la phrase "La maison avait vieilli. Les garçons avaient vieilli. J'étais bien. Les miroirs de la pièce nous contenaient, chassaient le jour. J'ai vomi de l'eau, et nous avons bu."
Quoi que vous puissiez attendre de ce roman, ce n'est absolument pas ce que vous pensez qu'il est.
300.000.000 est dense, très dense, aussi bien dans sa lecture que dans la compréhension - et la prononciation même - de chacune de ses phrases. Ouvrez-le, n'importe où, et essayez de lire une phrase à voix haute. Mais il aussi dur et déchirant. Il n'est pas fait pour ceux qui ont besoin d'une histoire axée sur une intrigue qui nous amènerait aux gagnants habituels.
Blake Butler ne se soucie que de la langue, du sang, et du stupre.
Le roman m'a emmené dans une violence apocalyptique dont on ne peut pas se remettre facilement. le roman qu'aurait pu écrire Samuel Beckett s'il avait rencontré Jason Hrivnak. le meilleur des cauchemars, et pour longtemps.
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L'américain Blake Butler, outre sa chronique dans le magazine VICE, a déjà a son actif plusieurs ouvrages tels que There is No Year ou Sky Saw. Son dernier livre en date, 300 Millions, est un pavé de 550 pages hallucinant et halluciné magistralement traduit par Charles Recoursé et audacieusement publié par les éditions Inculte. Surréaliste de la chair et écrivain post-moderne, Blake Butler s'aventure dans les tréfonds de l'homme et de l'Amérique pour en tirer un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) qui cite ouvertement l'Infinie Comédie de David Foster Wallace ou American Psycho de Bret Easton Ellis. L'art du grand écart mais surtout le sourire carnassier d'un artiste-gourou qui risque bien de vous briser les rotules en cours de route.

Dans la maison de Darrel
Tenter d'expliquer 300 Millions à une personne qui n'en a lu aucune page n'est pas une mince affaire. Raccrochons-nous d'abord à ce que nous pouvons.
Dans l'Amérique d'aujourd'hui, un policier appelé E.N. Flood enquête sur des meurtres ignobles commis par un mystérieux gourou cannibale appelé Gretch Gravey et vivant reclus dans un endroit connu sous le nom de Maison Noire. Aidé par de jeunes garçons en quête de vérité, Gravey a eu la (bonne ?) idée d'écrire ce que l'on pourrait qualifier de mémoires dans un carnet justement retrouvé et annoté par l'inspecteur Flood. C'est ainsi que débute 300 Millions, alternant les divagations de Gravey et les annotations de Flood ainsi que de diverses autres personnes (notamment des victimes-bourreaux de Gravey et autres anonymes ayant participé de près ou de loin au massacre). Immédiatement, 300 Millions agit comme un piège à ours dont les mâchoires seraient la langue et l'univers. Blake Butler ne fait aucune concession au lecteur pour pénétrer dans son univers baroque et torturé qui l'entraîne au coeur de la folie et de l'horreur la plus totale. Entre les délires enfiévrés de Gravey, on devine des atrocités à peine croyables et la formation d'une communauté de fanatiques dédié à l'avènement d'un dieu nouveau appelé Darrel. Les visions d'horreur s'entassent et finissent par déborder…jusque dans l'esprit de Flood lui-même. Petit à petit, l'entreprise de décryptage chavire et le lecteur suit, impuissant, s'enfonçant plus loin encore dans cette fameuse Maison Noire et la folie qui y règne.

Cryptique en Sod majeur
Alors que Blake Butler recycle les obsessions de l'Amérique pour les sectes, la violence, le sexe et le religieux, 300 Millions accumule les folies et les superlatifs, le langage dégueulant littéralement des pages pour venir submerger tout ce qu'il touche, brisant le quatrième mur et menaçant la santé mentale du lecteur lui-même. Alors que l'on croit avoir passé le plus difficile en refermant le journal de Gravey, on se rend soudain compte qu'il ne s'agissait là que d'un début, d'une mise en bouche. Dans une seconde partie toujours plus claustrophobique et paranoïaque, l'américain emmène son inspecteur Flood à l'intérieur de l'Antre de la Folie, quelque part sous la Maison Noire, dans ce que Gravey appelle la Cité de Sod. Ici, les visions à la Jheronimus Bosch côtoient les pires folies carnassières d'un Clive Barker et la cruauté d'un Jason Hrvinak. Un mélange détonnant et écoeurant qui devient de plus en plus difficile à encaisser au fur et à mesure des pages. Blake Butler use et abuse de leitmotivs tous plus étranges les uns que les autres, de mots-obsédants et de termes récurrents qui incarnent la folie croissante de Flood perdu dans le labyrinthe de son propre esprit. Maison. Oeil. Blanc. Mouillé. Sternum. Dieu. Darrel. Mère(s). Garçons. Sexe. Blake Butler tend des miroirs de miroirs de miroirs, s'essaye aux énumérations sans fin et laissent le lecteur s'en dépêtrer comme il peut, proche de l'asphyxie totale, pris à la gorge. Cette stratégie hautement risquée rend son histoire de plus en plus hermétique à mesure qu'elle progresse.

De l'autre côté du miroir
Car une fois que l'on a compris que Flood est peut-être Gravey et que Gravey est peut-être Flood et que Flood est peut-être Darrel… On s'aperçoit que l'on navigue en plein milieu d'un réel qui se brise avec la psyché de ses personnages. Et si tout cela n'existait pas comme le suggère des notes de bas de pages de certains collègues de Flood ? Si l'enquête n'avait jamais eu lieu et que tout arrivait dans le cerveau malade de l'inspecteur ? À moins que l'arrestation de Gravey ne soit en réalité que le prélude à l'Apocalypse ? Les hommes commencent à mourir et à s'entretuer, le sang inonde le monde, la folie se répand comme un virus et toutes les choses réelles perdent leur sens, jusqu'aux mots qui s'accouplent sans raison, formant une déconstruction langagière impressionnante qui sape nos derniers points de repères. À chacun des cinq chapitres de 300 Millions, le lecteur chute d'un niveau dans l'horreur et l'incompréhensible, alternant apocalypse et post-apocalypse, romance meurtrière et confessions schizophréniques, message divin et appel aux meurtres de masses, critique capitaliste féroce et glorification du néant. le roman de Butler n'est pas sans rappeler la fameuse Maison des Feuilles de Mark Z. Danielewski, au moins dans sa forme et dans sa façon de brouiller les pistes, sauf que quelque part en cours de route, l'américain pousse la chance trop loin et que son petit-jeu de cache-cache mental finit par se mordre la queue. Après 450 pages éreintantes, le récit tourne totalement en rond (et à vide) enchaînant les péripéties incompréhensibles et répétant ad nauseam les mêmes itérations/gimmicks. Cela ne l'empêche pourtant pas de marquer son lecteur au fer rouge grâce à des fulgurances incroyables qui tapissent l'esprit malade de Flood/Gravey. La violence du texte et des images suscitée ne laissera personne indifférent mais il faut être prêt à s'abandonner à un récit souvent abscons, parfois illisible et rarement compréhensible. Comme le cauchemar d'un drogué en phase terminale ou le cerveau mité d'un serial-killer en plein délire mystique. Vous voilà prévenus, 300 Millions ne vous veut pas du bien et Blake Butler ne vous prendra jamais par la main.

Exercice monstrueux et intense, 300 Millions éreinte son lecteur autant qu'il l'émerveille, le consume autant qu'il le foudroie. Blake Butler finit peut-être par devenir totalement hors de contrôle et incompréhensible mais il parvient dans l'intervalle à dresser un univers où la folie devient la norme et où le langage suinte de tous les pores, de toutes les pages, de toutes les couleurs.
Une expérience totale, radicale et définitive.
Lien : https://justaword.fr/300-mil..
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Je pense que je vais abandonner... une première pour moi....je viens de rencontrer grâce à ce livre ma propre limite en tant que lectrice. Limite autre que le sujet ou le style, c'est au-delà, limite physique et psychologique ...
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Ce livre incroyable, violent, effrayant, que j'avais commencé en anglais mais n'avais pu finir à cause de son poids psychologique (le français ayant pour cela au moins le mérite d'avoir ce côté réconfortant de la langue maternelle), j'ai le plaisir de pouvoir le lire aujourd'hui dans la traduction admirable de Charles Recoursé parue aux @editionsinculte au début de l'année.
Sur fond de thriller apocalyptique, Blake Butler réussit une mise en abîme vertigineuse, véritable tour de force littéraire: le langage lui-même s'autodétruit et est gagné par la folie de la même manière que la population américaine, contaminée par la violence et pour laquelle l'anéantissement devient la seule chose possible.
On est pris dans un tunnel bourdonnant qui n'est pas sans rappeler les chocs esthétiques d'un Gaspar Noé.
Cette lecture est éprouvante, mais nécessaire.
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D'un gourou serial killer à une apocalypse américaine, ou comment emprunter un labyrinthe rusé pour évaluer la contamination du langage par la violence. Énorme.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/06/13/note-de-lecture-300000000-blake-butler/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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critiques presse (1)
Liberation
23 avril 2019
300 millions, sorti en 2014 aux Etats-Unis, se distinguent par son ambition infernale et sa radicalité [...] Ce roman sidère par sa forme, sa langue, sa violence.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
FLOOD : Whether Gravey is using this opening disorientation voice as a way of disclaming his own actions I am unsure. He seems sometimes to be speaking directly to the reader, while at other times at ou or through you or around you; perhaps, forgive me, inside you. Frequently one gets the sense of several of these modes in play at once. There are as well perhaps still other modes I’ve yet to consider, though I hope that in my exploration of his words I can begin to draw out what lies underneath. Unfortunately, my transcription here removes the context of Gretch Gravey’s particularly mangled/child-eyed/dogshit handwriting, which even after just minutes of staring at gives me a fever.
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La graine s’est immiscée dans nos maisons, nos peintures et nos câbles. Elle s’est enroulée autour de notre esprit et elle a fait surgir du vernis un fantasme interne, au sein duquel nous demeurerons à jamais dans la peur : unis à la Terre du Néant. La nuit s’effondrant sous elle-même. Laissant un trou à l’endroit où nous étions plus grands que notre époque. Entre l’heure où la lumière revient à nous et le reste de notre point actuel dans cette Dévoration, tout le monde doit mourir en Amérique, doit être tué sans retard et de nos mains. C’est là que nous commencerons à devenir.
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Elle avait un autre ventre sur elle, le trimestre d’une autre personne. Sa courbure était complexe et stupide et me suppliait de l’embrasser. En le faisant, j’ai entendu ses autres enfants dans la chambre qui crevaient à l’intérieur de leurs rêves quand un mot envoyé par les câbles de mes lèvres dans leur nouveau frère a lancé de larges sabres noirs dans leur sommeil, et ensuite leur sommeil a continué pour toujours. Chacun de leurs derniers cris étaient plus divertissant que tout ce que j’avais pu louer dans ma vie.
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Alors devant moi j’ai vu la maison où j’avais vécu. Où nous avions vécu notre vie ensemble. Les murs étaient les murs qui nous avait servi à repousser la nuit. Ils étaient colorés, comme tous les autres murs de toutes les maisons, mais à travers ceux-ci je sentais respirer ce qu’il y avait eu de nous qui demeurait toujours. Cela s’ouvrait autour de mon esprit comme la fonte d’une glace ancienne. La maison vibrait contre moi, contre le sol. Alentour, le reste du monde semblait s’assombrir, se flouter, se défigurer.
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He who brought me brightest in the image of the human toward god was a series of shapes I knew as Darrel, though quickly I would come to see that’s not his name. His name had squirmed as any word, appearing burned into the pages of the unholy books composed alone in pens and tongues by men before we were we, beneath a sky propped up with our lunchmeat flab asleep and praying. Each syllable in how anyone would say his name would deform itself depending on whose mouth was being used, and so the name could lace within all language. His name appeared inside all ageless rails of light, invoked malformed in the mouths of all as corporations, entertainments, narcotics, art. But with my human mouth I called him Darrel, after the son I’d never have.
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