QUARTIER GÉNÉRAL DE LA DOULEUR
4. MORPHINE
Je contemplais un monde intime
peuplé d’images mutilées.
Soumis à une violence impétueuse
les nuages voguent lentement vers moi.
Et dans ces nuages dispersés
en grand désordre,
les gnomes du demi-sommeil
jouent une sombre comédie.
Les bras pendaient et s’étaient décrochés
de leurs attaches
et les jambes avaient une volonté bien à elles.
Avec le glaive étincelant de mes yeux ouverts
je m’ouvris un chemin parmi les gnomes du demi-sommeil
qui attaquaient ma tête — forteresse sans défense.
Il y eut un flottement, une hésitation,
puis les gnomes voguèrent vers l’infini
sur un rayon de soleil.
Ils revinrent, ayant apporté
de mes nouvelles à l’infini,
et je fus bercé de nouveau vers un sommeil décousu.
(Janvier 1925)
MENSONGES COLORIÉS
II
Les hommes s’habillent de bleu, de noir, de gris
Et ce sont les trois couleurs du ciel.
La haine, l’amour et la bonté se mêlent dans l’espace
D’une veste boutonnée sans grâce.
Car le ciel
Regardera
Si doucement vers le bas
Et à ces hommes demandera le comment et le pourquoi,
Alors ces choses minuscules affairées sous une veste
Cacheront leur mécontentement,
Et s’en iront en rampant
Vêtues de bleu, de noir, de gris —
Ce mensonge tricolore
Trahit
Le grand ciel innocent, qui regarde gentiment…
Oh, cette intrusion
Sèmerait la confusion
Dans la poitrine de ces hommes
Qui s’en vont en rampant
Cuirassés de mensonges en noir, en bleu et en gris.
Janvier 1918)
/Traduit de l’anglais (États-Unis), par Jacqueline Lavaud
MENSONGES COLORIÉS
I
En long alignement les maisons
Ont le visage rouge, brûlé par le vent.
Cercueils d’air figé
Au regard lourd, stupide,
Elles font signe aux vents qui leur soufflent
Au visage une joyeuse injure —
Vieilles filles
Ravalant dignement leur haine
Face à l’allure impudique
De grandes jeunes filles aux jupes virevoltantes.
Elles ont le visage rouge, brûlé par le vent.
Souriant,
Elles essaient dignement
De faire un mensonge rouge
Juste un instant
En long alignement
Tandis que soufflent les vents.
(Janvier 1918)
/Traduit de l’anglais (États-Unis), par Jacqueline Lavaud