Gianrico Carofiglio, procureur, ancien Sénateur, conseiller du comité anti-mafia au Parlement italien, sait de quoi il parle.
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Il délaisse son héros récurrent, Guido Guerrieri, avocat solitaire, décalé, boxeur à ses heures perdues, grand lecteur aux heures… gagnées, pour nous livrer sous forme de dialogue avec une Juge, la confession de Lopez, mafioso «repenti » parce qu'en danger de mort : le petit garçon du chef du clan rival a été tué malgré le paiement de la rançon sollicitée, et Lopez, soupçonné d'avoir commis cette atrocité, est en ligne de mire.
Des crimes, Lopez en a commis beaucoup, mais pas celui-là.
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Le livre oscille donc entre le récit de Lopez, et l'enquête menée par
Fenoglio, carabinier désenchanté.
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La partie « mafia » s'inscrit dans l'été 1992, qui fait suite à l'assassinat du Juge Falcone, les attentats, le début de la fin pour la mafia des Carleonesi.
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La partie « enquête » est plus classique,
Fenoglio ressemble étrangement à Guido Guerrieri, l'humour en moins. Mais c'est le sujet qui veut ça, la mafia, la mort d'un enfant… C'est L'été « froid », allusion à la météo, qui se cale, dans le roman (pas si romancé que ça) sur les aveux terribles et l'élucidation clinique de la mort du petit. Froid. Glacial.
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Glacial, mais pas seulement. Les tirades de
Fenoglio « diffusent » ce qu'il faut de chaleur et d'espoir.
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(Dialogue entre le capitaine et
Fenoglio)
« - (Le capitaine) Je ne pense pas que je serai officier des carabiniers toute ma vie. Je me suis retrouvé là par hasard mais, dès le départ, je me suis dit que je n'étais pas fait pour ça.
- (
Fénoglio) C'est peut-être de la philosophie de bas étage, mais moi, je crois que certains métiers devraient être exercés par ceux qui ne se sentent pas faits pour ça, pour employer votre expression. Se sentir un peu déplacé rend plus vigilant. Par exemple, quelqu'un qui se sent totalement fait pour ça ne remarque pas l'absurdité de la manière dont nous rédigeons les procès-verbaux. Il ne remarque pas les détails importants. »
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(Dialogue entre la Juge et
Fenoglio)
« - Vous aimez être carabinier ?
- Il y a beaucoup de choses que je n'aime pas, dans le métier. Mais il y en a aussi d'autres qui me plaisent.
- Qu'est-ce que vous n'aimez pas ?
- Je n'aime pas la brutalité. Je n'aime pas les abus, surtout ceux qui sont commis au nom d'une prétendue justice. Je n'aime pas certains de vos collèges, et il y a beaucoup d'avocats que je n'aime pas non plus- mais en revanche, il y en a que j'aime beaucoup- , je n'aime pas la hiérarchie et je n'aime pas certains officiers. Evidemment, je n'aime pas les délinquants. Certains sont vraiment répugnants.
- Il doit y avoir quelque chose que vous aimez vraiment beaucoup, pour compenser tout ça.
- J'aime découvrir ce qui c'est passé - dans les limites du possible. J'aime que les gens me fassent confiance et décident de me raconter ce qu'ils savent, même dans les situations les plus inattendues. J'aime quand ce que je fais - ça arrive parfois- rend un peu de dignité à la personne qui l'a perdue. Cela donne un sens au chaos. Et puis j'aime certaines personnes avec lesquelles il m'arrive de travailler. Certains de vos collègues, certains des miens. Quelques repris de justice aussi, il y en a qui sont sympathiques.
(Il fit une pause, étonné de ce qu'il venait de dire.)
Quelle petite tirade pathétique !
- Non. Pas du tout. J'aime bien ça l'idée de donner du sens au chaos. »