Je ne suis pas certain d'avoir tout compris à ce roman torrentiel, picaresque et érudit, où les mystiques, médiévale européenne, tibétaine, chinoise, se mêlent aux visions hallucinées d'un dealeur charmant au nom tiré de Cendrars, d'un jeune linguiste chinois et d'une informaticienne amoureuse. Ces trois héros, à grand renfort de rock'n roll, de jeux sublimes de guitares, et de jeux luxueux de lumières et de Lumière divine et incréée, contribuent à une heureuse destruction anarchiste du monde, dont on ne sait si elle a vraiment lieu dans l'espace fictif du roman ou dans leur imagination. Le texte est drôle, la jouissance verbale du narrateur y est sensible à chaque ligne, ce qui rapprocherait ce livre de ceux de Céline ou de Rabelais, et l'éloignerait des codes classiques du roman. La science qui s'y déploie est prodigieuse : certains ont pensé que Patrick Carré est de la stature d'un Umberto Eco. Il est à mon sens supérieur à Eco, car il n'a (presque) aucun souci de prêcher la bien-pensance officielle dans ses textes. Mais on reste perplexe (ce qui n'est jamais le cas chez Eco, qui adhère toujours à l'idéologie du moment) et il n'est pas sûr que ce roman vaille la peine d'être relu.
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Une couverture moche (en livre de poche), un titre pour le moins pas attirant, si ce n'avait été un livre de Patrick Carré, je ne l'aurais pas acheté.
Ajoutez à cela, un début de livre, trés difficile, à la limite de l'hermétique, il faut un sacré courage pour continuer.
Et pourtant, on est peu à peu happé par la magie presque incantatoire du livre. de la Chine, au Tibet, un voyage hallucinogène et déjanté, une rencontre improbable, des trips inouïs, le tout dans une langue poétique et imagée.
La course à la clef des langues, à l'infini, à l'incompréhensible, émaillée de courts textes sur Roger Bacon en prison au 13° siècle et sur son maître, Robert Grosseteste.
En fait le livre est magique, quelquefois, il faut relire pour comprendre (et on ne comprend quand même pas tout).
Reste un final grand-guignol en guise d'explications, qui à mon avis gâche l'aspect magique du livre.
Un livre en tous cas que je range dans les livres à relire un jour.
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- Liu Zhan m'en a parlé : il tenait particulièrement à ce que son fils voyageât en votre compagnie, monsieur Moragine.
- Mais comment me connaissait-il ?
- ça, je ne le lui ai pas demandé.
- Je ne l'ai jamais rencontré, ce Liu Zhan, et lui n'a aucune raison de connaître mon existence. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
- Le Complot, cher ami, le Complot : tout le monde surveille tout le monde et personne ne voit jamais rien... Tenez, moi qui vous parle, eh bien, je ne vous ai jamais vu.
p. 161
(Devant un jury de thèse "populaire").
- Nous ne sommes pas ici pour justifier du bon sens, camarade, mais pour vous y ramener ...
Liu Gao voulut crier "connerie", puis il se souvint que l'homme de bon sens était capable de tuer un enfant qui criait "liberté".
p. 46
La jeune femme éteignit le poste de télé qui, passé les courses, régressait vers l'agaçante oligophrénie publicitaire des "Y a pas d'lézard" et autres "Avenirs d'avance" : phraséologie de mercantis poétachiers qu'un clic insigne renvoya au noir silence.
p. 250
Maud Simonot "l'Enfant céleste" édition de l'observatoire interviewée par Azélie Carré de la librairie le comptoir des lettres. Rentrée littéraire 2020 librest.com / lalibrairie.com