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Louis Aragon (Préfacier, etc.)Florence de Lussy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070328789
192 pages
Gallimard (23/02/1995)
4.28/5   9 notes
Résumé :
Trente-trois sonnets composés au secret est un recueil de poèmes de Jean Cassou, paru en 1944 sous le pseudonyme de Jean Noir.

Au printemps 1944, durant l'Occupation, est diffusé clandestinement 332 sonnets composés au secret de Jean Noir, présentés par François La Colère et publiés par les clandestines Éditions de Minuit le 15 mai 1944. Il est dédié A mes Compagnons de prison.
Les poèmes ont été écrits (ou inscrits dans la mémoire d'un écrivai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Nous nous sommes déjà attardés sur la création des Éditions de Minuit, fondées clandestinement en pleine occupation en 1941. de ces éditions très spéciales naîtront une grosse vingtaine d'oeuvres, distribuées sous le manteau. de grands noms de la littérature française y participeront sous pseudonymes, dont Louis ARAGON, Elsa TRIOLET, François MAURIAC, VERCORS bien sûr (puisqu'à l'initiative du projet). le seul auteur étranger et d'ailleurs le seul sous son véritable nom sera John STEINBECK (qui refusera par ailleurs de saluer VERCORS car peu voire pas du tout intéressé par la Résistance française du moment, un ange passe…). Derrière ces pseudos celui de Jean NOIR. Sa réalisation tient presque du miracle.

Jean NOIR, c'est Jean CASSOU. Engagé très tôt dans la Résistance, il est arrêté le 12 décembre 1941 et restera à l'isolement jusqu'en février 1942. Durant ces deux mois de détention, il va profiter de ses insomnies (volontaires ?) de manière fort singulière : le papier et le crayon lui étant interdits, il va composer (et non pas écrire) des sonnets dans sa tête, les apprendre par coeur, boulot nocturne et quotidien, deux mois complets de création littéraire, sans prendre une seule note, juste par le travail de la mémoire, un demi sonnet chaque nuit, et ainsi pendant deux mois. Lorsqu'il est libéré, il peut donc enfin noter sur papier tout ce qu'il a « écrit » dans son cerveau.

Écrire c'est bien, publier c'est mieux. Ce sera chose faite grâce aux Éditions de Minuit clandestines qui sortent ce recueil de sonnets le 15 mai 1944, précédées d'une longue préface magistrale, violente, vindicative et lucide de François LA COLÈRE (en fait ARAGON), préface dénonçant les conditions des prisonniers français arrêtés par l'État français (et collaborationniste), elle s'attarde sur le sort des communistes, traités comme des bêtes, n'ayant pas les mêmes droits que les autres incarcérés, n'ayant d'ailleurs quasiment pas de droits du tout. François LA COLÈRE le communiste militant porte bien son pseudo et vocifère avec un style extraordinaire contre les conditions d'isolement, c'est du grand art !

Place aux trente-trois sonnets de Jean CASSOU, qui n'est pas un débutant à l'époque puisque romancier historique, auteur de plusieurs ouvrages, profondément ancré à gauche et révolutionnaire. Je ne vous cacherai pas que ces sonnets, pourtant d'une grande pureté esthétique et littéraire, sont un poil hermétiques pour moi (le manque d'études sans doute, ce fichu travail de l'autodidacte qui ne possède pas toutes les connaissances requises pour analyser correctement pareilles lignes). C'est très beau à lire mais le fond m'échappe parfois, souvent même. Quoi qu'il en soit, ces sonnets appartiennent à l'histoire, à la Résistance, au combat, bien qu'ils ne traitent pas directement de la guerre ni de l'occupation, plutôt de rêves, d'onirisme, mais aussi de sujets plus personnels. La dernière phrase du dernier sonnet résonne comme une lueur visionnaire : « Persiste, et tu seras sauvé ».

Suivent les analyses des sonnets par des spécialistes. Là je décroche complètement, je n'ai ni le vocabulaire ni d'élément de comparaison. Mais en toute fin de volume, une lumière en forme de présentations de poètes de la Résistance : de courtes biographies et extraits d'oeuvres de Paul ÉLUARD, André FRÉNAUD, Robert DESNOS, Louis ARAGON, René CHAR, Georges-Emmanuel CLANCIER. le recueil se termine par une biographie de Jean CASSOU, courte mais intéressante.

Vous l'aurez compris cette réédition de 2016 (et se vendant pour une bouchée de pain) avec suppléments n'est pas accessible au lectorat de base dont je fais partie. Cependant, je suis ravi d'avoir lu ce bouquin pour plusieurs raisons : la préface incendiaire au style grandiose (celle-ci je l'ai comprise !), la condition de composition des sonnets, les activités de CASSOU dans la Résistance, les sonnets eux-mêmes qu'on imagine lus dans la quasi obscurité, se partager au coin d'une ruelle sombre, d'un coupe-gorge, c'est cela aussi la littérature, et ce témoignage doit laisser une trace, pour ne jamais oublier que certain-es ont risqué leur vie pour que nous parviennent leurs écrits. Bien sûr on se souvient d'Ossip MANDELSTAM, ici le travail est similaire même si les conditions sont bien sûr différentes. Ces sonnets font partie de l'histoire de la littérature, la plus obscure, la plus militante qui soit.

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Jean Cassou (1897-1986) a été écrivain, résistant, conservateur de musée, critique d'art, traducteur, et poète français. Pendant la guerre, il a été arrêté pour faits de Résistance. C'est en prison qu'il a écrit ces très beaux sonnets, sombres et puissants, que j'ignorais jusqu'ici. Ils démontrent que la "force de l'esprit" demeure face à la barbarie. Belle découverte pour moi...
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Sonnets d'âme et de convictions résonnant au secret de ces esprits de nuit et de terreurs.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Sonnet VI (extrait des 33 Sonnets composés au secret)


Bruits lointains de la vie, divinités secrètes,
trompe d’auto, cris des enfants à la sortie,
carillon du salut à la veille des fêtes,
voiture aveugle se perdant à l’infini,

rumeurs cachées aux plis des épaisseurs muettes,
quels génies autres que l’infortune et la nuit,
auraient su me conduire à l’abîme où vous êtes ?
Et je touche à tâtons vos visages amis.

Pour mériter l’accueil d’aussi profonds mystères
je me suis dépouillé de toute ma lumière :
la lumière aussitôt se cueille dans vos voix.

Laissez-moi maintenant repasser la poterne
et remonter, portant ces reflets noirs en moi,
fleurs d’un ciel inversé, astres de ma caverne.
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La plaie, que depuis le temps des cerises,
Je garde en mon coeur s'ouvre chaque jour.
En vain les lilas, les soleils, les brises
Viennent caresser les murs des faubourgs.

Pays des toits bleus et des chansons grises,
Qui saigne sans cesse en robe d'amour,
Explique pourquoi ma vie s'est éprise
Au sanglot rouillé de tes vieilles cours.

Aux fées rencontrées le long du chemin
Je vais racontant Fantine et Cosette,
L'arbre de la cour, à son tour, répète

Une belle histoire où l'on dit: demain...
Ah! Jaillisse enfin le matin de fête
Où sur les fusils s'abattront les poings !

(" 33 sonnets composés au secret")
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V

Les poètes, un jour, reviendront sur la terre.
Ils reverront le lac et la grotte enchantée,
les jeux d’enfant dans les bocages de Cythère,
le vallon des aveux, la maison des péchés
et toutes les années perdues dans la pensée,
les sœurs plaintives et les femmes étrangères,
le bonheur féerique et la douce fierté
qui posait des baisers à leur front solitaire.
Et ils reconnaîtront, sous des masques de folles,
à travers Carnaval, dansant la farandole,
leurs plus beaux vers enfin délivrés du sanglot
qui les fit naître. Alors, satisfaits, dans le soir,
ils s’en retourneront en bénissant la gloire,
l’amour perpétuel, le vent, le sang, les flots.
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III

Je m’égare par les pics neigeux que mon front
recèle dans l’azur noir de son labyrinthe.
Plus d’autre route à moi ne s’ouvre, vagabond
enfoncé sous la voûte de sa propre plainte.

Errer dans ce lacis et délirer ! Ô saintes
rêveries de la captivité. Les prisons
sont en moi les prisonnières et dans l’empreinte
de mes profonds miroirs se font et se défont.

Je suis perdu si haut que l’on entend à peine
mon sourd appel comme un chiffon du ciel qui traine.
Mais là-bas, clair pays d’où montent les matins,

dans ta prairie, Alice-Abeille, ma bergère,
si quelque voix, tout bas, murmure « C’est ton père »,
va-t’en vers la montagne et prends-moi par la main.
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I

La barque funéraire est, parmi les étoiles,
longue comme le songe et glisse sans voilure,
et le regard du voyageur horizontal
s’étale, nénuphar, au fil de l’aventure.

Cette nuit, vais-je enfin tenter le jeu royal,
renverser dans mes bras le fleuve qui murmure,
et me dresser, dans ce contour d’un linceul pâle,
comme une tour qui croule aux bords des sépultures?

L’opacité, déjà, où je passe frissonne,
et comme si son nom était encor Personne,
tout mon cadavre en moi tressaille sous ses liens.

Je sens me parcourir et me ressusciter,
de mon front magnétique à la proue de mes pieds,
un cri silencieux, comme une âme de chien.
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