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4,08

sur 9867 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
"Voyage au bout de la nuit" est depuis quarante ans, LE livre dont on m'a le plus suggéré ou conseillé la lecture, je me souviens d'une collègue qui un jour me l'avait mis dans les mains d'autorité, je lui ai rendu un an plus tard sans l'avoir même ouvert...
De fait, je me rends compte que j'ai toujours eu une réticence inexplicable avec ce titre pourtant unanimement reconnu comme un chef d'oeuvre, écrit par un auteur à la plume célébrée comme étant l'une des meilleures de la littérature française.
Je fais cette digression pour expliquer l'état d'esprit avec lequel j'ai abordé ce livre quand j'ai une fois de plus été "incité" à faire cette lecture, je me suis dit que finalement, lire un classique et savoir enfin de quoi on parle ne serait pas de l'énergie mal employée.
Je vais, une fois n'est pas coutume, avoir deux ressentis car j'ai eu l'impression de lire deux histoires distinctes, une première partie picaresque et décalée dans les situations et dialogues, puis une partie plus sérieuse, plus sombre et d'une certaine façon plus éclairante sur cette entrée dans la nuit.
Une première partie qui voit Ferdinand Bardamu découvrir la guerre et ses dangers, qui voit aussi Bardamu prendre conscience de sa lâcheté, ce qui le mènera à l'hôpital où il fera tout pour ne plus repartir au front, déjouant avec brio les suspicions de simulation qui l'auraient conduit au ... peloton d'exécution.
Il prendra ensuite un bateau pour l'Afrique et les colonies, la traversée dans une ambiance délétère sera mouvementée, je passe sur les péripéties dans les colonies avec leur lot de corruption, je passe également sur les circonstances rocambolesques qui amèneront Bardamu à New-York où il ne devra son salut qu'à sa compétence à trier et répertorier les puces des gens admis au centre de quarantaine où il échoue (allégorie ?). Bardamu vivra ensuite à New-York où sa vision du nouveau monde se voudra absurde et caricaturale au possible.
J'en profite pour parler de Robinson, l'autre personnage récurrent du roman que Bardamu croisera et retrouvera de façon fortuite à toutes les étapes du roman telle une ombre, un Robinson qui semble être un alter ego de Bardamu en mode dégradé...
Au vu de cette première partie, j'avoue ne pas avoir compris la passion que peut susciter ce roman, tout y est décalé et souvent foutraque, pas vraiment crédible non plus, une sorte d'hymne à la survie et à la débrouille qui ne m'a pas enchanté plus que cela.
La deuxième partie voit Bardamu revenu à Paris, il est devenu médecin et tente de vivre honorablement de son métier, la transposition entre les deux période est plutôt... inattendue.
J'ai beaucoup plus apprécié cette lecture à partir de là, j'ai aimé la peinture en gris sale d'un certain monde, celle du "petit peuple", la corruption et les magouilles ainsi que certaines compromissions dans lesquelles Bardamu va forcément tomber, puisque sa renommée ne lui donne accès qu'a une clientèle de pauvres, ce qui ne garantit pas le loyer.
Je vais passer sur les nombreuses aventures de Ferdinand Bardamu qui vous le savez vont l'emmener "au bout de la nuit", l'intérêt réside surtout dans l'exploration de sa psyché et dans l'extrême lucidité de ce qu'il est, sans déni aucun. La définition et l'explication d'un mal-être chronique et incurable nous seront données ainsi que la description d'un monde où tout semble corrompu tant dans les intentions que dans les esprits. Disons le, Bardamu n'est pas quelqu'un de "bien", ce n'est même pas un personnage attachant dans lequel on aimerait se reconnaître comme c'est souvent le cas avec les personnages de papier, il est foncièrement lâche et peu fiable, ce dont il est conscient.
Ce voyage au bout de la nuit correspond peut-être à une vision pessimiste de l'auteur sur le monde tel qu'il le voyait ou le ressentait, je ne sais pas et je n'aurais pas la prétention d'essayer de le deviner.
Pour ma part je pense que le siècle qui me sépare de cette époque fait que je n'ai jamais pu m'immerger dans l'histoire ou même comprendre ce monde tel que nous le décrit Céline, je suis donc passé à côté de l'essentiel je le crains, j'ai lu bien des livres qui décrivaient des descentes aux enfers qui me parlaient mieux, rencontré des personnages bien plus abimés ou pervers, histoire de génération probablement, mauvais timing...
Il me reste la satisfaction d'avoir enfin lu ce classique parmi les classiques, merci Judith d'être celle qui m'a fait franchir le pas, même si ce voyage au bout de la nuit ne m'a pas ébloui autant que toi.
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5 mois et demi déjà...
Je m'enfonçais dans la nuit noire, aussi profonde que le silence s'était tu d'un coup, sans prévenir… à peine avais-je glissé dans les tourments du sommeil, qu'il était déjà 4 heures, choupette rouspétait, soufflait et agonisait, craignant une gastro, couvant certainement un accouchement très imminent, j'immergeais de mes songes inquiétants pour la rejoindre au salon : « ça fait neuf mois, il était temps que je lui dis… », Neuf mois qu'elle se trainait, pressés que nous étions quand même vers la fin, nous délivrant enfin ce bonheur tant attendu depuis neuf mois…

J'ai donc fait une pause lecture de quelques mois, et de sommeil aussi, encore maintenant...

« Voyage au bout de la nuit » m'a accompagné une partie de la grossesse, je voulais du classique, j'ai bouffé un classique, une décharge de mots, déversés cyniquement comme un gros tas de merde… L'auteur antisémite de part la grande guerre, tout traumatisé qu'il était par la nature humaine, avec son talent littéraire ô combien dérangeant, vantant avec sa verve argotique les plaisirs de la vie et les grandes qualités de la nature humaine… Pendant cinq cent pages et 7 mois d'acharnement et de courage, j'ai affronté les chapitres pour enfin terminer ce roman comme il se devait, avec un doigt ou deux dans la bouche pour soulager ce vieux malaise installé depuis trop longtemps au fond de ma gorge…

Un peu aigri le bonhomme, faussement naïf, détestable, et d'un cynisme contagieux… à chaque fois, le bouquin me tombait des mains… Pourtant au début tu souris, c'est toujours au début que l'on sourit gaiement, puis bêtement on déchante au fil des pages qui défilent… c'est écrit en tout petit en plus, faut se méfier des petits, ça se faufile, c'est sournois, obligé de vous surprendre tout par derrière, je sais ce que je dis, je suis petit de part mon père, et de ma part ma mère, paraitrait que mon grand-père était grand, et beaucoup alcoolo aussi… m'enfin on n'est ce que l'on est, et moi je préfère la levrette, mieux valait donc que je sois petit et sournois pour te chopper par derrière…

Alors j'avance comme je puis, la pensée un peu ailleurs, dans le string de choupette par exemple, ça me donne des idées tiens, trop d'envie aussi, depuis qu'elle a expulsé notre "souci d'amour fou", elle est tout de même moins conciliante avec son devoir conjugal, plutôt gourmande avant le drame, mais sans excès hein, et plutôt réticente de nos jours, mais faut aussi rappeler qu'au bout de quatorze piges, la passion est moins lubrique, et le prince charmant mort et enterré depuis fort longtemps… Alors je ruse d'imagination pour me couper l'envie…

En lisant ce bouquin interminable et déprimant…

Mais merde il a du talent l'antisémite haineux de la vie, un peu malade du bonheur, il enchaine les mots tout particulier, qui finalement vous pousse à continuer… Faut remettre les choses dans leur contexte aussi, mon malaise littéraire empirait avec les nuits agités, je voulais m'occuper l'esprit et ne plus penser à toutes ces femmes nues, que finalement regarder la télé, ça pourrait faire une alternative toute souriante, et par la même un peu de bien, et puis au bout de trois guerres par ci par là, quelques enfants tués avec le sang qui marque le sol et qui chemine jusqu'à l'écoeurement , les gens qui prient pour que ça s'arrête, et ceux qui prient pour que ça continue, que leur dieu ne sait plus qui aider, tellement qu'il sait plus qui a commencé le premier, tellement que c'est la grosse merde partout par terre avec le sol qui tâche, les gens qui gueulent, préfère rester en vacance le GOD, « lé pa fou » il va pas revenir se pavaner sous peine de pécho une roquette tout droit dans son derrière….

Alors tout béta que je suis de part mon père, et de part ma mère et de part moi-même, j'ai continué tout en malaise que j'étais, zappant d'une catastrophe à l'autre, d'un malheur à l'autre, et ce petit vieux qui meurt de chagrin parce que sa fille, son petit fils et son gendre, qu'ils sont crevés tout beaux tout heureux en plein vol, l'on peut-être pas vu venir la roquette eux non plus, par derrière toute silencieuse qu'elle était… faut dire aussi, c'est sournois une roquette...

Des fois on se demande bien, pourquoi on sourit encore quand on voit tout ce bonheur… « Voyage au bout de la nuit » est une expérience littéraire paradoxale et toute troublante, toute chamboulante, difficile à terminer pour ma part…

Sinon à cinq heures direction les urgences, les contractions intensives ne laissaient aucun doute quand aux intentions de notre future fille, Choupette toute pas pimpante la grimace à l'air me suppliant de stopper nette la voiture à chaque ronds points…

« Chochotte que c'est pas possible… »

Arrivés aux urgences toute neuves depuis deux ans, on fut conduits dans une salle d'attente toute lumineuse, Choupette à quatre pattes qui respirait tout fort, un peu transpirante et plus très fraiche, se fait prendre en charge par une bisousnours toute souriante :

- "Oulala vous êtes dilatée à sept et demi… faut pas se trainer le cul"


Gerbage de circonstance, la douleur étant la circonstance, nous voilà partis bras dessus bras dessous en salle de largage… Petit péridurale pour chochotte, caméra en place, ralentissement du coeur, et la panique qui me gagnait… finalement l'histoire s'est bien terminée tout en forceps et déchirement, le cordon autour du cou pour faire l'intéressante, un petit caca sur maman et nous voilà tout sourire, larmichette à l'oeil… il était 9h30...

Comme quoi des fois, on sait pourquoi on sourit, malgré tout notre malheur qu'est la vie...

A plus les copains…
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Moi aussi, je remercie Nastasia de m'avoir fait découvrir cet auteur incontournable.
J'ai assez peiné pour faire ce Voyage jusqu'au bout du livre !
Je n'ai pas aimé, sauf la première partie :
" la chair à canon-pendant que les Parisiens font la fête" est un beau procès fait aux riches et aux dandys.
La partie africaine, puis américaine m'ont paru ubuesques, j'ai trouvé la partie "docteur de banlieue" sordide, comme le voulait l'auteur, je pense.
Pour moi, Céline n'est pas la plume magique du XXè siècle.
.
Mais, même si j'aime son style "de quartier" parfois vulgaire et provocateur, il ne m'a pas apporté grand chose.
Cependant, c'est un auteur qui marque au fer rouge, car je me souviens de cette lecture sans relire mes notes deux ans après, et c'est peut être à cela que l'on reconnaît un "grand" ?
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Le voyage au bout de la nuit se poursuivra sans moi. Je n'irai pas plus loin que la page 127, et Bambola-Fort-Gono. Je jette l'éponge vaincue par l'ennui. Je n'aime pas cette écriture. Poursuivre la lecture de ce roman me demande trop d'efforts. Ce livre est trop éloigné par son style de ce que j'aime lire habituellement. Je pense qu'il s'agit plus d'une écriture réservée aux hommes. Un livre masculin. J'aurai essayé Céline, je ne le savoure pas, je m'incline. Entre cet auteur et moi, c'est un rendez-vous manqué, je le regrette. Je ne referme pas cet ouvrage de gaieté de coeur, car je déteste abandonner un texte en cours de route et passer à côté d'une oeuvre et d'un auteur.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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«Voyage au bout de la nuit» de Louis Ferdinand Céline...
24 heures déjà que je l'ai terminé, et je suis perplexe. Je ne sais pas comment le noter, ni dire si je l'ai aimé ou pas. Ouai... je suis un peu bizarre sur ce coup-là, j'en conviens...
En fait, j'ai tout de suite bien accroché avec le texte, une formulation riche et subtile à la fois, et assaisonnée d'une sorte d'argot de titi parisien. J'ai franchement adoré cette écriture qui donne un ton particulier au livre, une atmosphère à l'histoire. Indéniablement, il y a du style, on peut reconnaître la patte de cet auteur rien qu'en lisant un extrait.
Les extraits justement... on a envie d'en citer à la pelle. Notre Bardamu a des formulations à la fois percutantes et touchantes pour décrire la nature humaine et la société qui l'entoure. Personnellement, j'ai beaucoup aimé l'épisode sur la première guerre mondiale, ainsi que celui de son passage en Amérique. Qu'il était touchant son dernier message pour Molly !
Et bien alors me direz-vous ? Où est le problème ?
Et bien... Ce fut long, trop long. J'ai eu bien envie de m'arrêter plusieurs fois. La beauté de l'écriture n'arrivait pas à compenser certains passages un peu longuets, voire répétitifs. Pour moi, l'auteur n'avait pas besoin de toutes ces pages pour décrire la vie de médecin de banlieue qu'était Bardamu. J'ai conscience que c'est un ressenti très personnel et qui n'engage que moi, mais cela a bien gêné ma lecture.
Heureusement, je suis allée jusqu'au bout. J'ai été étonnée par la fin que j'imaginais bien plus sombre, vu le titre, même si elle n'est pas pour autant joyeuse. Merci mon wilt (il se reconnaîtra) pour tes encouragements à ne pas le lâcher... cela aurait été une erreur de ne pas aller jusqu'au bout du voyage, j'aurais regretté ensuite.
En fait, que j'ai aimé ou pas (m')importe peu : c'est un livre à lire, pour le style de l'auteur tout d'abord, et parce qu'il illustre une époque par ce qu'il dénonce.
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Beauté de l'écriture mais propos insupportables.

Un classique controversé que je m'étais promis de lire un jour. Une édition de poche, un peu jaunie, des petits caractères, peut-être pas le mieux pour un texte déjà dense.

J'ai lu et j'ai vaincu, mais pas avec grand plaisir. J'ai peiné à faire ce voyage dans la noirceur. J'ai trouvé ici et là de bien belles phrases (1300 citations sur Babelio!), j'ai compris ce qui lui a valu le succès littéraire. Mais je n'ai pas accroché aux aventures abracadabrantes et j'ai été rebutée par le mépris envers tous ceux que rencontre le héros.

Il y a ses « nègres » et ses « bicots » qui font tiquer, mais personne n'est vraiment à l'abri de ses flèches. Les ouvriers trop serviles, les militaires sont stupides, les coloniaux sont des tricheurs, les Américains ne pensent qu'à l'argent, les pauvres sont des abrutis et leurs femmes sont laides, les scientifiques dans leurs laboratoires sont des fous et les psychiatres des profiteurs, les malades de la tuberculose ne pensent qu'à la pension, etc. Il est bien noir ce voyage…

(Et quand on dit que c'est autobiographique, comme il est antitout, cela ne surprend pas qu'il ait été aussi un féroce ténor de l'antisémitisme par la suite.)

Mais peut-être n'étais-je juste pas dans de bonnes dispositions pour m'amuser du cynisme de l'oeuvre…
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Ben v'là ty pas que Bardamu croise un troupeau de troufions, il les suit, merde , il se retrouve au coeur de la guerre, cet abattoir gigantesque sans queue ni tête.
L'hôpital, où il voudrait bien rester, il a la vocation d'être malade, q'y croyait du moins mais pas non plus, ça sue la mort.

Pire encore le bateau, l'Amiral Bragueton qu'il s'appelle, ça le relie à l'Afrique, et les futurs colons alcooliques, hargneux et pétris de bêtise qui le haïssent, on se demande bien pourquoi, qu'est ce qu'elle a ma gueule ? il est tellement sympathique cet homme..

Pire encore, l'arrivée dans un comptoir (la Compagnie Pordurière )de l'ouest africain, le Bragamance ( Eh, Céline, t'es en rade d'inspiration, tous tes noms commencent par Bra) dans la ville de Fort-Gono ( Douala )l'hystérie des boites de sardines, les commerçants pourris, les militaires rongés jusqu'à l'os, les colons qui boivent des coups avec de la glace : voilà pourquoi on perd les colonies : pas un pour rattraper l'autre.

Et l'Afrique, bordel de merde ? « celle des insondables forêts, des miasmes délétères, des solitudes inviolées, vers les grands tyrans nègres vautrés aux croisements de fleuves qui n'en finissent plus…. J'allais trafiquer des ivoires longs comme ça, des oiseaux flamboyants, des esclaves mineures. C'était promis. La vie, quoi ! »

Rien à branler de l'Afrique ruisselante de désirs mutilés.

Il hait la campagne, qu'il dit, les salsifis, ah ça il aime pas ça les salsifis, le coton moite de la chaleur, les nuages de moustiques besogneux et lestés de fièvre jaune, la grosse nuit noire des pays chauds avec son coeur brutal de tam tam, les papayes doucereuses au gout de poires urineuses, le gouverneur qui n'aime personne ( ça, c'est pas bien, casses toi) et finalement tout le monde. Cassez vous tous, vous les nègres, pustuleux et chantants, vous les colons, tas de sales veaux. …..Faut qu'je dise tout de suite qu'y peuvent pas se casser, tous ces pourris, qu' y restent là où ils sont.

Fatigués qu'y sont de se détester, ces cochons de colons, toujours est il que les nègres abrutis par le trypanosome, « peuplades parfaitement naïves et candidement cannibales, ahuries de misère, ravagées de milles pestes » c'est pas mieux non plus.

Rien n'est jamais mieux.

Pas tranquille du tout qu'y était ce Bardamu, dévoré par les fièvres lors de son arrivée en Guinée Equatoriale, et puis la végétation bouffie autour de sa case, après les eaux de vaisselle huileuse du fleuve, la chaleur comme une grosse marmite qui vous explose en pleine gueule, les crépuscules pustulants de l'enfer, sans parler du meurtre du soleil qui se couche, au milieu de ses guenilles colorées, rien que de l'agonie étincelante dans l'air et la diarrhée permanente. .. ah oui, la diarrhée, alors mettre le feu, voilà la solution, et filer. On s'en fout la mort.
Les nègres y le conduisent à moitié mort, tiens, il ne le bouffent pas…y le vendent sur une galère, chacun son tour, c'est ça la vie.

Le voyage au bout de la nuit, c'est comme la guerre, l'hôpital et l'Afrique pour et selon Céline, pas pour moi.
Un coucher de soleil dans la forêt équatoriale, c'est un des plus munificents spectacles qu'un humain peut contempler, c'est la création du monde théâtralisée encore et encore. La remontée en pirogue du fleuve entouré de végétation luxuriante, un de mes souvenirs inoubliable. L'arrivée à Micomeseng, petite bourgade construite, un de mes souvenirs de ce pays où j'ai vécu ; alors Céline, que je me dis, pauvrement travaillé par la dysenterie et mettant le feu à sa case empapaoutée, incapable de contempler la beauté du monde et des hommes, chacun pense qu'à sa gueule, que tu dis, casses toi.
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Le voyage au bout de la nuit de Céline est un chef d'oeuvre qui ne me plaît pas. C'est un chez d'oeuvre parce qu'il porte une révolution littéraire, qu'il est le signe que la vie s'empare enfin de la littérature et que les frontières entre les deux sont abolies. Plus classiquement, c'est un chef d'oeuvre aussi parce que le langage y est maîtrisé totalement mais sur un spectre très large depuis le langage ordurier jusqu'à la plus complexe difficulté grammaticale. Egalement parce qu'à chaque page, une phrase au moins mériterait de figurer dans un dictionnaire de citation.
C'est un chef d'oeuvre qui ne me plaît pas parce que c'est un livre qui a à peine un début et pas de fin et où les aléas ou les aventures de la vie ne sont que des prétextes pour l'antihéros de ne rien exalter du tout. C'est un livre qui méprise et qui sent l'urine froide pour que ça fasse plus médiocre encore. Ça a des relents d'anarchisme triste qui ne sont que des remugles de misanthropie impuissante.
Voilà donc une forme littéraire enthousiasmante mis au service du désespoir miteux et de la fatalité lâche. La littérature doit aussi servir à ça. Je conseille de lire ce livre mais ne me demandez pas de l'aimer.
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Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline était dans ma PAL depuis quelques mois ; je voulais le lire mais remettais toujours cette lecture à plus tard. En fait, c'est le côté « auteur maudit », affichant un soutien public à la collaboration et se rapprochant des milieux d'extrême droite français pronazis qui me gênait profondément, d'autant plus qu'il a été définitivement condamné en 1950 dans le cadre de l'épuration pour collaboration.
Dès sa parution, en 1932, Voyage au bout de la nuit a fait scandale et suscité des commentaires passionnés. Son succès est cependant immédiat puisqu'il obtient le Prix Renaudot. de plus, ce roman a été dès sa sortie particulièrement apprécié des sympathisants de la gauche, qui voyaient en lui un porte-parole des milieux populaires… d'où mon intérêt premier et finalement le positionnement sur le dessus de ma PAL.

Ce roman est déjà déroutant par son titre qui semble l'inscrire dans une tradition littéraire de roman picaresque, de récit de voyage ou de roman d'aventures mais l'indication spatiale attendue est remplacée par une étrange métaphore nocturne ; de plus, les récurrences du mot « nuit », parfois avec une majuscule, scandent le roman de part en part, tel un leitmotiv obsédant.
Dès le début, l'errance des soldats, embarqués bien malgré eux dans la première guerre mondiale, est essentiellement nocturne. Plus tard, les nuits africaines sont peuplées d'insectes, de bruits, de sexe et de trafics et symbolisent le côté obscur de la colonisation : la Bambola Bragamance est un pays fictif dont le fonctionnement politique et économique peut se lire comme une satire des dérives colonisatrices. Enfin, les nuits américaines sont délirantes : Céline décrit la nuit newyorkaise, véritable condition de l'immigrant, toujours poussé plus loin « comme ça dans la nuit », et souvent trop violemment mis en lumière par les éclairages artificiels de la ville. de retour en France, c'est lors de visites nocturnes que le médecin commence à pratiquer dans une banlieue sombre. le roman se termine de nuit…
Le bout de la nuit est la métaphore de la pire des terreurs humaines, la peur de mourir : « la vie c'est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit ». Dans ce roman, « la nuit [est] chez elle ».

Le roman, très dense, est divisé en deux parties ; la première est consacrée au parcours de Ferdinand Bardamu dans la France en guerre, en Afrique et en Amérique : riche en événements, elle présente un style haché ; la seconde, séparée de la première par une ellipse, ses années d'études « à hue et à dia », est beaucoup plus statique et décrit la vie de Bardamu, installé comme médecin à La Garenne-Rancy puis à Vigny. Des tranches de vie et des scènes d'intérieur ponctuent la description du quotidien de Bardamu, au gré de ses visites chez ses patients ou bien prises dans son voisinage : un couple qui maltraite une fillette, la famille d'une fille-mère qui a dû changer de quartier pour échapper au scandale, sa concierge boulimique et son neveu, une vieille dame que sa famille veut faire passer pour folle voire assassiner…
L'intermède du voyage à Toulouse, bien que riche en émotions, permet à Bardamu d'échapper « aux vrais ennuis en [se] défilant au moment critique » et relance la lâcheté prédominante de ce personnage. Enfin, les dernières péripéties consacrées à son embauche à l'asile d'aliénés clôturent un parcours à la limite de la folie.
Le narrateur intradiégétique, Ferdinand Bardamu, est un alter ego de l'auteur qui transpose et dramatise des évènements autobiographiques dans son roman, à peu près de 1915 à 1930. La narration à la première personne est vite dérangeante, tant tout est décrit de manière pessimiste et sans prise de distance : les évènements sont revécus de l'intérieur sans recul malgré le temps passé, comme si le narrateur et le lecteur devait vivre l'événement en même temps qu'il est raconté, comme dans un documentaire ou une télé-réalité avec une caméra embarquée. Bardamu se présente comme quelqu'un à qui « il manquerait ce qui ferait un homme plus grand que sa simple vie », un homme incapable d'amour. Sa petitesse, sa malignité sont tout ce qui reste au bout de sa route.

Le style oral de l'écriture, poussé à l'extrême, peut vite devenir un obstacle à une lecture sereine… J'ai eu, par exemple, un peu de mal à digérer l'évocation de la correspondance de Montaigne... On est loin de l'oralité du conte philosophique, par exemple, puisque subsistent quelques imparfaits du subjonctif qui contrastent avec le ton populaire. Dans les années 1930, les choix linguistiques de Céline sont une provocation, une véritable transgression. Les phrases sont disloquées, incorrectes, difficiles à lire. Il faut oser la lecture à voix haute pour rechercher les rythmes et les sonorités. Les transitions entre parties sont soit très longues, matérialisées par les trajets en bateau, soit inexistantes puisqu'on passe directement de « l'Autre Monde » de l'Amérique à la banlieue parisienne ; le lien entre les périodes semble être symbolisé par la figure récurrente de Robinson, figure tentatrice, mauvaise fréquentation...
La modalité affective est ici toute puissante et piège le lecteur dans l'impression que l'auteur en fait toujours trop au détriment d'une vraie sincérité.
L'écriture de Céline est un véritable défi pour la stylistique ! Même en convoquant mes souvenirs d'études de Lettres, je jette l'éponge !

Tout au long du roman, la nature est décrite comme hostile et répugnante qu'il s'agisse des paysages français, américains ou même africains. Je retiens, par exemple la beauté mortifère des « papillons lourds et larges et bordés comme des faire-part »
C'est encore pire en ce qui concerne la nature humaine avec un florilège d'allusions à la bêtise, la lâcheté, la cupidité, la vanité, l‘égoïsme ou même au sadisme ; Bardamu, bien que médecin, n'a aucun sens des valeurs humanistes. Les critiques des dérives telles que la guerre, le colonialisme, le travail à la chaîne, les soins psychiatriques, ne s'accompagnent d'aucune proposition constructive.
Céline ne place aucun espoir en l'homme, décrit comme foncièrement mauvais qu'il soit riche, privilégié, profiteur ou à l'opposé pauvre, victime, juste bon à servir de chair à canon et à être exploité. La société est vue comme un immense théâtre où règne l'hypocrisie : « comme la vie n'est qu'un délire tout bouffi de mensonges, plus qu'on est loin et plus qu'on peut en mettre dedans des mensonges et plus alors qu'on est content, c'est naturel et c'est régulier. La vérité c'est pas mangeable. »

J'ai eu beaucoup de mal à venir à bout de ce voyage… Cette lecture était devenue un défi qu'il me fallait relever, relever jusqu'au bout ; commencé en juin, terminé en novembre, abandonné, repris, oublié, exhumé…, ce livre m'aura donné bien du fil à retordre. L'édition Folio, compacte, à l'écriture serrée n'a pas favorisé ma digestion des plus de cinq cents pages…
C'est chose faite, quelle aventure !
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J'ai mis un temps fou à lire ce livre mais je me suis accrochée (un chapitre par ci par là) tout simplement je pense parce qu'il fait partie des grands classiques et que je voulais comprendre et pouvoir réagir la prochaine fois que j'en entendrai parler.
Au début, j'ai été emportée par ma lecture. Toute la partie sur la guerre, je l'ai reçue comme un coup de poing dans le coeur. J'ai sué sang et eau avec Ferdinand et je n'avais qu'une hâte : sortir de ce charnier dans lequel j'étouffais.
Puis, l'Afrique et l'Amérique. Là, les pensées racistes de l'auteur affleurent dans l'écriture et cela m'a sincèrement dérangée. Surtout que j'ai vécu en Afrique et je ne pouvais pas lire certaines phrases sans me révolter.
Et retour en France et voilà que notre Ferdinand qui n'avait jusque là rien d'exceptionnel (bien au contraire) devient médecin ! Ceci dit, ce n'est pas son métier ou ses connaissances scientifiques qui vont le sortir de sa condition misérable. Car il continue à se plaindre, à maugréer, à subir, à voir tout en noir et même à le provoquer.
Bref, vous l'aurez compris, cela n'a pas été une révélation pour moi, sauf en ce qui concerne la 1ere partie. Plusieurs fois, j'ai regretté que tout ne soit pas dans la même veine. Ferdinand m'a souvent révoltée et toujours profondément ennuyée.
Lecture laborieuse mais que je suis néanmoins contente d'avoir faite.
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