5 mois et demi déjà...
Je m'enfonçais dans la nuit noire, aussi profonde que le silence s'était tu d'un coup, sans prévenir… à peine avais-je glissé dans les tourments du sommeil, qu'il était déjà 4 heures, choupette rouspétait, soufflait et agonisait, craignant une gastro, couvant certainement un accouchement très imminent, j'immergeais de mes songes inquiétants pour la rejoindre au salon : « ça fait neuf mois, il était temps que je lui dis… », Neuf mois qu'elle se trainait, pressés que nous étions quand même vers la fin, nous délivrant enfin ce bonheur tant attendu depuis neuf mois…
J'ai donc fait une pause lecture de quelques mois, et de sommeil aussi, encore maintenant...
«
Voyage au bout de la nuit » m'a accompagné une partie de la grossesse, je voulais du classique, j'ai bouffé un classique, une décharge de mots, déversés cyniquement comme un gros tas de merde… L'auteur antisémite de part la grande guerre, tout traumatisé qu'il était par la nature humaine, avec son talent littéraire ô combien dérangeant, vantant avec sa verve argotique les plaisirs de la vie et les grandes qualités de la nature humaine… Pendant cinq cent pages et 7 mois d'acharnement et de courage, j'ai affronté les chapitres pour enfin terminer ce roman comme il se devait, avec un doigt ou deux dans la bouche pour soulager ce vieux malaise installé depuis trop longtemps au fond de ma gorge…
Un peu aigri le bonhomme, faussement naïf, détestable, et d'un cynisme contagieux… à chaque fois, le bouquin me tombait des mains… Pourtant au début tu souris, c'est toujours au début que l'on sourit gaiement, puis bêtement on déchante au fil des pages qui défilent… c'est écrit en tout petit en plus, faut se méfier des petits, ça se faufile, c'est sournois, obligé de vous surprendre tout par derrière, je sais ce que je dis, je suis petit de part mon père, et de ma part ma mère, paraitrait que mon grand-père était grand, et beaucoup alcoolo aussi… m'enfin on n'est ce que l'on est, et moi je préfère la levrette, mieux valait donc que je sois petit et sournois pour te chopper par derrière…
Alors j'avance comme je puis, la pensée un peu ailleurs, dans le string de choupette par exemple, ça me donne des idées tiens, trop d'envie aussi, depuis qu'elle a expulsé notre "souci d'amour fou", elle est tout de même moins conciliante avec son devoir conjugal, plutôt gourmande avant le drame, mais sans excès hein, et plutôt réticente de nos jours, mais faut aussi rappeler qu'au bout de quatorze piges, la passion est moins lubrique, et le prince charmant mort et enterré depuis fort longtemps… Alors je ruse d'imagination pour me couper l'envie…
En lisant ce bouquin interminable et déprimant…
Mais merde il a du talent l'antisémite haineux de la vie, un peu malade du bonheur, il enchaine les mots tout particulier, qui finalement vous pousse à continuer… Faut remettre les choses dans leur contexte aussi, mon malaise littéraire empirait avec les nuits agités, je voulais m'occuper l'esprit et ne plus penser à toutes ces femmes nues, que finalement regarder la télé, ça pourrait faire une alternative toute souriante, et par la même un peu de bien, et puis au bout de trois guerres par ci par là, quelques enfants tués avec le sang qui marque le sol et qui chemine jusqu'à l'écoeurement , les gens qui prient pour que ça s'arrête, et ceux qui prient pour que ça continue, que leur dieu ne sait plus qui aider, tellement qu'il sait plus qui a commencé le premier, tellement que c'est la grosse merde partout par terre avec le sol qui tâche, les gens qui gueulent, préfère rester en vacance le GOD, « lé pa fou » il va pas revenir se pavaner sous peine de pécho une roquette tout droit dans son derrière….
Alors tout béta que je suis de part mon père, et de part ma mère et de part moi-même, j'ai continué tout en malaise que j'étais, zappant d'une catastrophe à l'autre, d'un malheur à l'autre, et ce petit vieux qui meurt de chagrin parce que sa fille, son petit fils et son gendre, qu'ils sont crevés tout beaux tout heureux en plein vol, l'on peut-être pas vu venir la roquette eux non plus, par derrière toute silencieuse qu'elle était… faut dire aussi, c'est sournois une roquette...
Des fois on se demande bien, pourquoi on sourit encore quand on voit tout ce bonheur… «
Voyage au bout de la nuit » est une expérience littéraire paradoxale et toute troublante, toute chamboulante, difficile à terminer pour ma part…
Sinon à cinq heures direction les urgences, les contractions intensives ne laissaient aucun doute quand aux intentions de notre future fille, Choupette toute pas pimpante la grimace à l'air me suppliant de stopper nette la voiture à chaque ronds points…
« Chochotte que c'est pas possible… »
Arrivés aux urgences toute neuves depuis deux ans, on fut conduits dans une salle d'attente toute lumineuse, Choupette à quatre pattes qui respirait tout fort, un peu transpirante et plus très fraiche, se fait prendre en charge par une bisousnours toute souriante :
- "Oulala vous êtes dilatée à sept et demi… faut pas se trainer le cul"
Gerbage de circonstance, la douleur étant la circonstance, nous voilà partis bras dessus bras dessous en salle de largage… Petit péridurale pour chochotte, caméra en place, ralentissement du coeur, et la panique qui me gagnait… finalement l'histoire s'est bien terminée tout en forceps et déchirement, le cordon autour du cou pour faire l'intéressante, un petit caca sur maman et nous voilà tout sourire, larmichette à l'oeil… il était 9h30...
Comme quoi des fois, on sait pourquoi on sourit, malgré tout notre malheur qu'est la vie...
A plus les copains…