Déjà plus de 2 semaines que j'ai lu avec moult intérêt ce "Journal d'un arbre"...
J'ai abominablement honte d'avoir tant tardé de lire
Jean Chalon, non par désintérêt, bien au contraire, mais quand j'ai débuté mon métier de libraire vers 1980;
Jean Chalon était adulé, consacré à juste titre pour ses biographies de qualité... de mon côté, vu la profusion déjà grande des publications, je me battais pour des petits éditeurs, à l'époque distribuées par Distique, que nous recevions par un seul exemplaire...et je leur donnai systématiquement la priorité !!
Ainsi, fort injustement, je le reconnais... les textes de
Jean Chalon restaient
toujours dans mes listes d'envies en attente perpétuelle...
Et ironie aujourd'hui...il aura fallu un grand nombre d'années pour que j'aille vers un ouvrage orphelin de cet écrivain, moins lu, moins emprunté, livre "désherbé" par la médiathèque, c.a.d prêt au pilon, pour faire place aux nouvelles acquisitions. Heureusement la médiathèque d'Issy a la bonne idée de proposer , avant le couperet fatal du "pilon" de proposer ces "malheureux délaissés" dans des boites, à des prix modiques...
Ainsi j'ai découvert quelques petits trésors... de cette manière !
Ce fut le cas de ce "journal d'un arbre", et je prends connaissance d'une
autre facette de cet écrivain-biographe-diariste; ce journal dévoile les humeurs extrêmes de
Jean Chalon, ses doutes permanents, sa lucidité
sur les comédies, la superficialité du monde de l'édition et des Lettres !
Jean Chalon parle de ses lectures, de ses passions, de son travail d'écrivain.. de ses déceptions cuisantes d'auteur comme sa biographie de Colette qui lui a demandé moult travail et offrait des inédits; biographie qui fut boudée par le public comme par les critiques... ce qui fut également le cas pour le "Journal de Paris" et le "Journal d'un biographe", qui lui ont valu des silences décourageants...Mais restent comme deux flambeaux extraordinaires: son amour des Livres, des mots et l'amour infini de la nature et des Arbres...
"Vendredi 10 mars 2000
Les livres sont-ils vivants ? Je me pose souvent la question et j'ai peut-être trouvé une réponse dans le livre d'
Annie François, Bouquiner, qui paraît en ce moment au Seuil.
Annie François parle des livres avec une telle passion que l'on finit par se demander si elle parle de livres ou de personnes. Elle vit avec des livres, elle dort avec les livres.Elle déménage pour avoir plus d'espace pour ses livres bien-aimés. Devant tant de passion-et passion lucide-:
Annie François est la première à s' en moquer-,comment ne pas se demander une fois de plus si un livre ne cache pas un être vivant, une force invincible qui nous domine, nous, les amoureux des livres, ou plutôt leurs esclaves ?
Mais quel Amour, quand il est aussi exclusif, ne ressemble pas à l'esclavage ? Un esclavage bienheureux et consenti." (p.140)
L'écrivain parle merveilleusement dans ce "Journal..." de la nature, des arbres, du silence, d'un monde plus authentique, hors des simagrées
littéraires !
Que cette modeste chronique redonne un tant soit peu envie d'aller voir
de plus près les écrits et le parcours singulier de cet écrivain...attachant,
à la plume prodigue et incisive !
"Samedi 9 mai 1998
Un arbre se met à faire la roue comme un paon. Il n'en est pas plus fier pour cela. Il est même un peu gêné d'entendre les commérages que suscite
l'épanouissement de son feuillage. Devant la beauté et l'étrangeté de ce
spectacle, les applaudissements succèdent aux commérages. On pourrait voir dans cet arbre qui se pavane une représentation symbolique
de certains écrivains." (p. 32)
Je "connaissais" son travail de biographe... mais j'ignorais complètement
son intérêt et son implication pour un artiste assez rejeté ou incompris,
un "clochard céleste", trop peu lu,méconnu,
François Augiéras...
Je rallonge encore un instant mon "papotage" et termine avec une fort belle phrase en hommage aux arbres:
"Lundi 19 janvier 1998
Je ne cesserai pas de répéter-et d'écrire-qu'un arbre, c'est quelqu'un sans pieds ni mains, mais qui a un coeur et une âme semblables aux nôtres. Les arbres sont des malheureux qui n'ont pas de pieds pour s' enfuir, ni de mains pour se défendre. On les mutile. On les tue.Il se peut qu'un jour, lassés de tant d'exactions, les arbres désertent notre mère commune, la terre. "(p.17)