Je n'avais absolument pas prévu de lire ce livre, j'ignorais de tout de cet auteur mais... l'alchimie de la boîte à livres a frappé et je me suis retrouvée embarquée dans cette autobiographie à vocation cathartique, depuis la France du PCF des années 50 jusqu'à un cimetière du début du XXIeme siècle.
J'ai été très touchée par ce livre, d'abord parce que j'ai aimé le style de
Bernard Chambaz, ces phrases énumératives, sa sensibilité. Ensuite parce que ce livre explore un sujet universel, celui de l'intimité ambivalente du lien de la filiation. L'auteur questionne également l'emprise de l'idéologie sur les individus, à l'échelle d'une famille, anihilant l'authenticité des liens.
Bernard Chambaz décrit parfois ce qu'il imagine, souvent ce qu'il se souvient de son enfance, sa jeunesse, ses illusions et ses interrogations. Puis sa vie d'adulte dans un monde en pleine mutation. Son incapacité à se glisser dans les pas de son père, infeodé au Parti. Bon petit soldat toutefois, ce fils aîné d'un grand dirigeant du PCF, avec le lot d'absurdité cocasse qui accompagne sa bonne volonté (l'épisode grinçant de la dédicace est un sommet ! )
On est plongé dans une époque, les Trente glorieuses, on traverse les événements de l'époque avec les yeux de l'enfant ou adolescent, de façon plutôt elliptique pour un lecteur plus jeune (heureusement il y a Wikipedia). Mais l'auteur explore aussi le bain culturel soviétique dans lequel il a été plongé, avec des chapitres intercalés.
Que partage t'on réellement avec ses parents ? Peut on vraiment s'aimer sans se comprendre ? Au fil des pages se dessine l'étrangeté du comportement des adultes dans le regard de l'enfant, observateur de leurs contradictions.
Puis se révèle la souffrance de l'aveuglement, liée à une forme d'emprise mentale, thème repris dans des chapitres intercalaires qui interrogent les destins de personnages soviétiques face à l'implacable machine stalinienne et ses mensonges.
L'aveuglement frappera d'ailleurs très concrètement le père de l'auteur, affaibli par la maladie à la fin de sa vie.
Dans ce lien filial distant et étranger faut il que la vulnérabilité, la maladie s'invitent, pour que l'intimité s'esquisse ? Et pourtant la fidélité et l'amour s'expriment dans ce livre très personnel, comme un baume sur des cicatrices.