Ha, le bistrot d'antan! Nostalgie, quand tu nous tiens.
Le bistrot légendaire ancré dans ma mémoire de bambin effarouché qui sifflait sa limonade ou son diabolo-menthe à la paille, agrippé au pantalon de tergal bleu marine de papa qui venait trinquer le coup avec les copains aux voix de caverne et au verbe haut.
Car c'est ça, le relais des copains, c'est ‘à l'abri de la tempête', ‘à l'abri côtier', celui que j'appellerai le bon vieux rade, plus tard, quand j'aurai pris de la bouteille et que la limonade ou le diabolo-menthe (ça fait une paye) restera le marqueur du temps jadis, de quand l'insouciance et la peur de la trogne du pilier de comptoir, seules, emplissaient ma tête de rejeton curieux et sacrément ravi d'être admis dans ce viril cocon quand maman enfournait dans la gazinière, tranquille, le poulet du dimanche dans le plat en Pyrex à la maison.
Le relais c'est la coquille de noix qui flotte sur l'océan du temps passé, qui sent le plancher imbibé des odeurs d'alcool que je ne savais pas encore identifier (malt, merlot, houblons, anis…) et dont les tenanciers s'appelaient Marie-Ange, Momo ou…
Ici, dans ce relais où échoue
Simon D avoir échoué à l'écriture de son nouveau roman, Marie-Ange c'est Tatiana et Momo c'est Gégé (les temps n'ont pas tant changé, finalement).
Mais il y a comme une caméra miniature qui suit Simon, une camera 360°, un capteur d'atmosphère, un humeur d'ambiance, une sorte d'éponge à émotions.
Et c'est un patchworks ce rade, un fourre-tout intimiste ou se brassent intimement des existences disparates à la recherche, peut-être, d'une forme d'intimité.
On fait bloc
autour d'un bock
ou d'un broc
de vin d'Oc.
Sauf que les minutes s'égrènent, même là, accoudé au bar et chacun doit vaquer à ses occupations, prendre congé d'un signe entendu puis pousser la porte de l'abri-refuge qu'il retrouvera demain, comme d'hab' : « salut les potes, tu le mets sur ma note Gégé…»
Alors, comme dans l'ancienne publicité pour le CNP sur la célébrissime valse numéro 2 de Dmitri Chostakovitch, la caméra miniature 360° qui suivait Simon, embarque sur un fictif drone silencieux, pour suivre plein cadre et en 16/9ème celui qui vient de disparaître du champ visuel des habitués du bistrot et happer dans son champ optique à travers la vitrine de son local commercial, le regard non moins commercial de Lorette, l'agente immobilière, qu'elle suivra dans la visite organisée pour un Bastien trentenaire en recherche d'un nouveau nid douillet.
Telle une abeille virevoltante attirée, au hasard, par les différents coloris bucoliques d'un jardin printanier, la caméra papillonnera de personnage en personnage, dressant le portrait d'une communauté en perpétuel mouvement, communauté composée des tenanciers et des clients du bistrot, de l'agente immobilière, de son client potentiel, d'un chauffeur de taxi, d'un couple de touristes anglais, d'une jeune voyageuse, d'une mouche (et oui !!!), de notes de musique, d'une concierge, de son fils, de son amie…et de surprises étonnantes pour ce qui est des intervenants comme des traits d'union entre entre-eux.
Au cinéma, on appellerait cela un plan séquence. Ce plan tarabiscoté qui suppose une habile préparation afin de permettre à l'opérateur de ne jamais couper sa caméra et lui assurer une grande fluidité pour épouser les divers protagonistes qu'elle devra suivre de son numerique objectif énamouré.
Ce plan cinématographique est ici matérialisé par le verbe panoter (utilisé deux fois) comme par le ‘on' qu'adopte l'autrice pour s'extraire de ses personnages et nous décrire ce que nous devons voir, nous, en tant que lecteurs détachés des perceptions intérieures des différentes personnes que nous accompagnerons par son truchement (100 points de gagnés ;-).)
Pourtant, ce sont ces mêmes perceptions intérieures qu'elle interroge (quand ce n'est pas nous, directement, parfois), imaginant ce qui pousse ses personnages à agir comme s'ils étaient doués d'une totale autonomie.
Comme nous, l'autrice est témoin des scènes qu'elle nous décrit, scènes qui semblent échapper à son propre discernement et dont elle n'est absolument pas responsable.
Nous l'accompagnons plus qu'elle ne nous dirige, découvrant en même temps qu'elle les vies qui, comme des perles sur un collier, vont s'enfiler et cohabiter (non, ce n'est pas pornographique) pour composer une étude ethnologique et sociologique présentée sous la forme de roman léger et très agréable à lire, chaque rencontre fortuite faisant l'objet d'une courte nouvelle le temps d'un chapitre ou d'un paragraphe, nous emmenant même dans un voyage à travers la planète.
Si la formule fonctionne à fond dans la première moitié du roman, elle finit un peu par lasser, la recherche de la transition entre les protagonistes fait que la forme prend le dessus sur le fond pourtant bien privilégié en première partie d'ouvrage.
La jolie ronde initiale (Chostakovitch) se transforme peu à peu en chenille de premier de l'an ou du 14 juillet (
Patrick Sébastien) et l'articulation entre les personnages en artifice (sans aucun feu) se fait au merlin(de moins en moins enchanteur).
A vouloir faire différemment à chaque ‘fondue', ce qui était audacieux voire poétique au début (les notes du piano) devient exercice de style un peu appuyé voire lourdingue à la longue (les ronflements nippons, le postillon (grrr) !!!).
Gare, ce qui pourrait être amusant à l'image peut s'avérer navrant à l'écrit.
Un relais, une ronde ?
Non, un manège finalement et comme chacun le sait, l'attrait du manège réside essentiellement dans sa rareté et sa fugacité.
Mais ceci n'est que mon ressenti, loin de moi l'idée d'alimenter la foire du troll !
Je m'étais servi une aimable coupe de champagne rafraîchissante, mais les bulles se sont évanouies me reste un blanc tiède quelque peu fade.
J'ai même bien failli le jeter.
Dommage…l'écriture me plaisait à la folie, au début (l'ambiance du bistrot) vraiment beaucoup, vraiment (le couple d'anglais)…et puis un peu moins (Tokyo, les USA)…et puis plus du tout (la description des sneakers)…
et puis, chouette, un sursaut final (ha, Giséle et Yves) qui aide à faire passer le temps qui reste de lecture jusqu'à ce que la farandole se ferme, persuadé que je suis de retourner au ‘relais des amis' qui me rappelle le bistrot d'antan, le bistrot légendaire ancré dans ma mémoire de bambin effarouché qui sifflait sa limonade ou son diabolo-menthe à la paille, agrippé au pantalon…