Prenez garde ! Un roman peut en cacher un autre…
Amateur de crêpes, je me réjouis à l'idée de découvrir Chandler, sûrement à l'origine de ce rendez-vous annuel des gourmands. Allai-je rencontrer Suzette(1) la française parfumée au zeste d'agrumes ou encore Bouquette(2) la belge raffolant de raisins secs ?
Pour en avoir le coeur net, je jette mon dévolu sur la «
La dame du lac ». Direction ma médiathèque favorite et je tombe du premier coup sur cette double parution « La fille de l'air » et «
La dame du lac ». En plein dans le mille !
Très fier de moi, j'entame tambour battant cette nouvelle d'un peu moins de cent pages mettant en scène un détective privé du nom de
John Dalmas. Ce dernier va enquêter sur la disparition de la femme d'Howard Melton survenue il y a onze jours exactement. En effet, Julia Melton n'a plus donné signe de vie depuis son chalet de montagne situé en bord de lac à Little Fawn Lake. D'où le titre si vous suivez bien !
La femme de Melton avait-elle une liaison avec un certain Lance Goodwin, l'ancien secrétaire particulier de son mari ? le gardien de la propriété au bord du lac Williams Haines est-il responsable de cette disparition ? Pourquoi le mari fait-il appel à un détective plutôt que la police ?
Toutes les réponses dans cette nouvelle… pas très fraiche, je vous l'accorde, datant de 1939 !
Alors, vous allez me dire, quel le hic dans cette histoire ?
Hormis le fait que je n'ai trouvé aucune trace de Suzette et Bouquette, j'ai ingurgité «
La dame du lac» à l'insu de mon plein gré, un peu comme le cycliste R. Virenque à propos du dopage.
Eh oui, j'ai découvert sur la quatrième de couverture, le livre quasiment terminé, que de cette nouvelle en plus de "Bay City Blues" (1938) et « No Crime in The Mountains » (1941) avaient inspiré Chandler pour rédiger son véritable roman «
La dame du lac» publié en 1943. Quel bleu ! Honte à moi !
Malgré tout, la lecture de cette nouvelle fut très agréable et m'a permis de découvrir le style très bien écrit de Chandler. En quelques pages seulement, cet auteur réussit à restituer l'atmosphère des lieux et la personnalité des protagonistes. Une belle performance pour une nouvelle policière dont l'intrigue finale n'est pas simple à comprendre du premier coup.
Excellente lecture de transition que je conseille entre deux romans étoffés… Bonne dégustation avec un cidre brut de préférence !
Pardi, j'allai oublié. Chat échaudé craint l'eau froide ! Je lirai le grand classique de Chandler «
Le grand sommeil » avant de le comparer à la nouvelle qui l'a inspiré « La fille de l'air », présente dans cet ouvrage également.
Avant de partir, un dernier conseil !
Méfie-toi, la veille de la Chandler(3)…
L'hiver se passe ou prend rigueur
Si tu sais bien tenir ta poêle
À toi l'argent en quantité
Mais gare à la mauvaise étoile
Si tu mets ta crêpe à côté.
(1) Une crêpe Suzette est un dessert français composé d'une crêpe au beurre Suzette, une sauce à base de sucre caramélisé et de beurre, de jus de mandarine ou d'orange, de zeste et de liqueur Grand Marnier ou de Curaçao.
(2) La bouquette ou vôte (en wallon liégeois) est une crêpe levée à la farine de sarrasin (farene di boûkète en wallon liégeois) agrémentée fréquemment de raisins secs.
(3) le nom de la Chandeleur ou fête des chandelles a une origine latine et païenne : la festa candelarum. Celle-ci tire son nom d'une coutume consistant à allumer des cierges à minuit en symbole de purification.
Les crêpes avec leur forme ronde et leur couleur dorée rappelleraient le soleil, ce qui expliquerait que l'on confectionne des crêpes à la Chandeleur.
Egalement, les semailles d'hiver commençaient à cette période et on se servait donc de la farine excédentaire pour confectionner des crêpes, symbole de prospérité pour l'année à venir.