Fra Philippo Lippi a vécu à Florence, sous la Renaissance où la religion et l'église imprégnaient tout ; orphelin très tôt et pris en charge par le couvent des Carmes de Florence, les religieux découvriront qu'il était doué pour la peinture et s'intéressent d'autant plus à lui, c'est très important pour l'église d'avoir un artiste, (les dominicains avaient
Fra Angelico par exemple), et à 15 ans, ils lui font prononcer des voeux, ce qui n'était semble-t-il pas rare à cette époque. Il rencontrera Masaccio et le verra travailler à la chapelle Brancacci. Mais il quittera le couvent et mènera une vie peu monacale. Il passera ensuite au service des Médicis, de Cosme et de son fils Pierre le goutteux. Puis ce sera sa rencontre avec la jeune et belle Lucrezia dont il fera son modèle favori et qui lui donnera deux fils, une rencontre semble-t-il décisive pour lui-même et pour son art, mais ce qui bien sûr à l'époque fit scandale.
L'auteur lui,
Alain Chapellier, est né dans les Yvelines, à Houdan en 1946. Il entre au séminaire à Rome, à 25 ans, y demeure six ans, puis occupe diverses fonctions diocésaines dans le 78, curé de Houdan, vicaire, aumônier de prison…
Dans ce roman, écrit en 1994, il croise le destin de Philippo Lippi peintre et religieux qui tombe amoureux d'une jeune nonne, et celui d'un prêtre d'aujourd'hui, Philippe, qui en contemplant les oeuvres du peintre et en essayant de décrypter sa vie, y confronte sa propre existence, sa propre foi, ses doutes et ses tentations.
Difficile de ne pas y voir là une démarche autobiographique, tant l'auteur insiste sur le caractère de Philippe qui entend vivre sa foi librement, loin des dogmes et du poids des contraintes, et revenir à l'essentiel du message divin, d'amour et de partage.
L'auteur poursuivra sa réflexion, puisqu'en 2003 il écrira «
le Christ nu » où semble-t-il il s'interroge sur ce qu'est devenu le message christique au cours des siècles «
Alain Chapellier a découvert un jour ce Christ nu de
Michel-Ange, à Florence. Depuis, cette image le poursuit et l'obsède ; deux mille ans de christianisme n'ont cessé de "rhabiller" le Christ, d'affubler Jésus des oripeaux de la peur, de la violence, de la médiocrité, de la laideur, d'encombrer sa Parole et son Évangile de rajouts, ou d'interprétations frileuses trop souvent confondues avec la " Vérité ". »
En 2010 ensuite, il publiera «
Ne m'appelez plus Père ». La réflexion a mûri. « Pour lui, le langage de l'Église, déconnecté des réalités humaines, travestit davantage qu'il ne sert le message évangélique. Aujourd'hui libéré de ses engagements, il porte un regard lucide et sensible sur les
dysfonctionnements du clergé, les servitudes du sacerdoce et les « vicissitudes de la foi. Au-delà de l'anecdote personnelle, son itinéraire accuse le fossé spirituel qui se creuse chaque jour un peu plus entre la communauté des fidèles et une Église catholique figée dans la tradition. »
Puis enfin, comme tout un chacun répondant de son itinéraire personnel, il annoncera prendre ses distances pour faire le point sur son avenir, sur le chemin qu'il a suivi jusque-là, en un mot, il s'interroge s'il entend finir sa vie avec le costume de prêtre.
Concernant la vie de Philippo Lippi elle y a une part somme toute assez sommaire dans ce roman, une trame d'appui en sorte, mais assez tout de même pour m'avoir donné le goût d'en connaître d'avantage. Aussi en fouillant, j'ai téléchargé un bouquin d'un certain Igino Benvenuto Supino (1858-1940), historien et critique d'art, directeur du Musée Bargello à Florence : « Les deux Lippi » qui j'espère comblera mon attente.
Quant à
Alain Chapellier, il écrit avec talent et sa pensée me plaît, je mets deux de ces bouquins dans mon pense-bête. Tant pis si ma PAL prévisionnelle 2020 s'en trouve encore un peu chahutée.