Après
Manhattan Blues, c'est avec joie que nous retrouvons Ferdinand, mais cette fois, ce n'est pas lui qui rend visite à Jenny à New York mais elle qui débarque sans prévenir à Paris. Et leurs amours étant toujours compliqués, Olivia, une femme de toute beauté, mais complètement déprimée, fait son apparition.
Ferdinand ne fréquente pas, dans son quotidien parisien, Mike, écrivain resté à New York, ou Ronald, peintre originaire également d'Haïti qui a déménagé à Miami, mais
Jean-Pierre, ami depuis l'université qui fait carrière dans la publicité quand Ferdinand écrit des livres. Les scènes sont parfois cocasses avec des rencontres inattendues et toujours en arrière-plan, le lapin Cassegrain, indispensable pour se mettre aux travaux d'écriture.
Au-delà de la suite des aventures de
Manhattan Blues, l'évocation par petites touches du retour en Haïti, pour un reportage, donne une nouvelle profondeur. En 1986, c'est la Révolution haïtienne, avec la fin du règne des Duvalier et de la milice des Tontons Macoutes. Il existe donc une résonnance toute particulière quand
Jean-Claude Charles, Haïtien exilé, mentionne : « Je n'oublie pas qu'un écrivain, c'est d'abord des mots. C'est-à-dire avant tout du papier et de quoi écrire. C'est-à-dire la capacité d'écrire et de lire. C'est-à-dire tout ce qui, dans les conditions d'Haïti, nous aura fait tellement défaut. Or nous sommes quand même devenus écrivains. Nous avons lutté contre la folie. Nous ne sommes jamais drogués au point de ne plus pouvoir écrire. Nous sommes vivants. Contre l'arbitraire. Contre l'enfermement. Contre la dictature. La dictature n'est plus. La dictature risque à tout moment de renaître de ses cendres. le 7 février a représenté pour moi une énorme libération. Nous n'en avons pas fini. Il nous reste à rester écrivains. Des gens libres ».
Jean-Claude Charles est un écrivain qu'il faut « éprouver », comme l'indique
Patrick Chamoiseau en préface. Ce n'est pas un auteur qui décide de tout ordonner au mieux. Il se confie en disant : « je laisse les histoires se raconter comme elles ont envie de le faire, ma seule intervention consiste à les surveiller, tous les jours, du réveil à l'endormissement, jusqu'à ce qu'elles aient fini de se raconter, et si ça leur chante de recommencer, je recommence avec elles, je suis à leur service, je conçois de la sorte mon rôle, à supposer qu'un écrivain ait quelque rôle, d'ailleurs je ne suis même pas sûr d'être écrivain, je ne suis pas sûr d'écrire un roman, je ne suis sûr de rien, à part la fatigue de mes doigts sur le papier que je couvre d'encre, puis sur le clavier de la machine à écrire, puis de nouveau le stylo, de nouveau la machine, ainsi de suite, alternativement, c'est ma manière de surveiller les histoires, ça va durer tant que je serai un corps vivant, jusqu'à ce que les histoires aient fini de se raconter ».
Ainsi, lire les romans de
Jean-Claude Charles constitue une expérience très particulière, avec un souvenir persistant, une écriture qui s'exprime dans la forme au-delà du fond. Cependant, avant de lire
Ferdinand, je suis à Paris, je ne peux que vous conseiller de débuter par
Manhattan Blues afin de faire connaissance avec les personnages, pour les suivre ensuite dans leurs évolutions.