Il existe un malentendu général chez tous les êtres humains nés sur cette terre : la tendance à croire que la meilleure façon de vivre est d’essayer d’éviter la douleur et de se contenter de rechercher le confort. On peut observer cela chez les insectes, les animaux et les oiseaux. Nous sommes tous les mêmes.
Comment aiguiser notre curiosité, sans nous soucier du fait que l’objet de notre intérêt est doux ou amer, est une manière plus stimulante d’aborder la vie, qui renferme plus de joie, de bienveillance et d’audace. Pour mener une vie qui ne s’arrête pas à la mesquinerie, aux préjugés et au besoin de s’assurer que tout va toujours tourner comme nous le voulons : pour mener une vie plus passionnée, plus pleine et plus joyeuse, nous devons nous rendre compte que nous pouvons tolérer beaucoup de douleur et de plaisir, afin de découvrir qui nous sommes et le monde où nous vivons, comment nous fonctionnons et comment fonctionne notre monde, comment tout cela EST. Si l’on se préoccupe du confort à tout prix, dès que l’on éprouvera la moindre petite douleur on va prendre ses jambes à son cou ; on ne saura jamais ce qu’il y a au delà de cette barrière, de ce mur ou de cette chose effrayante
Ce grand costaud de samouraï vient voir un sage et lui demande :
Parlez-moi de la nature du paradis et de l'enfer.
Alors le roshi le regarde doit dans les yeux et lui dit :
Pourquoi devrais-je parler à un rustaud débraillé, dégoûtant et misérable comme toi ?...
Le visage du samouraï tourne au cramoisi, ses cheveux se dressent sur sa tête, mais cela n'arrête pas le roshi, qui continue :
...Un misérable ver de terre comme toi, penses-tu que je devrais te dire quoi que ce soit ?
Fou de rage, le samouraï tire son épée et s'apprête à trancher la tête du roshi. Celui-ci lui dit alors :
C'est cela l'enfer.
Le samouraï, qui est en fait un homme sensible, comprend immédiatement qu'il vient de créer son propre enfer, qu'il était au plus profond de l'enfer. C'était noir et brûlant, rempli de haine, de désir de se protéger, de colère et de ressentiment, au point qu'il en était prêt à tuer le roshi. Des larmes emplissent ses yeux, il se met à pleurer, il joint les paumes de ses mains et le sage lui dit :
C'est cela le paradis.
Lorsque nous méditons, nous explorons tout simplement l'humanité et la totalité de la création sous notre propre forme. Nous pouvons devenir le plus grand expert du monde sur plusieurs plans, le spécialiste en colère, en jalousie, en dénigrement de soi, aussi bien qu'en joie, en clarté et en intuition. Tout ce que les êtres humains ressentent, nous le ressentons. Du seul fait de nous connaître tel que nous sommes, nous pouvons devenir extrêmement avisé et sensible à l'humanité entière et à la totalité de l'univers.
Nous sommes à nouveau en train de parler de la bienveillance, d'une manière légèrement différente. Le fondement de la bienveillance est ce sentiment de satisfaction envers ce que nous sommes et ce que nous avons.
La voie a quelque chose qui tient de l'émerveillement ; c'est redevenir un enfant de deux ou trois ans, vouloir connaître toutes les choses inconnaissables, commencer à s'interroger sur tout. Nous savons que nous ne parviendrons jamais vraiment à trouver les réponses car ce genre de questions provient d'un appétit et d'une passion pour la vie ; ces interrogations n'ont rien à voir avec le fait de résoudre quoi que ce soit, ou de tout ficeler en un joli petit paquet.
Cette sorte de questionnement est le voyage lui-même. Il porte fruit lorsque nous commençons à nous rendre compte de notre parenté avec l'humanité tout entière. Nous comprenons que nous sommes pour quelque chose dans tout ce que possède chaque personne et dans tout ce qu'elle est.
Ce voyage, qui consiste à entrer en amitié avec nous-même, n'a rien d'un acte d'égoïste. Nous n'essayons pas de garder toutes les bonnes choses pour nous.
Dans cette démarche, on cherche à cultiver la bienveillance et à vraiment comprendre autrui.
Dans la méditation & dans notre vie quotidienne, il y a trois qualités que nous pouvons nourrir, cultiver & mettre en valeur. Nous les possédons déjà, mais elles peuvent être amenées à maturité. Ce sont la précision, la douceur & la capacité à de lâcher –prise :
La précision consiste en :
* adopter une bonne posture,
* porter l’attention sur l’expiration (une expiration ordinaire) &
* se dire « penser », quand on se surprend en train de penser »
La douceur est l’antidote à une précision dure & militante qui pourrait apparaître :
* « On devient attentif à chaque crispation, et on détend la zone concernée,
* Nous gardons les yeux ouverts, l’essentiel de la pratique est l’ouverture,
on ne bloque pas tout ce qui se produit d’autre, on se sent en vie dans cette salle, avec tout ce qui s’y passe &
* Chaque fois qu’on se fait la remarque « penser » on le fait avec sympathie & bienveillance,
se félicitant de l’avoir remarqué.
Le lâcher prise
* Emerge spontanément quand on s’applique à suivre avec fidélité la technique avec précision et bienveillance.
* Comme nous suivons l’expiration, il n’y a pas d’instruction particulière
sur ce qu’il faut faire jusqu’à l’expiration suivante.
La capacité de lâcher prise & de s’ouvrir à la fin de l’expiration est inhérente à cette technique,
dans cette brèche, où on attend seulement l’expiration, sans but. »
* Le fait d’apprendre à laisser tomber ses pensées, à attendre sans but la prochaine expiration,
« on acquiert une puissance incroyable : voir que l’on a la capacité simplement de renoncer aux choses. »
Il est fondamental de comprendre que nous avons tout ce qu'il nous faut. Nous ne souffrons pas d'une douleur extrême et inévitable. Nous ne jouissons pas d'un plaisir total qui nous ferait nous assoupir dans l'ignorance. Quand nous commençons à nous sentir déprimé, il est utile de penser à cela.
Notre vie est donc précieuse, très précieuse et très douce.