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Écrire un roman, c'est organiser la rencontre entre la vie que l'on observe, réelle ou inventée, et les mots que l'on maîtrise. Écrire avec talent, c'est effacer cette rencontre : les mots deviennent la vie, la vie est dans les mots ; plus rien ne les sépare. Et plus rien ne nous sépare de cette vie, réelle ou inventée ; ni le support du livre, ni le travail de la personne qui l'a écrit.
Séverine Chevalier a du talent. Pour écrire et pour s'effacer derrière ce qu'elle écrit. Elle maîtrise les mots, c'est indubitable, leur pouvoir d'évocation, leurs doubles sens, leur rythmique ; mais elle sait en user avec une sobriété désarmante. Elle ne fait pas de l'esbrouffe : elle fait de la littérature.
Dès le début de son histoire, elle nous happe puis disparait, elle tisse ses phrases pour nous prendre dans sa toile, puis se replie dans un coin de cet ouvrage, comme pour nous regarder nous débattre. Elle nous place ainsi en position de témoins directs de ce petit monde sombre de la campagne limousine. Nous y sommes, les pieds dans la neige, le regard dans la brume, nos pas dans la forêt, nos corps sur de vieux sièges ou sur des lits étroits, dans des pièces sombres ; nos coudes sur le comptoir du rade du village, nos yeux dans les yeux de ses protagonistes.
Pour construire ces figures, multiples et si diverses, il en faut aussi, du talent. Et il est là. Il est dans la justesse des portraits psychologiques, dépeints par touches légères et en évitant toujours les écueils de l'excès. Pour les personnages les plus pitoyables, pas besoin de misérabilisme ; pour les plus attendrissants, pas besoin de guimauve ; pour ceux qui vivent hors du cadre, enfermés dans leur cerveaux fracturés ou leur solitude forcée, rien de plus que quelques fragments de leurs journées ou de leurs nuits, de leurs pensées ou de leurs paroles ; et pour façonner un salaud, pas besoin de lâcher les chiens : là encore, quelques parcelles de vie suffisent.
L'intrigue est de la même eau : tout s'assemble parfaitement, mais surtout progressivement, avec la lenteur ouatée de la neige qui envahit les lieux, avec la délicatesse impitoyable de la nuit qui enserre peu à peu les maisons et les bois, les hommes et les animaux, avec le rythme mesuré de ces gens simples et taiseux, ancrés dans leurs habitudes, dans leur isolement, dans leurs souvenirs, leurs douleurs, leurs rancoeurs, leurs haines et leurs fidélités.
Restée cachée tout au long du récit, pour nous laisser en compagnie de ses mots qui instillent peu à peu un mélange de venin et d'espoir, l'autrice se tenait aussi en embuscade. Et quand elle fait surgir un dénouement saisissant, nous restons sans défense.
Alors, vous l'aurez compris : il faut lire ce livre ; mais pas n'importe comment.
L'intrigue si finement agencée vous poussera à faire défiler les pages ; mais la beauté du texte, la ligne claire avec laquelle les lieux et les gens prennent vie sous nos yeux, toute cette poésie vous donnera envie de vous attarder. Alors suivez plutôt cette seconde voie, prenez votre temps pour vous laisser pénétrer par les décors, l'ambiance, les liens entre personnages, les relations entre les hommes et la terre, la forêt, ses occupants.
En optant pour la lenteur, vous verrez aussi que les questions, les non-dits, les aveux, les faibles éclairs d'espérance s'ancreront plus puissamment en vous ; et le suspense n'en paraîtra alors que plus délectable.
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Karl revient avec sa fille autiste , dans la ferme de son enfance , après 20 ans d'absence avec une vie un peu ratée .
Il va mettre en danger l'équilibre de ceux qui ne l'attendaient plus .
Un roman froid comme le temps qui enveloppe cette histoire , froid comme la neige qui tombe et rend ce récit sombre .
C'est bien écrit et presque poétique , mais c'est vrai que ça ressemble beaucoup a du Franck Bouysse .
Un bon roman , bien écrit et bien prenant .
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Encore sous le charme de la découverte de Séverine Chevalier avec Jeannette et le crocodile, j'enchaîne à rebours avec Clouer l'ouest. Same player shoot again : même grand plaisir à baigner dans ce ton et cette atmosphère singulière, tendue, dérangeante.

On est là au coeur du pays de Creuse, dans un de ces villages hors du temps, enfin d'un certain temps. Un lieu digne d'un JT de Pernaut, où les basiques sont les invariants : vieilles maisons, petits boulots, chasse, café… Un lieu dont on ne part que peu.

Karl, lui, est parti, un jour, convoyer des bateaux, loin. Pour fuir Doc, un père capable de flinguer même le père Noël. Et fuir un peu les autres aussi. Une dizaine d'années plus tard, il revient au pays avec dans ses bagages, Angèle sa fillette qui ne parle pas et 42 000 euros de dettes de jeu.

Retrouvailles bizarres : son frère Pierre dit l'Indien ; Maryline amour d'autrefois qui vit désormais avec Serge, barman névrosé ; et aussi Odile, la mère ; et l'oncle ; et Doc, qui porte l'espoir d'une dette soldée et d'un rebond attendu. Personne n'a oublié Karl mais personne ne l'attend non plus.

Au coeur d'un village davantage tourné vers la traque de la Bête, vieux sanglier qui n'en finit pas de déjouer les viandards revanchards, que vers le retour de Karl, les éléments du drame sont posés. Les règlements de comptes familiaux peuvent commencer.

Car Clouer l'ouest est construit comme un véritable drame antique qu'on aurait transposé dans la Creuse moderne ou comme un western de la grande époque qu'on aurait tourné sur le plateau de Millevaches. Western d'hiver, m'avait-on dit. Parfaitement vu.

Fait de petits chapitres courts entrecoupés de flashbacks (un jour) tout aussi courts, la construction y est virtuose, faisant monter crescendo un à un, sans en avoir l'air, les éléments du drame que l'on sent poindre.

Lire Séverine Chevalier, c'est entrer dans un univers aux mots économisés, c'est-à-dire pensés, probablement doutés, soupesés et enfin souhaités, comme pour mieux leur rendre leur sens et leur force. Et parfois, les mots deviennent jeu, se libérant de leur positionnement académique pour permettre au texte de devenir poésie. Et là, ça claque fort !

Amis de Vleel et d'ailleurs, le message est simple : on se précipite si ce n'est déjà fait !
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Karl est de retour. Après 20 ans et accompagné par sa fille, il revient sur ses terres, le plateau de Millevaches. C'est dans ce cadre enneigé que le fragile équilibre de la ferme familiale vacille suite à son retour. C'est toute une petite communauté reculée qui voit le retour de cet homme d'un oeil méfiant. Les non-dits ressurgissent tout comme les souvenirs. Karl est taciturne et les raisons de son retour restent floues. Ce qui est certain c'est que les tensions (re)naissent et que le roman noir peut se déployer à partir de là, sous la très belle plume de Séverine Chevalier. Une écriture toujours au plus près des sensations de ses personnages. Parfois des phrases courtes. Parfois un mot. Rien n'est laissé au hasard dans ce roman, du rythme à l'atmosphère. Un sacré bouquin dans lequel on retrouve toute la singularité de l'autrice.
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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« Il faut bien que les choses se soient passées, d'une certain façon » Leitmotiv que je retrouve au fil des pages de ce livre. Et c'est ainsi que les choses se sont passées.
Presque envie de parodier la chanson de Brel « Ces gens-là » pour parler de cette famille.
D'abord, il y a l'aine, Karl, parti pour l'Océan, qui revient après vingt ans d'absence, avec pour tout viatique une dette de jeu et une fille muette
Et puis, il y a Pierre, surnommé l'Indien, frère puîné de Karl et, par là-même son souffre-douleur. Petite chose quasi obèse dans son enfance, devenu taiseux, vivant dans sa cabane, chassant à l'arc (d'où son surnom).
Et puis, il y a le père, le Doc comme on l'appelle au village. Docteur, il l'est. Méchant, aussi. Mais bon, ce n'est pas seulement de sa faute. Son propre père a tout fait pour. Cet homme n'a jamais connu l'amour, alors, comment voulez-vous qu'il en donne à ses propres garçons.
La mère, quant à elle, s'est perdue dans le sentier chimique des médicaments que lui fourgent son doc de mari pour oublier le départ de Karl, « pour flouter un peu le réel ».
Et puis, il y a la vieille, la mère, celle qui est à l'hospice, perdue par la grâce d'un alzeimeur et Joël le frère du Doc avec son chien Tak. Ah, j'allais oublié Henri Des Courts, père du Doc, sa belle gueule de salaud dans son cadre en bois

Et puis, il y a Angèle, la petite, la muette qui regarde et écoute, qui a compris que l'amour, la tendresse, la sécurité elle les trouve chez Pierre et non chez Karl
Et la nature omniprésente, la forêt enneigée où vivent les animaux sauvages que le Doc aime tuer comme des trophées avec son équipe de chasse. Pierre aussi les chasse, mais lui, préempte, les pistent avec son arc et sa patience. le père et le fils pistent un vieux sanglier, un solitaire que chacun voudrait ajouter à son tableau de chasse.
Karl, au café, retrouve son ancienne amoureuse, Mariline, qui vit avec Serge, son vieux copain, revenu cassé de l'Afghanistan.
La narratrice est la fille de Karl « J'ai cinq ans et je suis seule, dans la forêt. J'ai froid aux pieds. Je tiens à la mais un arc en plastique rouge rafistolé avec du scotch. Il y a du blanc et des arbres noirs, puis, deux détonations, au loin. Deux en une. C'est tout ».
Il y a beaucoup d'images lorsque je lis ce livre.
La blancheur de la neige dans la forêt, les arbres noirs, les sapins, le silence.
Le Doc qui le jour de Noël, alors que les garçons étaient petits, tirent deux coups de fusil en l'air pour tuer le Père Noël « Comme ça il viendra plus nous faire chier, le Père Noël… le Doc se rassoit et leur sourit »
Angèle qui, lors des obsèques de la grand-mère, quitte la main de son père pour prendre celle de son oncle.
Karl a genoux, quasi à plat ventre devant son père pour lui soutirer l'argent et régler sa dette de jeu et le père assis dans son fauteuil imperturbable, dédaigneux sous le portrait de son propre père.
La mère qui refuse ce nouveau Karl et qui enlève toutes les photos de SON Karl qu'elle pose sur la neige, tout comme elle le fera plus tard avec ses habits.
Le sanglier, le solitaire qui déambule entre les pages du livre traqué
Karl à la recherche d'un viatique qui va même tenter de voler les bijoux de la grand-mère agonisante.

Il y a le décalage entre la violence, la brusquerie qui sourd des personnages et la dentelle de l'écriture de Séverine Chevalier qui raconte tout ceci. Pourtant, les mots sont durs, bruts qui diffusent une atmosphère de malaise, comme un brouillard épais qui vous tombe sur les épaules. Rien n'est net et tout est soupesé à l'aune de la haine familiale. Pourtant, les mots se font légers comme la neige qui tombe et se dépose en un épais tapis. La noirceur est contrebalancée par la blancheur de la neige, Angèle, si angélique, qui traverse l‘histoire.
Une histoire qui ne se laisse pas oublier facilement, le sortilège marche encore même plusieurs semaines après avoir fermé le livre. « Il faut bien que les choses se soient passées, d'une certain façon »


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Vingt ans que Karl a fuis. Vingt ans que le plateau des Millevaches est le souvenir d'un passé douloureux. Un passé dans lequel il a fait du mal au frère, abandonné la mère, haï le père.

Mais c'est une nouvelle fuite qui va obliger Karl à revenir parmi les siens, dans des vies où plus personne ne l'attend. Chacun s'est accommodé de ses douleurs en dressant des cloisons opaques, floutées au fatalisme.
En arrivant avec ses besoins urgents et sa puce de cinq ans, mutique, dans ce paysage noir enneigé, hanté par une bête blessée qui rôde, Karl va raviver les secrets du passé qu'hommes et femmes se trainent dans une routine malsaine.


Je ne sais pas comment Séverine Chevalier fait pour écrire comme ça. C'est à la fois incisif et poétique, énigmatique et cinématographique. On a une impression de non-dits permanents, et pourtant, avec ses phrases parfois courtes, non verbales, ses italiques, ses pages de mots posés là, ses métaphores subtiles…

Séverine Chevalier m'a complètement embarquée dans son histoire. J'ai suivi Karl dans son passé et dans son présent, j'ai aimé le lien qui se crée entre cette petite fille mutique et ce frère taiseux, qui se comprennent dans leur silence. J'ai aimé cette noirceur sans facilité, ce drame sur fond de ruralité et d'humanité. J'ai aimé ce roman, tout simplement.

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"(...) La mécanique du récit est tranchante, parfaite, sobre, sans fioritures. Dans cet agencement, chaque personnage est un continent. le seul qui semble incapable d'évolution et conserve sa stature monolithique est le doc, le père du père. Ce roman court, parfait, sec et mélancolique, qui ressemble à une improvisation manouche, fait comme Karl quand il boit : “…plus il raconte et plus ça devient vrai, comme le sont parfois les rêves.” Et finalement, vrai ou pas, comme il est posé dès le départ, on s'en fout. On est invité dans une variation, pour un éblouissant tour de piste dans différentes temporalités, dans la mosaïque brillante des souvenirs possibles, la sensorialité intense des tricotages de l'esprit. (...) quand on l'a lu, on a envie de le relire encore et encore, comme on revient à une anamorphose, ou à certains tableaux. Parce que la langue de Séverine est lumineuse, claire, à la limite de la brutalité parfois, servie par une économie du récit toute en équilibres délicats, dépouillée, limpide. Un univers."
Les papiers de Lonnie in DM
Lien : https://doublemarge.com/clou..
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J'ai lu ce livre sur recommandation de Franck Bouysse, auteur de "Né d'aucune femme", de "Glaise" et de "Grossir le ciel", entre autres. On y retrouve, comme dans son oeuvre, l'attachement à la terre. Autour de Limoges. Rester ou partir, rare sont les personnages qui ont le choix. Karl a fait le choix de partir, mais il est contraint d'y revenir. Il doit trouver de l'argent pour régler une dette de jeux. Mais rien n'a vraiment changé.
Le style est là mais il y a une atmosphère à laquelle je n'ai pas été sensible. Trop délétère pour moi.
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Du noir de noir sur fond de neige. La Creuse servie sur un plateau. 

Un retour au bercail pour éviter la déroute. Une route qui se termine dans une forêt.

Une forêt où se retrouver pour se perdre. Une forêt où chasser.

Une chasse .

Qui est le gibier? le vieux sanglier blessé?  le hobereau arrogant ? le fils revenu et humilié? Qui est le chasseur? L'Indien silencieux? L'aîné à l'oreille arrachée? le Doc au chapeau decoiffé? L'ancien d'Afghanistan  à la tête chamboulée?

Une famille.

Une mère perdue dans ses fantômes. Une Mémé sans mémoire. Une morte aux rimes énigmatiques. Deux frères , ennemis, deux frères complices,   et un arc brisé.  Un père arquebouté sur son mépris. Dont la respectabilité masque le crime. Deux fils tendus comme la corde de l'arc. D'où jaillira la flèche qui mettra fin à la tension? Une petite fille muette, protagoniste du drame, sans les  mots, plus tard,   romancière  du drame, avec les  mots. Cloués dans les silences et les non dits, ses mots.

 Encore une fois, Séverine Chevalier m'a captée,  capturée, captivée.

Séverine ma clouer.

Même incroyable qualité d'écriture pour ce western creusois que pour Les Mauvaises , cantaliennes et funambulesques. Un peu désorientée pendant les premières pages, je me suis fait prendre à ce retour de l'enfant prodigue qui déclenche des catastrophes à la chaîne, et entraîner derrière Karl, derrière l'Indien, derrière la petite Angèle, au coeur de la forêt,  au coeur de l'hiver, au coeur du piège.


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Excellente idée de la part de la maison d'édition La Manufacture de livres que de rééditer ce Clouer l'Ouest ( initialement paru en 2015 ), dans le cadre de l'opération 10 ans / 10 livres. Ce livre s'inscrit avec bonheur dans la lignée du roman rural noir à la nature writing.

C'est l'histoire d'un retour : celui de Karl, plus de 20 ans après avoir fui sa famille et son village limousin. Il va bousculer l'équilibre fragile qui s'est établi chez lui, entre son père, intransigeant et craint, sa mère bouffée par les cachetons, son frère qui s'est exilé à sa façon en vivant dans les bois au contact de la nature, son ex Maryline, son ami d'enfance Serge.

Les chapitres sont très courts, alternant classiquement passé / présent. Ils instaurent d'emblée une tension, sourde, menaçante, omniprésente , qui ne semble avancer que vers une fatalité terrible. Comme si le drame qui est en train de se construire à partir de ce retour n'était en fait que celui qui avait commencé 20 ans auparavant et qui devait s'achever là, maintenant que tous les protagonistes sont à nouveau réunis.

Le plus formidable dans ce roman, c'est l'écriture de Séverine Chevalier, ciselée, chaque mot sonnant juste, placé juste pour s'insérer dans une prose poétique et terrienne qui dévoile les âmes de façon évidente. Cette écriture superbe transcende le banal drame familial, le hisse au niveau d'un drame shakespearien qui convoquerait le poids des haines recuites. C'est violent et beau à la fois.

Voilà comment elle raconte les retrouvailles entre le père et le fils :

" Une bête au fond de l'eau lui bouffe les pieds et l'attire vers le bas, dans la tourbière, et il n'y a rien à faire, il s'enfonce inexorablement. Il ne peut rien faire d'autre que de s'entendre aligner des mots stupides et vains tant qu'il peut encore respirer, tant qu'il a encore une langue qui se débat, une limace folle dans la bouche, une langue qui glougloute et qui déballe tout. Plus de boulot, le jeu, la séparation, les dettes, les emprunts occultes à 30%, les menaces, la petite fille qui ne parle pas, la vie nouvelle, les rideaux, ce qui va changer, ce qui changera si ... Il en appelle à la miséricorde, la bondé, l'infinie sagesse de Dieu son Père, caché derrière l'ordinateur. Il s'aplatit, pauvre pêcheur, il rampe, il lui baiserait les pieds pour un geste, une parole. Il est le grand Coupable qui expie et qui se vautre, s'étale encore, ne peut plus s'arrêter de se vautrer, et là, précisément l'abjection, dans tous ces amas spongieux dans lesquels pourtant il se brise ( amas spongieux de la supplique au père.
Si ça se trouve, de la mousse s'est agglutinée aux commissures, mais quajnd il les touche avec le pouce et l'index écartés pour se sentir, c'est sec et fenfillé comme du bois.
Le Doc se lève, contourne le bureau, ouvre la porte qu'il laisse grande ouverte et sort d'un pas mesuré, lent et égal, sans un mot. Et Karl, désossé, ventre ouvert, tête cassée, si piteusement risible qu'il en pleurerait de rire, s'il continuait à s'observer de haut, comme un insecte."

Ce sens du tragique s'appuie également sur une très belle idée, celle de faire traverser le roman par deux « personnages » singuliers : Angèle et la Bête. Angèle, la fille de Karl, 5 ans, dérangeante par son mutisme et le regard insondable qu'elle porte sur la folie qui couve, c'est elle la narratrice, celle qui raconte son père. Et la Bête, un sanglier à la dimension quasi mythique qui est traqué sans fin par le village, comme une métaphore.

Un roman concis et intense que j'ai lu comme hypnotisée. Il ne m'a juste manqué que de vibrer d'émotions autant que j'ai vibré de plaisir esthétique en découvrant l'écriture de Séverine Chevalier.
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