Le Bhoutan est le pays dans lequel les habitants se déclarent être les plus heureux du monde. le gouvernement a d'ailleurs la charge de maximiser le « Bonheur National Brut ». Toutefois, le pays ne s'ouvre pas totalement à l'extérieur et encadre strictement le tourisme (ce qui n'est sans doute pas sans corrélation avec la maximisation du bonheur de ses habitants).
Des changements surviennent cependant. L'auteure de ce recueil de contes explique sa démarche par sa crainte que ces derniers disparaissent : malgré une longue tradition de conteurs, ceux-ci intéressent de moins en moins la nouvelle génération, et la transmission orale devient compliquée. Figer ces contes sur du papier devient alors la seule solution de préservation.
Et ces contes donc ? Pour avoir lu pas mal de contes germaniques cette dernière année, on peut dire que l'ambiance est radicalement différente ici. Les méchants sont punis, les gentils récompensés, les morts ressuscités, tout est toujours bien qui finit bien.
Ces histoires nous permettent de nous plonger dans les paysages bhoutanais, ses coutumes et ses spécificités (on croisera notamment des démons ou le yéti). On notera également des similitudes avec des contes « occidentaux », ce qui est toujours une surprise : ces histoires voyagent-elles, ou parlent-elles de traits inhérents à l'espèce humaine ?
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Ce fut le début de longues années de bonheur pour la reine et son époux qui recevait toujours les conseils judicieux du signe boiteux resté auprès de lui. Cependant, à mesure qu'il vieillissait, le singe eut le sentiment d'être de plus en plus méprisé et, souvent, il se demandait si le roi de Bhakho éprouvait la moindre reconnaissance pour ce qu'il lui avait procuré. Il décida de tester le roi et, pour ce faire, alla s'étendre sous un arbre où, après avoir étalé un peu de kapé autour de sa bouche, il fit le mort. L'un des nombreux serviteurs le découvrit rapidement et s'empressa de rapporter le fait au roi.
— Oh, roi ! Le singe est mort !
— Eh bien, qu'attends-tu pour le tirer par les pattes et le jeter dans la rivière ? répondit le roi, désinvolte.
Écumant de rage devant tant de légèreté, le singe menaça le roi :
— Je révélerai à tout le monde qui tu es vraiment !
Profondément humilié, le roi implora le pardon du singe qu'il traita dorénavant avec le plus grand respect.
Pourtant, quelques années plus tard, l'impression d'être mésestimé reprit le singe qui décida de tester à nouveau les sentiments du roi. Il réitéra son stratagème. Mais cette fois, la nouvelle de la mort du singe affligea réellement le roi qui, non seulement ne dissimula pas sa peine, mais, portant un katar, alla personnellement s'incliner devant sa dépouille pour lui rendre un dernier hommage. Transporté de joie, le singe fut pris d'une irrésistible envie de rire qu'il réussit pourtant à réprimer mais, malheureusement, la trop grande quantité de kapé dont il avait enduit sa bouche l'étouffa, et cette fois-ci, il mourut pour de bon.