En 1921, à l'école de journalisme de l'université de Columbia, la jeune Miriam veut interviewer une journaliste qui en son temps défraya la chronique,
Nellie Bly. La rencontre entre les deux femmes est l'occasion, pour
Nellie Bly, de revenir sur les grandes étapes de son parcours …
Un vrai bonheur que cet album (lu en numérique par le biais de ma médiathèque) qui m'a permis de faire la connaissance d'une femme hors du commun, dont je n'avais jamais entendu parler !
Le livre s'ouvre sur une préface de trois pages rédigée par le grand reporter
David Randall, offrant un très intéressant aperçu de la biographie de
Nellie Bly (1864 – 1922). Il permettra de compléter les blancs éventuels de la BD : celle-ci ne fait en effet qu'effleurer toute la période (dix-sept ans) concernant son mariage et son action en tant que chef d'entreprise, car il aurait sans doute fallu un album encore plus copieux que celui-ci (qui comprend cependant 162 pages) pour viser l'exhaustivité.
Le biais utilisé pour approcher Nellie, même s'il sent un peu l'artifice narratif, permet cependant de mettre en parallèle la réalité de la condition féminine à quelques dizaines d'années d'écart. Miriam a beau se plaindre des quotas en vigueur à l'université et affirmer que rien n'a changé, Nellie lui fait remarquer que des choses ont évolué, les femmes ayant notamment obtenu le droit de vote.
Le coeur du propos, c'est la vie d'une femme décidée à réaliser son rêve, devenir journaliste, à une époque où on cherchait à cantonner les femmes de préférence à la sphère domestique ou, dans le domaine professionnel, à des secteurs dits féminins : donc le journalisme, pourquoi pas, mais pour parler de mode, cuisine, jardinage et tutti quanti.
A la faveur d'un courrier virulent qu'elle a envoyé pour protester contre un article de presse particulièrement misogyne, Elizabeth Jane Cochran, alias
Nellie Bly (le nom de plume qu'elle va adopter) parvient à se faire embaucher dans un journal à l'âge de vingt et un ans. C'est le début de ses reportages en immersion, sous couverture, le premier la plongeant au milieu des ouvrières : elle est pionnière en la matière. L'un d'eux connaîtra un retentissement extraordinaire.
En 1887, pour rejoindre le New York World, dont le patron n'est autre que Joseph Pulitzer,
Nellie Bly relève en effet un défi dangereux : se faire interner dans un asile psychiatrique féminin, le Blackwell's Island Insane Institut, afin d'en dénoncer les pratiques. L'objectif n'est pas seulement de rédiger un « bon » papier, mais de faire bouger les choses, et il sera atteint. le témoignage de
Nellie Bly, obtenu par le biais d'une expérience traumatisante, a un effet explosif : la journaliste lève le voile sur l'inacceptable, l'opinion publique s'enflamme et les pouvoirs publics sont obligés de prendre des mesures visant à empêcher les internements abusifs et les traitements cruels et indignes dont les femmes étaient l'objet. Ce souci social de défense de l'autre ne quittera jamais notre journaliste, y compris lorsque, pendant son mariage, elle n'exercera plus cette profession.
Nellie Bly est une femme moderne : en avance sur son époque, n'hésitant pas à s'engager dans le journalisme d'investigation, elle refuse les limitations qu'on voudrait lui imposer du fait de son sexe. C'est dans ce contexte qu'elle relèvera un autre défi, celui du Tour du monde en moins de quatre-vingt jours, fin 1889, dix-sept ans après la parution des aventures de Phileas Fogg. Il fallait un sacré cran pour partir ainsi à l'aventure ! Et
Jules Verne lui-même l'accueillera chaleureusement lorsqu'elle sera de passage à Amiens (j'ai adoré l'anecdote).
Alerte, le scénario de l'album est mis en valeur par un graphisme dont l'expressivité et le dynamisme, servis par des découpages hardis et une mise en couleurs tonique, m'ont emballée : l'album dégage une réelle énergie, aussi bien dans le fond que dans la forme, parfaitement à l'unisson.
«
Nellie Bly », voilà un nom que je n'oublierai pas car j'admire celle qui le portait. Cette chouette BD lui rend un très bel hommage.
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