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4,18

sur 4852 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  



“Qu'est-ce donc que la vie humaine sinon un collier de blessures que l'on passe autour de son cou?"

***

La guerre sévissant depuis plusieurs années lui a tout pris. Son village, dévasté. Sa famille, décimée. Il ne reste plus rien à Monsieur Linh si ce n'est une petite fille âgée de quelques semaines, dernier lien qui le raccroche encore à l'existence. 

Pour elle, il a décidé de fuir sa terre natale, celle "de ses ancêtres et de ses morts" et entreprend une longue traversée sur un océan chahuté. 

"Des jours et des jours. (...) tout ce temps, le viel homme le passe à l'arrière du bateau, les yeux dans le sillage blanc qui finit par s'unir au ciel, à fouiller le lointain pour y chercher encore les rivages anéantis."

Arrivé à destination, il rejoint un camp de transit pour réfugiés. La ville lui semble grande, froide, grise, sans odeur ni saveur. Rien ne s'apparente à ce qu'il connaît. Aucun visage ou repère familiers.

"C'est comme de venir au monde une seconde fois." 

Face au va-et-vient incessant de la foule, au vacarme assourdissant et aux regards indifférents voire hostiles, le vieillard se sent perdu, complètement démuni. 

" (...) c'est un pays étrange et étranger, et qui le restera toujours pour lui, malgré le temps qui passera, malgré  la distance toujours plus grande entre les souvenirs et le présent." 

Lorsque son chemin croise celui de Monsieur Bark, ce sont deux solitudes, deux âmes en souffrance qui se rencontrent, s'apprivoisent et se reconnaissent au-delà des mots.

Que leur réservera l'avenir ? 

*

Philippe Claudel nous offre un récit aussi sombre que lumineux mêlant subtilement tragédie humaine et force des sentiments. 

Conteur de talent au style sobre et dépouillé, il se place au plus près des personnages qui apparaissent bouleversants de fragilité.

Monsieur Linh fait partie de ceux dont je me souviendrai longtemps. Son dévouement, son courage et sa détermination forcent le respect.

Avec une simplicité désarmante, l'auteur dénonce l'absurdité de la guerre et interroge le regard que nous portons sur l'autre. 

Page après page, je me suis laissée bercer par la musicalité de ses mots et étreindre par l'émotion. 

Un beau roman sur le deuil, l'exil forcé, la nostalgie et les amitiés salvatrices à découvrir assurément.

***

"(...) ce peut être aussi cela l'existence! Des miracles parfois, de l'or et des rires, et de nouveau l'espoir quand on croit que tout autour de soi n'est que saccage et silence."
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Quand j'ai commencé à lire l'histoire de ce grand-père qui quitte le Viêt-Nam, je me suis demandé pourquoi Philippe Claudel s'était trompé et n'avait pas écrit « petite-fille ». Il m'a fallu attendre la dernière phrase pour le comprendre… mais je vous laisserai le découvrir vous-même !
Monsieur Linh quitte son pays natal ravagé par la guerre, après la mort de sa famille à la suite d'un bombardement. Il n'emporte avec lui qu'une valise, avec une vieille photo et un peu de terre, et la petite Sang Diû. Après six semaines de voyage, le bateau sur lequel il a fui arrive aux Etats-Unis. Dans ce pays dont il ne comprend pas la langue, il est accueilli avec d'autres réfugiés dans un dortoir avant que l'administration leur trouve à tous un autre lieu d'accueil. Comme il est le plus âgé, par respect plus que par générosité, les autres familles qui sont là lui fournissent de la nourriture, tout en le traitant de fou à cause de la manière dont il s'occupe de Sang Diû.
Le jour où Monsieur Linh sort pour la première fois du dortoir et affronte le froid de la grande ville, on assiste à la rencontre du déracinement et de la solitude. Sur le banc où il est assis, vient s'asseoir Monsieur Bark. un vieil homme veuf depuis peu, qui engage la conversation avec lui. Même s'ils ne se comprennent pas et que les mots qu'ils échangent sont plutôt des malentendus, ces deux hommes deviennent amis. Monsieur Linh se débrouille pour avoir des cigarettes à offrir à Monsieur Bark qui l'invite au restaurant, lui fait découvrir la ville et offre une robe à Sang Diû. " Grâce à Monsieur Bark, le pays nouveau a un visage, une façon de marcher, un poids, une fatigue et un sourire, un parfum aussi, celui de la fumée des cigarettes. le gros homme a donné tout cela à Monsieur Linh, sans le savoir."
Un jour, quand ils sont au port, Monsieur Linh regarde la mer au loin et nomme son pays, le Viêt-Nam. A cette évocation, Monsieur Bark se remémore la guerre qu'il a dû faire là-bas et en demande pardon à son ami. Les deux hommes se voient tous les jours jusqu'au jour où Monsieur Linh est emmené dans ce qu'il croit être un château, mais qui n'est qu'une maison pour les personnes âgées. Elle ressemble un peu à une prison, avec ses pensionnaires en uniforme pyjama blanc et robe de chambre bleue. Monsieur Linh essaie de sortir pour retrouver son ami, mais le personnel l'empêche de le faire. Alors, il fait profil bas pendant plusieurs jours avant de trouver le moyen de quitter discrètement cet endroit.
Les retrouvailles avec Monsieur Bark sont plus difficiles qu'il le pensait : il traverse toute la ville , se perd, se blesse… Tout à coup, il aperçoit son ami sur le trottoir d'en face, il traverse la rue… et se fait écraser ! Monsieur Bark qui l'avait vu le rejoint et croit qu'il est mort. Finalement c'est Sang Diû, que Monsieur Linh a protégée depuis qu'il a quitté son pays, qui lui redonne la vie grâce au geste de Monsieur Bark qui la pose sur le coeur de son ami. Et en ce soir de début de printemps, Sang Diû, "Matin Doux", devient source de vie.
Cette histoire de déracinement et de solitude montre qu'il n'y a pas forcément besoin de paroles pour se comprendre, pour se donner des signes d'amitié, pour marcher un bout de chemin ensemble. "C'est comme de retrouver un signe sur un chemin alors qu'on est perdu dans la forêt, que l'on tourne et tourne depuis des jours, sans rien reconnaître", pense Monsieur Linh quand il retrouve Monsieur Bark après leur première rencontre. Une belle rencontre pour eux deux... et aussi pour le lecteur !
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L'histoire de la rencontre de deux hommes cabossés par la vie, et qui ne parlent même pas la même langue.

Une histoire gentillette, avec des bons sentiments, un peu à la Eric Emmanuel Schmitt. N'empêche que c'est bien écrit, avec des mots très justes.

Enfin, histoire, c'est un bien grand mot, car il ne se passe pas grand-chose dans ce livre. On se côtoie, on s'apprivoise, on se confie, mais tout reste caché dans les non-dits et les arrière-plans. Ce que les deux hommes ont vécu, chacun de leur côté, pourrait facilement faire l'objet d'un livre entier, voire de plusieurs, pourtant cela ne se devine qu'en ombre chinoise (facile, celle-là).

Tout le talent de l'auteur réside justement dans son art de la suggestion. Il n'est pas facile de suggérer des émotions de manière subtile, sans les marteler à grands coups d'évidences. Mais Philippe Claudel réussit le pari. On se sent pris aux tripes par le malheur de ces deux êtres, et l'auteur nous démontre qu'il n'est pas besoin d'en connaître tous les détails pour compatir.

Plus long, le roman n'aurait pas supporté cette absence d'histoire (enfin, je veux dire : moi, je n'aurais pas supporté….), mais avec ce format très court (150 pages), c'est très bien.

Je conseille.

Lien : https://marc-torres.fr
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Un joli conte sur l'exil et le déracinement, sur l'amitié aussi, qui se moque des barrières de la langue ou de la culture. Un petit livre lu peut-être trop rapidement, j'aurais pu voir venir le twist final en étant plus attentif. Ce n'est pas inoubliable mais l'écriture est précise quoi que sans prétention, et la lecture est agréable. Je reviendrai peut-être vers Philippe Claudel au hasard de mes lectures, sans en ressentir vraiment la nécessité dans l'immédiat.
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J'avais déjà lu ce roman il y a quelques années et il m'avait marquée (surtout la fin bien évidemment)
Je l'ai récemment conseillé à quelqu'un et pour mieux en discuter avec cette personne, je l'ai relu.
C'est une lecture bien différente de la première fois, puisque cette fois je connais la fin. Et c'est une expérience assez magique que je conseille à tous ceux qui avaient aimé ce beau roman, à l'écriture si poétique.
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Philippe Claudel nous raconte une histoire simple. Il choisit de suivre pendant quelques jours monsieur Linh, un vieil homme exilé confronté à un environnement hostile. Hostile parce qu'il n'en comprend pas la langue, les codes ou n'en reconnaît pas les senteurs. Pour continuer à vivre, monsieur Linh se raccroche aux souvenirs de ce pays qu'il a dû quitter, puis aux rencontres avec un homme seul qui devient rapidement son ami alors qu'il ne comprend pas ce qu'il lui raconte.

L'auteur évoque avec tendresse ce pays à tout jamais perdu. On ne saurait nier que c'est triste mais sans aucun pathos.


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Une jolie histoire enveloppée dans un tissu de soie.
Monsieur Linh, on ne sait pas vraiment d'où il vient, Philippe Claudel laisse le soin au lecteur de choisir ses origines, il nous laisse le soin de la destination également, une grande ville portuaire française ou européenne, sans âme, sans parfum, sans racine pour ce vieil homme réfugié qui a tout perdu à part sa vie, là-bas, à des milliers de kilomètres. Non, pas tout ; lui reste Sang diû, sa petite fille, un bébé de quelques semaines, docile, discrète, silencieuse, trop. Son unique raison de vivre.
Sa rencontre avec Monsieur Bark, au pied du refuge qui les loge, lui et le bébé, les monologues du gros homme dont il ne saisit aucun mot mais dont il ressent la solitude et la bienveillance, lui apporteront de quoi s'ancrer à cette ville bruyante et hostile. Voilà le point de départ de ce court roman.
Mon imagination a choisi le Vietnam comme point de départ, probablement parce que ce pays me fascine. Je pense avoir visionné tous les films évoquant l'énorme raclée administrée au colosse aux pieds d'argile d'outre-Atlantique. Une guerre dont personne ne voulait. Une guerre dont les héros traumatisés n'ont reçu aucune reconnaissance à leur retour.
« Et j'suis revenu dans le monde, et j'ai vu ces hommes me conspuer comme un salopard. Ils m'ont traité de toutes les saloperies, ils m'ont appelé boucher. Qui sont-ils pour me faire des reproches, hein ? Qui sont-ils ? Est-ce qu'ils étaient à ma place, en pleine jungle ? »
J'ai des dialogues de la trilogie d'Oliver Stone, tout pareil 😅.
Au travers la plume délicate de Claudel, j'ai été transportée par les souvenirs du vieil homme, j'ai pu ressentir la douceur de son pays d'avant la guerre, ses arômes, ses couleurs. Je n'ai pu m'empêcher de faire le lien avec les magnifiques descriptions d'Emulsion, premier roman de Vanaly Nomain qui m'avait tant touchée.
L'écriture de Philippe Claudel est ici très différente de celle découverte dans Fantaisie allemande le mois dernier. Il modifie ici volontairement son style en fonction de l'espace temps. Les narrations décrivant les souvenirs du vieil homme empruntent les chemins de traverse, parsemés de poésie, de douceur, j'ai relevé comme à l'accoutumée, moult fulgurances agréables et mélodieuses.
Quand la narration décrit l'existence du vieil homme dans la ville, le style se veut épuré, répétitif, presque enfantin ( et pour cause ). Les sujets se répètent, les pronoms personnels disparaissent au profit des syntagmes Monsieur Linh, Monsieur Bark, le gros homme, le vieil homme...
Les phrases commencent alors souvent par des conjonctions de coordination, posées de manière abrupte, maladroite comme l'est ce pauvre homme un peu fou, face à la violence de la ville.
La fin, surprenante autant qu'émouvante donnera du poids à ce titre qui me paraissait un peu fade au départ.
Je n'aurais simplement pas rajouté les quelques dernières phrases de la toute fin qui viennent changer inutilement le cours des choses, mais parce que je préfère les sad aux happy ends.
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Un vieil homme, un bébé. Seuls au monde.
Ils ont fui la guerre, traversé l'océan, se sont échoués là.
Ensemble, toujours.
Elle dans ses bras à lui, lui l'oeil toujours sur elle et debout, digne mais circonspect dans l'effarant tumulte de cette ville immense, froide, inconnue.

Foule pressée, voitures folles, dédales d'asphalte, promiscuité dans le dortoir des réfugiés, barrière de la langue : voilà la nouvelle vie qui s'offre à Monsieur Linh. Tu parles d'un cadeau...
Qu'il est loin son village natal ! Où sont donc les rizières baignées de soleil, où sont les grands banians et les buffles à la marche paisible ?
Disparus, enfuis, oubliés.
Mais qu'importe, seule compte aujourd'hui l'enfant. Pour l'amour exclusif de sa petite fille, le grand-père va devoir réapprendre à vivre.

Heureusement sur un banc est assis M. Back, gros bonhomme volubile et bienveillant.
Enfin un visage amical, une main tendue, un point d'ancrage. C'est le début d'une indéfectible amitié, d'autant plus solide qu'elle se passe de mots.
Back et Linh ne parlent pas la même langue, ils ignorent tout l'un de l'autre mais cela n'a pas la moindre importance. le premier bavarde, le second écoute, chacun y trouve son compte.
Voilà tout.

Certains jugeront cette histoire sommaire, enfantine, voire simpliste.
Il est vrai que le texte est très court et que la plume de Claudel est légère, naïve, sans fioritures. Phrases succinctes, vocabulaire basique, style épuré à l'extrême.
Mais où et quand fut-il dit qu'un bon roman se doit d'être nécessairement épais, complexe, sophistiqué ?
Nul besoin d'en faire trop pour raconter l'exil, la solitude du déraciné, la tendresse du regard porté par un aïeul sur sa petite-fille miraculée, l'improbable complicité entre deux étrangers, l'intensité d'une poignée de mains échangée...
Il y a pourtant tout ça dans ces quelques pages éthérées, qui ne réservent pas de véritable surprise (même le coup de théâtre final, tellement joli, était tout à fait prévisible) mais qui en quelques mots justes, quelques formules concises, quelques images sensibles, savent nous dire l'essentiel.

Un bien joli roman, tout en douceur et en poésie.
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Je reste un peu mitigée sur ma lecture. J'ai trouvé la première partie un peu répétitive et un peu fade, j'ai préféré la fin du roman. Même si la fin du roman explique en effet le début, cette première partie a manqué de relief à mon goût. J'ai éprouvé des difficultés à entrer en résonance avec les deux personnages principaux, le vieil homme et son ami. L'histoire reste belle et se lit facilement.
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Monsieur Linh est sur un bateau. Dans ses bras, il porte l'unique héritage de sa famille et de son pays: sa petite fille. Contraint de quitter son pays en guerre, le vieil homme s'est promis de veiller sur cette enfant et de tout faire pour qu'elle soit heureuse.

Arrivé dans un dortoir accueillant d'autres réfugiés, Monsieur Linh va être confronté à la solitude.
Heureusement une rencontre fortuite va changer son destin et lui redonner du baume au coeur.
La barrière de la langue pourrait être un frein mais le langage de l'amitié n'est-il pas universel quand les êtres sont emplis de sincérité et d'amour?

Ce roman est profondément touchant. La guerre et la solitude nous prennent aux tripes plusieurs fois et les larmes me sont parfois montées aux yeux.

Monsieur Linh est un personnage très attachant: très délicat avec sa petite fille, qu'il a peur de casser dans un premier temps, il finit par avoir des gestes très tendres envers elle et cette relation est très émouvante. Ils ne sont l'un et l'autre plus que le seul lien qu'ils leur restent de leurs vies d'avant pour toujours.

La relation d'amitié qui unit Monsieur Linh et Monsieur Bark est également très inspirante: malgré la barrière de la langue, les deux hommes vont s'entraider dans leur chagrin respectif et s'attacher l'un à l'autre. Leurs rendez-vous quotidiens vont leur permettre de garder un point d'ancrage dans leurs existences fragiles.

Ce livre est un bijou. Foncez. Il est court mais intense et se lit avec fluidité et plaisir malgré le sujet qui pourrait être difficile à aborder. Plus que d'actualité, il rappelle à quel point le don de soi, la tolérance et la solidarité sont des valeurs précieuses.
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