A l'arrière d'un bateau rempli de réfugiés, un vieil homme regarde s'éloigner son pays et tout ce qu'il a connu. Il n'emmène avec lui qu'une petite valise contenant quelques vêtements, une photographie ternie et un peu de sa terre natale. Son plus grand trésor, il le tient dans ses bras, sa petite fille de seulement quelques semaines nommée Sang diû, dont les parents sont morts sous les bombes. Il lui chante cette chanson que les femmes de son village désormais disparu chantaient aux petites filles lorsqu'elles venaient au monde :
« Toujours il y a le matin
Toujours revient la lumière
Toujours il y a un lendemain
Un jour c'est toi qui seras mère. »
De l'autre côté de l'océan, Monsieur Linh est pris en charge comme tant d'autres réfugiés. On lui attribue un coin de dortoir. le morne quotidien du vieil homme solitaire est tout entier suspendu aux soins attentionnés qu'il donne à sa petite fille. Un jour qu'il se promène dans la rue au bas du bâtiment où on les loge en attendant une solution plus pérenne, Monsieur Linh s'assoit sur un banc, son enfant dans les bras. Arrive alors un gros et grand homme au regard éploré, fumant cigarette sur cigarette et cherchant à soulager par la parole un peu de toute la tristesse qui l'habite. Bien que Monsieur Linh reste mutique et ne comprenne pas un mot de la langue que parle cet homme courtois, c'est une bien étrange et jolie amitié qui débute…
Dans ce court roman qui charme par sa simplicité,
Philippe Claudel décrit la perte et le déracinement, la confrontation avec l'inconnu, et malgré cette adversité, la lumière que représente l'intérêt porté aux autres et le partage de plaisirs simples. Il évoque les souvenirs de ce vieil homme, ce qu'il a perdu et ne retrouvera jamais, il parle aussi de l'altérité, du regard porté sur la différence et le passé. Une écriture sans prétention, mais un sujet traité avec une certaine grâce et dont l'apothéose poignante résonne durement une fois la dernière page tournée.