L'auteur se concentre ici sur l'histoire littéraire, artistique, linguistique et intellectuelle de cette période, mettant en exergue toutes ses richesses en ces domaines et leur influence sur l'évolution qui suivit, de la Renaissance à nos jours. Un livre dense et captivant, mais qui bien que simple d'accès n'en reste pas moins dur à déglutir de par la somme de son érudition. Ceci pour ma part n'étant pas très familiarisée avec cette part de notre histoire. Mais a contribué justement à dissiper un peu la brume....
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L'auteur écrit à New York en 1942 sur la clarté médiévale en opposition avec l'obscurité de son époque.
Il dresse un tableau général des arts, des techniques et des idées du XIe au XVe siècle et énumère en particulier toute une série d'oeuvres et d'auteurs d'une façon enthousiaste, voire exaltée, littéraire et entraînante.
L'édition de 1943 est aussi agréable à lire à cause de sa forme : beau caractère typographique assez gros, pagination étroite, qualité du papier, et on s'y engage d'autant plus volontiers qu'elle est courte (210 pages).
Toutefois, si l'ouvrage intéressera ceux qui veulent découvrir le sujet ou le réviser, il n'est peut-être pas le mieux indiqué pour y voir clair dans cette « clarté ».
Son point faible est en effet de très peu évoquer les causes/conséquences des événements. L'auteur se fait plaisir à décrire les faits de façon très littéraire mais prend peu la peine d'analyser ce qui les sous-tend. Il raconte mais explique peu, dit le quoi mais peu le pourquoi, ce qui n'aide pas à discerner les grandes inflexions de la période et finalement de la comprendre.
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Que de nuits soucieuses, de veilles et d'inquiétudes pour celui qui, la dressant d'abord dans son esprit, voyait surgir dans l'ombre et en grisaille, comme un rêve encore immatériel, la cathédrale, sa nef, ses doubles bas côtés avec ses chapelles latérales, son chœur et son déambulatoire, érigés sur la crypte romane, les tours escaladant le ciel, les arcs-boutants et leurs clochetons, et les trois porches immenses de l'entrée occidentale et ceux du Midi et ceux du Septentrion, tous logeant un peuple de statues dans leurs trumeaux et leurs voussures, dont il sentait le grouillement, sans apercevoir encore nettement les formes !
Quelle hallucination exaltante, mais tout cela pourrait-il être réalisé ? N'allaient-elles pas s'écrouler sur le peuple rassemblé et serré des fidèles les voûtes en croisées d'ogives substituées au plafond carolingien ou aux lourds arceaux romans ? Combien fallait-il de colonnes en faisceaux pour les soutenir, d'arcs-boutants extérieurs pour les étayer ? Comment éventrer les murs pour faire entrer à flot la lumière sans diminuer leur solidité, donner l'impression de l'abri et celle de l'immensité, faire entrer le ciel dans l'asile de Dieu et permettre l'évasion des âmes vers Lui, et, ces grandes rosaces à multiples branches une fois créées, les reboucher pour tamiser la lumière, la décomposer, jouer avec les couleurs après avoir joué avec les courbes, les formes et les rythmes, pour que la fête fût complète et que le bourdonnement des prières, les mélodies des hymnes et des motets réjouissent les oreilles, tandis que les couleurs égayeraient les yeux pour remplir les cœurs de plénitude et de béatitude.
La voilà la grande clarté du Moyen Âge !
L’amour, création du XIIe siècle, a dit un jour Seignobos, dans une spirituelle boutade, qui contient une grande part de vérité. Que la femme ne soit plus le jouet des intérêts matériels (du moins dans le roman), mais ne soit plus soumise qu’à la loi de son cœur, qu’elle ne soit plus contrainte seulement d’obéir, mais invitée à commander, qu’elle soit l’objet, dans sa beauté charnelle et surtout morale et spirituelle, d’un véritable culte qui engage tout l’être du suppliant et l’ennoblit plus encore qu’elle, tout cela, qui est en partie encore littérature, mais passera de celle-ci dans les cœurs, est le produit d’une société pacifique qui développe l’existence mondaine et en organise les délicieux loisirs.
Il ne s'agit pas de présenter une autre histoire de la philosophie médiévale - il y en a plusieurs déjà de récentes et d'excellentes dues aux spécialistes les plus avertis - mais plutôt une histoire de la sensibilité médiévale et un tableau des acquisitions durables que nous lui devons, des valeurs encore profitables que nous y trouvons.
Le terme même de Moyen Age est le plus impropre qui soit et je voudrais lui voir substituer, surtout en ce qui touche la France, celui de Premier Age. Il nous a été imposé par les Humanistes de la Renaissance qui ont envisagé ce temps comme la transition entre l'Antiquité classique gréco-romaine et l'époque qui prétendait l'avoir ressuscitée.
Je me suis toujours étonné, non qu'il y ait une littérature latine survivant à la perte du latin comme langue parlée, mais qu'il y ait eu une littérature française, étant donné que, jusqu'au XVIe siècle et même parfois jusqu'au XVIIe, le latin a été dans l'enseignement la seule langue "véhiculaire", comme on dit en Belgique. (P21)
TROUVÈRES – L’Âge d’or du XIIIe siècle (Chaîne Nationale, 1951)
Une intervention de Gustave Cohen dans une émission de radio diffusée sur la Chaîne Nationale le 14 juin 1951.