Les liens familiaux, de tous ordres, sont les fondations de la plupart des romans de
Sandrine Collette. Avec comme socle la nature, dans toute sa splendeur et sa rudesse.
On était des loups ne déroge pas à la règle, mais n'imaginez pas pour autant que ces histoires se ressemblent.
Il en va de même concernant la manière de les raconter et de les écrire, qui diffère fortement. C'est tout particulièrement prégnant avec ce livre-là. Brut, brutal. Au point que même la ponctuation s'en trouve bouleversée.
A peine 200 pages, une écriture à la première personne, un langage parlé. Ce qui marque dès les premiers mots, c'est ce choix de narration, direct, spontané. Qui fait appel instinctivement aux émotions, au point de heurter frontalement.
Du coup, voilà une lecture qu'on vit en apnée, tant l'immensité de la nature est écrasante, tant ce qui va se dérouler entre un père et son fils est suffocant.
Le choix de cette manière de raconter demande quelques pages d'adaptation mais, très vite, se révèle comme une évidence. La bonne manière de faire passer les émotions viscérales qui transpercent le récit de part en part.
L'homme de l'histoire tient autant de la bête, tant il est habitué à se fondre dans ces montagnes et ces forêts loin de tout. A vivre en autarcie, loin de la plupart de ses congénères, à part quelques contacts sporadiques.
Les circonstances vont l'obliger à s'occuper d'un enfant, son fils. Mais l'instinct paternel n'est pas inné, surtout quand on côtoie davantage les ours et les loups que les humains.
Les deux partent à cheval. Pour se découvrir ou pour se perdre, là est la question.
Évidemment, on pense à La route de McCarthy, mais Collette trouve rapidement son chemin, sa singularité.
On comprend vite que c'est l'écrasante beauté de la nature environnante qui dicte ses lois. Que sa sauvagerie déteint sur ceux qui osent l'affronter. Que la part d'humanité risque de se perdre à chaque détour de sentier.
On suit ces deux personnages, cet homme particulièrement ambigu, avec le palpitant qui pulse, et un sentiment d'urgence et de catastrophe annoncée.
Sa relation avec la chair de sa chair est déchirante, heurtant les fondements mêmes de notre humanité.
Cette écriture aride était un choix audacieux (pour ne pas dire casse-gueule), qui se révèle être un pari réussi. Les ressentis s'en trouvent au plus près des personnages, les conditions d'isolement sont palpables, la détresse morale et mentale tangible. Au point que certains passages clés collent littéralement des frissons.
Même s'il est un peu court, ce roman se vit avec les tripes, et le talent de
Sandrine Collette éclabousse à nouveau chaque paragraphe.
On était des loups est un récit âpre, qui bouscule. Une histoire qui ne dira qu'à la fin si elle bascule du côté de l'amour ou dans l'horreur. Une magnifique leçon de vie autant qu'un roman d'apprentissage marquant.
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