Je ne connais rien au blues, je ne connais que peu de chanteurs, mais je suis une grande assidue de France Musique donc ça m'ouvre les oreilles !
Ceci étant, ce n'est pas à cause de France Musique que je suis tombée sur ce livre, non mais à cause d'un comic porté à l'écran en série "HellBlazer" alias Constantine. Un des épisodes parle d'un disque maudit (un 78 tours pour gramophone - an acetate en VO) : le musicien qui l'avait gravé, avait vendu son âme au diable afin de devenir célèbre et le diable venait réclamer son dû à chaque fois que le disque était écouté en tuant l'âme de celui qui l'écoutait et en le gelant.
Avec ce roman biographique, j'ai rencontré le musicien dont parlait selon toute vraisemblance, cet épisode : Robert Leroy Johnson.
Johnson est né en mai 1911, enfant de parents non mariés, noir à Hazlehurst, dans un Mississipi, où la vie était très rude. Son enfance, marquée par la pauvreté de la vie de métayers, l'errance (avec sa maman, Julia, ses frères et soeurs, là où vivait l'homme qui partageait un temps la vie de leur mère), n'est pas très joyeuse et pourtant il y a une chose qui éclaire l'univers de Johnson : la musique, la musique du coin, le blues, celle qu'on appelait la musique du diable.
Au début, Robert n'a pas de guitare, mais il s'en crée une avec des cordes clouées sur une caisse ou sur le mur en bois de la maison où la famille loge (le diddley bow). Il apprend à jouer d'une grande variété d'instruments : harmonica, guimbarde, piano ... Il apprend vite et innove. Et toujours le blues, cette musique qui s'oppose aux chants religieux, aux gospels, qui raconte la vie des uns et des autres, les aventures illégales, les amours illégales, l'alcool, la drogue ... Une musique avec des paroles au double sens, canaille ...
Robert va très vite refuser la vie de paysan qui l'attendait dans les champs (et se faire poursuivre à coup de tout ce qui lui passait sous la main par celui qui incarnait la figure paternelle du moment) pour devenir musicien professionnel. Et il le devient dés 1926 : il a 15 ans. Il va ainsi promener sa grande carcasse séduisante (il séduira toutes les femmes sans distinction, sans arrêt, changeant de donzelle dans chaque nouvelle ville) sur les routes : à pieds, en bus, en train pour rencontrer d'autres musiciens et apprendre, affiner sa technique. Talentueux au possible, avec une oreille exceptionnelle, il inventa de multiples façons de jouer le blues.
Il se mariera, mais son épouse Virginia Travis, et l'enfant qu'elle attendait de lui, mourront : ils étaient l'ancre qui auraient pu stabiliser Johnson. Il a alors 19 ans.
Robert Johnson mourra très jeune, 27 ans, pour une bête histoire de fesse. Il avait une descente d'alcool incomparable, ce qui n'aidera pas à ce moment capital de sa jeune vie.
Robert Johnson a enregistré des disques comme on le faisait à l'époque dans des conditions épiques avec si peu de prises qu'il fallait être génial tout de suite, dans des studios où la climatisation se limitait à un bloc de glace et un ventilateur (arrêté lors des prises de son).
Ce livre m'a appris beaucoup de choses sur la condition des personnes noires dans ces années là, sur le noms des maisons/cahutes locales qu'habitaient ceux qui n'avaient jamais beaucoup d'argent, sur ces soirées où musiciens, danseurs se réunissaient dans des maisons un peu plus grandes pour s'amuser et se détendre de leurs dures journées. le livre fourmille de photos très émouvantes de personnes citées (quelles belles mains avaient
Robert Johnson), de relevés d'état civil, topographiques, de lieux. le roman remet en place l'époque, les coutumes, la légende, explique comment elle s'est bâtie (même si le bluesman Johnson reste en lui même une légende). Autour des rites vaudou, Hoodoo, de papa Legba, des jeteurs de sort, des rites associés à la communication avec les esprits venus d'Afrique avec les esclaves, du fait que certains bluesmen aimaient jouer dans les cimetières parce que c'était calme et qu'ils entendaient ainsi parfaitement sonner leur instrument, que le carrefour reste associé au diable et au choix qu'il implique (droite-gauche-tout droit) pour avancer, ce roman décrypte la vie de
Robert Johnson et lui rend un très bel hommage ainsi qu'aux autres bluesmen, que je ne connaissais pas, mais que j'ai eu grand plaisir à rencontrer. A découvrir !