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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Almayer's Folly, A Story of an Eastern River
Traduction : Anne-Marie Soulac
Annotations : Raymond Las Vergnas
Préface inédite : Sylvère Monod

ISBN : 9782070410651


Ce premier roman de Joseph Conrad contient déjà les principaux thèmes de son oeuvre, à savoir la déchéance à laquelle le désespoir et une vie faussée peuvent amener l'homme, le mystère incompréhensible de l'âme orientale et celui, encore plus énigmatique, de l'âme et des réactions féminines, le gouffre qui sépare - et séparera toujours - l'Occident et l'Orient. On peut y ajouter la tragédie car l'auteur d'origine polonaise, converti aux beautés de la langue anglaise, ne jouera jamais dans la cour des écrivains comiques.

Dans "La Folie Almayer", qui doit son nom à la maison construite par le héros au temps où il avait encore quelques illusions, tout est tragédie. A commencer par l'abordage qui fait du capitaine Lingard le tuteur d'une fillette née à bord d'un navire pirate malais. Puis viennent les années d'éducation imposée dans les meilleurs pensionnats et enfin le mariage avec Almayer, jeune homme plein d'avenir. A l'époque. Et à condition que son beau-père l'épaule. Almayer n'épouse en effet la jeune fille que dans l'espoir d'hériter du trésor de Lingard. le plus mauvais motif pour une union entre deux êtres aussi dissemblables. Mais ce trésor existe-t-il ? Et, si oui, où diable est-il ?

Le jeune couple a un enfant, une fille, prénommée Nina, et son père reporte sur elle tout son amour et toutes ses espérances. Il rêve toujours de découvrir le trésor du capitaine hollandais. Mais ensuite, au lieu de s'éterniser en Malaisie, il partira. Avec Nina. Pour rejoindre une Europe fantasmée où tous, devant la fortune du père et la beauté eurasienne de la fille, s'inclineront comme on s'incline devant des monarques.

Seulement, il fallait s'y attendre, le Destin guette en la personne d'un jeune fils de rajah, Dain Maroola, venu demander son appui commercial à Almayer, et dont Nina tombe instantanément amoureuse.

L'intrigue prend son temps, à l'image de ce fleuve aux innombrables canaux qui enserre le village de Sambir, où se situe l'action. Cela serpente, s'arrête, piétine paresseusement avant de repartir avec nonchalance - et détermination. le fleuve sait où il va, droit sur la mer, et Conrad sait où il va mener son héros, dans le vestibule d'une Mort qu'il attendra avec résignation, une pipe d'opium à la main. C'est lent, peut-être. Mais c'est surtout glaçant et implacable. Est-ce la Nature ici qui, comme dans "Au Coeur des Ténèbres", pousse les hommes qui n'y sont pas nés à la déchéance ? Ou Almayer, brave garçon au fond et père responsable, est-il né sous une mauvaise étoile qui le hante jusqu'à la chute finale ? La haine et le mépris que lui voue son épouse jouent-ils dans l'affaire le rôle que semble leur prêter Conrad ? A moins que ce ne soit la trahison de Maroola et cet amour passionné qui le lie à Nina qui soient les détonateurs ? Nina a-t-elle pleinement conscience de devenir le bourreau d'un père qui voulait pourtant le meilleur pour elle ? A-t-elle raison de vouloir vivre pour elle, abandonnant non seulement son père mais avec lui la part occidentale de sa nature ? Et cela lui portera-t-il bonheur ? ... Ou bien tout cela était-il prévu dès la naissance d'Almayer, tant il est vrai que certains, peut-être tributaires d'un karma précédent dont ils ne se rappellent plus rien, sont appelés à subir plus durement les verges du Destin ?

Pour ceux qui ne connaissent de Conrad que le célébrissime "Au Coeur des Ténèbres" et qui veulent aller au-delà, "La Folie Almayer" constitue une étape incontournable car elle pose les fondements, conscients et inconscients, de l'oeuvre tout entière. D'ailleurs, dans "Un Paria des Îles", qui sera le deuxième roman de Conrad, on retrouvera certains personnages et ce milieu étouffant, poisseux de chaleur et d'humidité et dégoulinant d'une haine et d'un mépris insidieux entre l'Homme blanc et l'Homme oriental. C'est dire combien l'auteur tenait à son premier essai romanesque et combien il le considérait lui-même comme important. Par conséquent, si vous vous intéressez à Conrad, ne passez pas à côté de "La Folie Almayer", qui n'a sans doute pas la puissance de "Lord Jim" ou du "Nègre du Narcisse", mais qui n'en demeure pas moins un premier maillon solide et prometteur. ;o)
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Mon professeur d'anglais en classe prépa avait chaudement recommandé Conrad. Ayant terminé il y a quelque temps mon premier Conrad, je dirais sans hésiter qu'il était de fort bon conseil.


Pour ma part, j'ai discerné deux niveaux de lecture dans ce roman:
-un premier, propre à son contexte historique, à savoir le colonialisme et ses conséquences sur les rapports entre Occidentaux et colonisés.
-un second, plus universel, que l'on pourrait transposer au monde actuel, applicable aussi bien aux immigrés qu'aux expatriés: le dilemme de l'étranger, qui n'ose revenir dans son pays natal sans avoir réussi dans le pays où il a émigré, et qui du coup perd tout lien avec le premier.


Ces deux niveaux de lecture sont bien entendu intimement inbriquées entre eux. Nous voilà donc en présence d'un colon néerlandais, Kaspar Almayer, échoué sur l'île de Bornéo, dans ce qui était alors une partie des Indes néerlandaises (devenues depuis l'Indonésie). Celui-ci s'est marié, plus jeune, à une Malaise qui était la fille adoptive de son patron, le capitaine Lingard. Celui-ci, en échange du mariage, avait promis de retrouver et partager avec son beau-fils un trésor se trouvant au coeur de la jungle. Or Lingard disparaît subitement, et durant des décennies, Almayer court après ce trésor dont on se demande s'il a réellement existé un jour...


A vrai dire, Almayer lui même éprouve un certain découragement par rapport à cette entreprise. Ce qui l'empêche néanmoins de retourner aux Pays-Bas, c'est d'une part le refus de rentrer au pays en homme ayant échoué, mais aussi le désir d'assurer l'avenir de sa fille Nina, enfant unique née de son mariage avec sa femme malaise.


La pression lui dictant de réussir est d'autant plus forte qu'en tant que Blanc dans une société coloniale, il se doit de montrer l'image de l'homme arrivant à ses fins (lisez la nouvelle "Shooting an Elephant" de Georges Orwell, c'est éloquent en la matière: même si vous ne le trouvez qu'en anglais sur Internet ça ne fait pas plus de 2-3 pages), et d'autre part, pour permettre à sa fille métisse de se faire une place dans la société coloniale, une fortune suffisante est nécessaire pour faire oublier ses origines en partie malaises.


Même si le racisme actuellement est bien moins marqué qu'au temps du colonialisme triomphant, il n'en demeure pas moins que le rapport d'Almayer avec Nina illustre bien ce phénomène par laquelle toute expatriation, toute immigration distend les liens avec le pays d'origine: ayant fait sa vie dans le pays d'accueil (parce qu'on y a eu son ou ses enfants comme Almayer, par exemple), l'étranger ne parvient plus, même lorsqu'il est en passe d'y connaître des échecs, à rompre avec ce dernier.


A vrai dire Nina est précisément la seule personne pour laquelle Almayer donne tous ses efforts et son amour paternel. Mais bien entendu, comme rien ne se termine bien...Je vous laisse découvrir la fin.
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Roman dépaysant.
Kaspar Almayer est un homme ordinaire, mais il semble au mauvais endroit. On en ressent un profond malaise, du début à la fin. Sa chute est inévitable. Comme un poisson hors de l'eau, il n'est pas à sa place. Mais on dirait aussi qu'il ne se rend compte de rien. Il lui manque de la sagesse. Ses ambitions sont impuissantes, folles et elles reposent sur du vide. Il lui manque cet état d'esprit qui forme les grands hommes. Il lui manque ce tonus guerrier. Il n'est pas un de ces héros qui dévorent le monde. Représentant du capitaine Tom Lingard, il n'est pas de la même trempe que lui. Il n'a vraiment rien d'un héros. C'est un peu comme s'il était une épave de la civilisation, perdue dans les profondeurs de la sauvagerie. Une civilisation que personne ne désire. Il est furieusement atteint d'une forme particulière de bovarysme. Un bovarysme qui s'attaque aux hommes en manque de trésor et de fortune.

Dans ce roman, il y a de très belles pages décrivant les états d'âme des personnages. Je pense, entre autres, à celle de Taminah, une jeune esclave encore vierge de tout sentiment, qui reste un personnage secondaire du roman. Portrait sentimental fait au chapitre VIII : «Dans cette souple silhouette droite comme une flèche, si gracieuse et si aisée dans sa démarche, derrière ces yeux doux qui n'exprimaient rien de plus qu'une résignation inconsciente, dormaient tous les sentiments et toutes les passions, tous les espoirs et toutes les craintes, la malédiction de la vie et la consolation de la mort.»

Malgré le fait que j'ai trouvé l'intrigue floue au début, cela reste un très bon roman à cause de la richesse de l'écriture et de l'exposition admirable des sentiments humains. On ne peut s'empêcher de regarder la déchéance et l'agonie de cet homme qui au fond n'est peut-être que victime de la malchance.

La préface retrace le chemin que parcoure Conrad pour aboutir à ce premier roman. Roman qui fut composé un peu partout dans le monde et qui faillit à plus d'une reprise d'être égaré par son auteur. Roman de toutes les dissensions. Roman sublime.
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C'est par ce livre que je suis entré, pour la première fois, dans l'univers mystérieux de Joseph Conrad et ce fut pour moi une vraie révélation littéraire. Ce récit tragique évoque la chute irrésistible d'un colon hollandais, Almayer, installé en Indonésie. Guidé, comme beaucoup de ses confrères, par l'appat du gain (un soi-disant trésor caché en amont de la rivière) Almayer s'acheminera aveuglément vers sa perte.
Un roman d'une rare beauté plaçant Conrad parmis les plus grands prosateurs du XXe siècle.
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Le vieil Almayer est un paria, un être vaincu par la vie. Il faut dire qu'il a constamment parié sur le mauvais cheval. Lui le seul blanc de la côte orientale de la région du Sambir, en Indonésie, a épousé, non sans prévention, une indigène élevée par les bonnes soeurs, dans le seul but de faire main basse sur les richesses putatives du père adoptif anglais. Ce dernier ayant dilapidé son avoir dans la recherche d'un chimérique trésor, Almayer se retrouve étranger en sa demeure, méprisé ouvertement par son épouse, et voit sa fille métisse s'éloigner jour après jour de lui, marquée par l'humiliation qu'elle a reçu des blancs de la capitale, et sous l'influence de la passion qu'elle éprouve pour un Balinais de bonne naissance. Pareillement, il a fait construire une vaste maison sur pilotis, que les autochtones se sont empressés d'appeler la folle Almayer, dans l'optique d'accueillir des commerçants anglais qui ne sont jamais venus, les autorités britanniques ayant laissé les coudées franches aux colons venus des Pays-Bas. le voilà, spectateur désabusé de ses affaires qui périclitent sous les coups de boutoir de la concurrence du marchand arabe, qui a les faveurs du Rajah local, objet de la suspicion de ses compatriotes hollandais suite à une malheureuse affaire de trafic de poudre, observé sans aménité par les malais qui le soupçonnent de savoir où se trouve le filon de feu son beau-père.

La Folie Almayer est le premier opus de Joseph Conrad. Il aurait pu ne jamais voir le jour, car le manuscrit failli être perdu corps et biens, victime de la vie aventureuse de son auteur. Favorablement accueilli par la critique, il n'est pas dénué des qualités qui font de Conrad un écrivain hors ligne, notamment dans l'aptitude de ce dernier à triturer la temporalité du récit même si ça n'est pas un roman majeur de l'auteur. 
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Je viens de finir ce livre dont on me parlait tant.
Ayant déjà lu et aimé Conrad, je me réjouissais à l'idée de commencer la Folie Almayer.
Peut-être ai-je placé la barre trop haut, mais, globalement, j'ai été déçu.
Le style est beau et immersif, le récit est bien amené, le plaisir de lire présent.
Mais il m'a manqué ce petit quelque chose pour me dire Waouh.
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La Folie Almayer est une bonne entrée dans l'univers de Conrad. Il y développe des thèmes qu'il exploitera tout au long de son Oeuvre mais ce roman possède malgré tout une originalité par rapport aux autres textes de l'auteur britannique (je sais, il est d'origine polonaise) : il traite de l'amour inconditionnel d'un père pour sa fille... En tant que papa à sa fifille, j'ai été saisi. Il existe un beau tableau de Magritte qui évoque la demeure en ruine du protagoniste. Je regrette que Puccini n'est pas traité le sujet, il était contemporain de Conrad, cela aurait donné un opéra superbe...
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