Ce soir, c'est samedi, alors je vais aller danser.
Je pulse, in and out
Dardé par les phares
Empoisonné du soleil noir
Je pulse et pulse encore
Philippe Corbé, journaliste pour RTL, correspondant aux États-Unis, décide de mettre, quelques mois après, sa douleur sur papier. Pour lui, pour ses amis, pour moi ou d'autres lecteurs, pour son père. Un départ précipité pour Orlando, Floride. Orlando était avant signe de joie, de famille et de rire, lieu de culte du parc Disney. En quelques heures, la ville est sous le feu d'une actualité meurtrière d'un tueur de masse, d'un terroriste islamiste, de Daech en guerre contre l'Occident. le « Pulse », une boite de nuit gay vient de connaître une nuit de terreur, massacre d'innocents, de jeunes gens – ou moins jeunes, venus un soir une nuit se retrouver dans ce refuge, juste pour rire, boire et danser ensemble. D'ailleurs la couverture annonce le thème, quarante-neuf noms, quarante-neuf victimes sur les couleurs d'un arc en ciel. Over the Rainbow.
Bien sûr, il y a le choc, les larmes, la douleur. Cette peur qui se mêle de rage et d'injustice mais au-delà du terrorisme, il y a cette communauté LGBT qui a été massacrée aveuglément ce soir. le journaliste revient sur son parcours, ses lieux de rencontre, ses « refuges » comme il se plait de parler des clubs gays qui sont le seul endroit où les homosexuels se sentaient en sécurité. Désormais, il faut conjuguer cette phrase au passé. Il s'épanche un peu sur sa vie, sur l'histoire de ces clubs, sur les différentes violences subies par les homosexuels, sur la politique très en retard sur ce domaine, sur les moeurs tout aussi en retard d'une grande majorité de la population, sur ses frères et soeurs, dans la douleur, le silence ou la revendication et la peur. Il me livre un beau témoignage sur un sujet que je n'aborde que très peu dans la littérature ou, même, la vie.
Les téléphones n'arrêtent pas de sonner, de vibrer, de biper, encore plusieurs heures après le drame. Toujours un parent, un ami, un proche qui veut savoir si tu vas bien, si tu n'étais pas au Pulse ce soir, si tu es en vie. Donne-moi un signe de vie semble vouloir dire ce téléphone dont la sonnerie dans la poche de ce cadavre ensanglanté empêche tout recueillement en silence. Quelques heures plus tôt, d'autres téléphones envoyaient des messages dans le sens inverse, du Pulse vers l'extérieur. Pour dire un dernier adieu, parce que dans ces moments-là on sent la fin proche. Pour appeler à l'aide. Pour crier au secours au 911, les forces de police mettront plusieurs heures à investir les lieux. Pour prévenir que je suis réfugié dans les toilettes. Pour pleurer et dire une dernière fois je t'aime.
Orlando sera marqué, pas autant que New-York. L'actualité des actes terroristes continue, on passe à autre chose, et puis il y a cette pensée qui circule comme quoi ils l'ont bien mérité, ils ou elles, ces gay lesbiens et trans, un peuple à part de déviants. Des propos homophobes, ces mots sont presque aussi lourds à lire que d'imaginer l'impensable dans une soirée, aller danser et se faire tuer. Et puis, il y a toujours ce débat qui revient à chaque tueur de masse sur l'achat et le port des armes.
Ils étaient quarante-neuf à s'éteindre ce soir. Des hommes, des femmes, des gays, des lesbiennes. de tout âge. Ils ont maintenant leur nom sur la couverture d'un livre qui retrace une nuit sous les étoiles de Floride, un 12 juin 2016, au Pulse.
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