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sur 175 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Epouse heureuse et mère comblée d'une fillette de huit ans, la protagoniste du roman accueille avec bonheur la naissance d'Alban. Mais tout s'écroule lorsqu'elle découvre des zones de pigmentation foncée de plus en plus nombreuses sur la peau du bébé…


Vivement mené à la manière d'un thriller qui fait monter l'inquiétude pour le sort d'un enfant aux mains d'une mère de plus en plus inquiétante, ce roman rythmé aux phrases courtes et percutantes se lit facilement et agréablement. le fond s'avère toutefois un peu moins convaincant. La narration s'attaque à un thème peu commun : le rejet de son enfant sang-mêlé, par une mère qui découvre à cette occasion son adoption et son propre métissage. Frappée de stupeur mais aussi de honte et de peur du qu'en-dira-t-on, la jeune femme s'enferme dans un comportement irrationnel qui déborde dans la plus pure maltraitance. Face à cet enfant sans handicap qui fait très vite figure d'impuissante victime d'un faux drame, il est globalement difficile de ressentir de l'empathie pour « elle », cette femme sans prénom qui nous entraîne dans son délire, sans même l'excuse d'un état dépressif.


Ajoutons à cela l'improbable passivité d'un entourage totalement aveugle et un dénouement aux allures quelque peu miraculeuses, et l'on referme ce livre un rien déçu. L'ensemble reste néanmoins très plaisant, pour un moment de détente malheureusement pas très marquant.

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Un sujet difficile et peu abordé et pourtant à l'origine de tant de drames. Il n'est pas facile d'être mère et il est encore plus difficile d'avouer en être incapable.

Pour elle, jusque là, tout se présentait plutôt bien, un mari sympa, une merveille de petite fille, pas de tracas matériels notoires. Cette deuxième grossesse inattendue, elle s'y était faite. L'arrivée du bébé se déroule aussi bien que possible. jusqu'à cet examen médical, qui lui fait découvrir une grain de beauté dans le cou de son fils. C'est banal, mais ce qui l'est moins, c'est que l'enfant se couvre peu à peu de ces marques tandis que sa peau fonce de plus en plus . le verdict tombe, l'enfant est métis. Bien entendu de nombreuses interrogations surgissent , avec à la clé un secret de famille qui tombe. le désarroi de cette mère qui se sent bafouée, se fonde sur ces révélations qui font basculer toutes ses certitudes. Et la conséquence est sans appel, l'ocytocine qui a du inonder son organisme à la naissance du petit, ne persiste plus guère après ces découvertes.

Il paraît incroyable que l'on ne puisse s'attacher à un petit être issu de ses propres entrailles , et de n'en voir que les aspects négatifs : les contraintes, la dépendance, les cris. Et ce qui est pour Alban une différence sans handicap, dans ce qu'elle a révélé de sa famille, n'est pas acceptable pour elle. Ce n'est même plus de l'indifférence mais de la haine.

Certes ce qu'elle vit est douloureux, mais j'ai été plus touchée par les sévices subis par l'enfant, au delà de la simple négligence, que par les états d'âme de cette femme au bord de la folie.

Quelques invraisemblances : il est difficile de croire que l'entourage ne réagisse pas plus aux tentatives de masquer l'évidence, et ne perçoive le danger immédiat pour le petit .

Le roman se lit comme un thriller, tant on craint pour la survie de ce petit Alban. La résolution est peut-être un peu rapide, mais il n'est pas facile de conclure une telle histoire

Lecture intéressante, à part quelques vices de forme.
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L'amour maternel est-il inné ou acquis ? Peut-on l'avoir à la naissance d'un enfant et le perdre ensuite ? Puis aimer sans réserve un de ses enfants et se mettre petit à petit à rejeter le second ? Voici le genre de questions qu'on se pose à la lecture de ce livre, qui choquera sans doute plus d'un parent.
Elle, c'est la mère d'Esther, 8 ans, et d'Alban 5 mois. On ne la nomme jamais, mais l'histoire est narrée de son point de vue. Elle est mariée à Vincent, un brave gars mais qui ne réalise pas trop ce qui se passe entre sa femme et leur bébé. Ce bébé qui au départ "n'était pas voulu, mais (qui)a été attendu" , et accueilli avec joie. Mais voilà que tout-à-coup, il n'est plus parfait, il a un défaut. Oh, pas grand-chose, juste une petite tache noire dans le cou. Mais les jours suivants, il va y en avoir d'autres, de différentes nuances... Affolée, la mère va chercher une explication auprès du pédiatre, et celle qu'il va lui donner va bouleverser la vie de toute la famille. Et l'aveu tardif du grand-père maternel ne va rien arranger, au contraire.
On assiste dès lors au "désamour" de la mère pour son bébé, qui va même se muer en dégoût, à tel point qu'elle va le comparer au cafard de "La Métamorphose" de Kafka, et songer à "l'écraser". Elle voudrait le rendre, comme on peut rapporter un achat qu'on regrette, ou qui ne convient finalement pas. Et surtout, elle ne veut pas qu'on le voit, y compris Esther, qui elle, adore son petit frère et se pose bien des questions.
Ce qui m'a surtout frappée dans cette lecture, c'est l'aveuglement de l'entourage, alors qu'une certaine forme de maltraitance est manifestement visible à n'importe quel personne un tant soit peu attentive. Et le pédiatre ne se pose pas trop de questions non plus, alors qu'il aurait un rôle d'accompagnement à jouer face à la détresse de la mère. Il est facile d'accabler celle-ci, mais est-elle la seule à blâmer ? Elle se retrouve seule face à son "problème", et le résout par de mauvais moyens, ne sachant à qui s'adresser.
L'écriture est assez agréable, truffée de références littéraires, de jeux de mots et s'adapte aux différents registres de vocabulaire des personnages Esther, le grand-père...). Mais elle m'a quand même semblé bien froide et trop distanciée par moments. Par contre j'en ai appris beaucoup sur les nuances de couleurs !
Le sujet m'a interpellée car il y a eu un cas similaire dans ma famille adoptive il y a 4 générations, et à l'époque il n'y avait pas d'autres alternatives envisagées que la culpabilité de la mère, aussitôt répudiée et mise au ban de la société blanche protestante dont elle faisait partie. Son "honneur sali" a été lavé des décennies plus tard par une explication scientifique...mais sa vie était gâchée depuis longtemps ! A l'heure actuelle, ce genre de cas ne devrait plus susciter de réactions aussi violentes, puisqu'on sait en trouver l'explication.
Je reste sur un ressenti mitigé, ce livre n'a pas soulevé l'enthousiasme en moi, et m'a plus surprise que choquée.

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J'ai été tentée par ce livre parce qu'il était présenté par Babelio dans les nouveautés poche à lire. Comme d'habitude, j'ai lu les deux premières lignes du résumé éditeur, et je me suis dit que j'allais lire un roman qui lève un peu le tabou de l'amour maternel. Comme d'autres l'ont fait dans des essais, Elisabeth Badinter avec « L'amour en plus » en 1980, et Philippe Ariès, historien et sociologue, avec « L'enfant et la famille sous l'Ancien Régime », des livres qui étaient dans la bibliothèque de l'école d'éducateurs de Jeunes Enfants où j'ai fait mes études. Livres que j'ai dévorés. Inutile de dire que ces sujets touchant à l'enfant, et les rapports mère-enfant m'ont toujours passionnée, la psycho-socio étant l'un de mes intérêts majeurs.

Ici, dans ce livre, écrit dans un style très entraînant, les mots et associations d'idées rendent le roman vraiment très agréable à lire.

Cette jeune maman, la narratrice, passe la visite du 5e mois chez le pédiatre pour son bébé, Alban. Et lors de la visite le pédiatre remarque des taches brunes dans le cou de l'enfant. Puis dans son dos. L'explication du pédiatre est toute simple : l'enfant est métis. La jeune mère manque s'étouffer, et comme si ce n'était pas assez, il rajoute qu'elle devrait rechercher dans sa famille s'il y a des noirs, parce que parfois « ça » saute une génération. le pédiatre dit qu'à moins qu'elle ait trompé Vincent, son mari, qu'il connait pour avoir suivi ses neveux et nièces, et leur ainée Esther également, l'explication la plus probable est qu'elle soit elle-même métisse. Cette révélation est une bombe pour elle. C'est tout simplement impossible. Pas de noirs dans sa famille. le pédiatre lui a dit que les enfants métis sont blancs a la naissance, et foncent ensuite.

Rentrée chez elle, elle ne dit rien mais sa fille Esther, bientôt huit ans, comprend qu'il y a un loup quelque part. Sa mère prétend que tout va bien, et pourtant tout est bouleversé. Elle est devenue quasi muette, décide qu'Esther ne prendra plus son bain avec son petit frère qu'elle adore. Au fil des jours la peau d'Alban fonce. La mère va acheter un nuancier Leroy Merlin sur les conseils d'un forum internet de mères d'enfants métis. Il peut foncer très vite.

Elle est dégoûtée par cet enfant, regarde cette transformation comme La Métamorphose de Kafka, compare Alban à un cafard, essaie de ne pas trop le toucher. Après avoir parlé de ce que le pédiatre a découvert avec son mari, rien n'a changé pour lui, mais tout a changé pour elle. Elle ne veut pas le regarder, sauf pour étudier sa peau au nuancier. Laisse Alban des heures sans manger. Sans le changer. Il la dégoûte. Elle ne veut pas d'un enfant noir. Ni d'un ado ébène. Quant à elle, ça veut dire qu'elle est noire ? Elle ne serait pas elle-même alors ? Elle reste enfermée chez elle, ne sort que pour aller chercher Esther à l'école, et pour que personne ne voie cet enfant trop foncé, elle lui met des moufles par tous les temps, lui a tricoté une cagoule qui cache son visage, et va même jusqu'à lui mettre du fond de teint éclaircissant. Et après ce long moment de repli et de rejet, elle prend les deux enfants et part dans le Sud, chez son père, pour lui demander des explications.
Bon. L'ensemble du livre, malgré le style enlevé, est on ne peut plus dérangeant. le fait qu'elle se réfère constamment au cafard de Kafka en parlant de son fils. Dérangeant dans ses incohérences : au début l'enfant a cinq mois, et rentrée de chez le pédiatre, l'enfant est né il y a quelques semaines, trois au grand maximum. Et là, la narratrice professe qu'elle n'a jamais aimé ce bébé. Jamais. Moi je suis interloquée, si c'était la visite des cinq mois, elle l'a donc détesté dès qu'elle a compris qu'il devenait noir. Et donc aimé avant. C'est plein de contradictions. La fin également, est peu convaincante. Elle ne fait aucune recherche sur ses vraies racines, et moi ça m'interpelle. Comme dans « Trancher » en 2018, les incohérences et les invraisemblances sont nombreuses. Et elles diminuent énormément l'intérêt du livre, qui serait plutôt un thriller, dont la fin nous laisserait sur notre faim.

Alors pour moi, mon avis est donc très mitigé, une fois le livre refermé. Bon sujet, bon style, mais incohérences et invraisemblances, explications de fin loupées.
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"L'amour maternel est infiniment complexe et imparfait. Loin d'être un instinct, il faut plutôt un petit miracle pour que cet amour soit tel qu'on nous le décrit." - Élisabeth Badinter, "XY, de l'identité masculine"

"À défaut de pouvoir l'échanger, elle voudrait recommencer son bébé."

Après un 1er roman aussi réussi que "Trancher" (Flammarion, 2018) qui braquait sa lumière crue sur la violence au sein du couple, j'attendais le 2e avec l'impatience de la lectrice qui devine qu'Amélie Cordonnier n'est pas de celles qui rechignent à s'emparer d'un sujet fort.
Et mon attente n'a pas été déçue.
Le sujet d'"Un loup quelque part" est d'autant plus dérangeant qu'il est tabou. Une mère peut-elle ne pas aimer son enfant ? Comment faire le deuil de l'enfant fantasmé quand l'enfant paraît ? En tournant les pages de ce roman terrible s'est mise à danser devant mes yeux la phrase qui ouvre le 2e roman de Gabrielle Tuloup, "Sauf que c'étaient des enfants", paru en ce début d'année aux Éditions Philippe Rey et embarqué lui aussi dans cette aventure des #68premieresfois :

"Le réel ne prend pas de gants."

Le réel n'a pas pris de gants, en effet, avec cette femme que l'autrice ne nommera jamais tout au long des 272 pages de ce roman écrit à la 3e personne, bien qu'il adopte le point de vue de cette professeure de français de 35 ans.
Heureuse, mariée à Vincent, mère d'une adorable Esther, 8 ans, elle a mis au monde un petit garçon en parfaite santé, Alban.

"Ce bébé n'a peut-être pas été voulu, mais il a été attendu."

À l'occasion d'une visite de routine chez le pédiatre dont la salle d'attente est noire de monde, elle va déceler une tache infime, presque rien ou si peu, au cou de son fils.

"Les gigotements d'Alban l'empêchent de boutonner le polo rapidement. Elle rajuste le col et c'est alors qu'elle la remarque. Une tache. Noire. Toute ronde. de la taille d'un petit pois. Extrafin, le petit pois. C'est la première fois qu'elle la voit."

Un grain de beauté, peut-être ?
Alban a à peine 5 mois et le pédiatre ne paraît pas convaincu par cette hypothèse sur un enfant aussi jeune. Par contre, il se pourrait bien que…

Le choc et avec lui l'effondrement qui précède la chute, vertigineuse.
Alban ! Quelle ironie, ce prénom, quand on y pense !
Très vite la situation devient kafkaïenne – les références à Gregor Samsa envahissent le texte comme les taches noires le petit corps de l'innocent Alban. Elle bascule, n'en finit plus de tomber

"L'amour ne lui vient pas. C'est comme si elle l'avait perdu. On peut perdre l'appétit et même ses esprits. Alors pourquoi pas l'amour ? Elle a perdu la tendresse, toutes les caresses."

et devient bourreau à son corps défendant qui se met à refuser toute nourriture et tout repos :

"Elle n'en peut plus de se forcer. Se forcer à s'occuper de lui, se forcer à aller le chercher quand il crie. N'en peut plus de devoir prendre sur elle pour le nourrir, l'habiller, le baigner. S'en veut de réprimer un mouvement de recul chaque fois que les doigts d'Alban agrippent son pull. Culpabilise de ne jamais le bercer. de ne pas savoir le consoler. A honte de ne pas aimer le regarder, le toucher. de ne pas l'aimer tout court."

Pour le "petit miracle" dont parle Élisabeth Badinter, on repassera !

Pour ne plus le voir, pour que les autres ne voient pas l'objet de sa honte, elle ensevelit le gamin sous des couches de vêtements insensées où il étouffe, le laisse macérer dans sa couche des journées entières, oublie de le nourrir, de le laver, le laisse pleurer et, pour enfin le faire taire, l'assomme de médicaments dosés à la va-vite.
La maltraitance est là ; la folie guette cette femme à la dérive qui évite de peu le geste irréparable.

"Elle récupère le petit, attrape la serviette, l'y enveloppe, se penche pour retirer la bonde et c'est à ce moment que l'envie lui vient de jeter le bébé avec l'eau du bain."

La prouesse d'Amélie Cordonnier est de montrer, sans fard, la douleur d'une femme perdue si bien qu'il nous est impossible de la détester tout à fait. Bien au contraire, le lecteur souffre avec elle et avec son petit garçon, pareillement.

"Elle gravit son calvaire sur les marches de la nuit. Aucune force de rien. Deux semaines qu'elle ne dort plus, ne mange plus. Deux semaines qu'elle respire avec peine."

La métamorphose n'est pas que celle d'Alban, c'est la sienne aussi. de mère aimante à mère maltraitante n'y a-t-il vraiment qu'un pas ?
#balancetongosse

Alban maigrit, finit par ne plus pleurer, ne plus réclamer son attention ; il sent bien, ce petit bonhomme résigné, que quelque chose ne va pas chez sa maman qui, de son côté, sait qu'elle ne renvoie pas l'image de la mère attentionnée,

"Elle se fait honte. Comment peut-elle avoir autant aimé son premier enfant et ressentir du dégoût pour le suivant ?"

sent les regards lourds posés sur elle, celui de Vincent qui s'inquiète sincèrement que son mariage ne puisse y résister, mais aussi celui de la rayonnante Esther à qui on ne la fait pas !

"Maman, t'étais méchante comme ça aussi avec moi, quand j'étais bébé ? lui a innocemment demandé Esther. Dans sa voix, il n'y avait ni reproche ni jugement. Juste de l'étonnement."

La candeur de l'enfance et ses questions sans détour !

Elle se doute que, pour lever l'obstacle qui l'empêche de renouer avec son petit garçon, elle va devoir interroger sa propre histoire, celle d'une enfant qui a perdu sa mère trop tôt et qui découvre, à 35 ans, le secret qui entoure sa naissance et que son père, faute de courage, lui a tu tout ce temps.

S'accepter elle pour l'accepter lui.

Amélie Cordonnier adopte un style nerveux. Ses phrases sont courtes, amputées ici d'un verbe, là d'une coordination, elles courent à la catastrophe et nous nous essoufflons avec elles. Leur instabilité nous désarçonne comme leur musicalité forcée. J'avais noté dans son précédent roman combien l'autrice aimait déjà à jouer avec les sonorités, les allitérations, les assonances, à créer des rimes sur lesquelles viennent mourir ses phrases dont on devine le dernier mot avant même qu'il ne soit écrit.

"Il n'y a pas de carton, mais c'est une vraie invitation que Vincent formule à son intention."
"Pour un oui ou pour un non. Un bleu ou un cheveu blond. Et toujours elle répond. Elle participe à tous les fils de discussion, se montre concernée par toutes les interrogations. Mais elle a visiblement disparu de la circulation."
"Le petit, lui, caquette, ouvre grand les mirettes pour ne pas en perdre une miette."
"Ses chagrins la font chanceler, pauvre chevalier chenu."

Une seule syllabe sépare user d'abuser. Ici, le procédé est usé jusqu'à la corde, filé sur des pages et des pages au risque de flirter avec l'artificialité et je reconnais en avoir été agacée. La petite musique est vite devenue un lancinant crincrin aussi douloureux à écouter que l'est, pour la mère, son enfant à regarder.

Heureusement, le style s'adoucit quand enfin elle prend la route avec enfants et bagages pour renouer le dialogue avec son père. Leur relation, qui a marqué le pas à cause de l'incompréhension, du ressentiment et de la frustration, est belle de mots tus. le duo père-fille est à tordre le coeur et c'est logiquement auprès de cet homme que la vie a abimé et qui, comme elle aujourd'hui, s'est retrouvé à terre à la mort de son épouse, qu'elle va trouver l'apaisement, la force de se relever pour retisser le lien à son fils, patiemment, timidement, humblement.

"Un père pareil, ça colle la pression. Si l'instinct maternel existe, lui il l'a."

L'amour que lui voue son père, immense et inconditionnel, lui montre la voie et la fin est bouleversante.

"Pendant un instant elle ne voit plus le contraste de sa peau foncée sur ses seins blancs. C'est un équinoxe de douceur. La torpeur de ce moment gomme les couleurs. Efface toutes les douleurs. Alban a les yeux fermés. Pourtant il ne somnole pas. Elle le sait car de sa bouche s'échappe un bruit régulier, très léger. […] Ce n'est pas un ronflement. Ni un ronronnement. Plutôt un roucoulement. Comme pour signifier que la vilaine tourterelle est pardonnée."

Élisabeth Badinter, toujours elle, a écrit que "l'amour maternel n'est qu'un sentiment humain. Et comme tout sentiment, il est incertain, fragile et imparfait" et c'est cela qui est questionné ici. Amélie Cordonnier appuie là où ça fait mal, sonde cet amour qui ne va pas forcément de soi au travers de cette histoire de résilience dont on sent qu'elle aurait pu tout aussi bien basculer dans l'horreur absolue.
Et moi, lectrice malmenée et inquiète, j'accueille cette fin, heureuse, comme une délivrance.

"Il n'est aucune beauté qui n'ait sa tache noire. Même le coquelicot. Au coeur porte la sienne, que chacun peut voir." - Dicton marocain
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« Chut, ça va aller. C'est la vie, c'est comme ça. Il y a toujours un loup quelque part. Et personne ne peut dribbler le destin. »
Le mot qui me vient spontanément en me souvenant de cette lecture : le cran. Car il en faut de l'audace, encore aujourd'hui, pour aller à l'encontre d'une maternité évangélique, de la suprématie de cet instinct et de la beauté auréolée de l'amour maternel. du courage pour énoncer de façon si directe, si « tranchée » (vous excuserez le clin d'oeil), si cru, le rejet d'une mère pour son bébé, la violence et la cruauté de ses répulsions.
Il faut d'abord s'accrocher pour s'adapter et s'habituer à la rapidité de la langue, l'enchaînement de phrases courtes, sans verbes parfois, de mots groupés, comme pour nous puncher des images en coups de poing, et ne pas nous laisser reprendre notre souffle. C'est hâché, scandé, la volonté semble bien de multiplier les segments, de ne surtout pas énoncer plusieurs idées dans une seule sentence : chaque action, pensée, qualificatif, complément, nuance se suffisent à eux-seuls. En s'enchaînant indépendamment, ils portent leur sens haut, augmentent une sensation de palpitant, profitent à l'ascension de la crainte, du danger croissant, du dérapage de plus en plus redouté. le style nous immerge dans l'esprit de la narratrice aux prises avec l'horreur ressentie, avec la panique générée et qui la déborde, la ronde incessante de ses réflexions affolées. Nous voici bien malgré nous, aussi en empathie, pris dans l'escalade de l'angoisse avec cette femme envahie par des sentiments et pulsions incontrôlés, aux bords de la déraison. La narration est astucieuse en nous happant auprès d'elle, en spectateurs muselés de sa détresse, de sa désespérante tentative de maîtrise, des réactions embarrassées et interdites des proches, et surtout de l'extrême vulnérabilité et solitude de ce nourrisson en proie facile du comportement risqué et délétère de sa maman. Certaines scènes donnent réellement froid dans le dos jusqu'à vouloir repousser l'image insupportable envoyée par les mots. « Il suffirait de le laisser glisser puis de l'immobiliser un instant sous l'eau pour qu'il se noie et que tout s'arrête. de noie à noir, il n'y a qu'une seule lettre. le diable ricane dans sa tête. Ses pensées l'effraient. Si quelqu'un savait… Elle ne répond plus de rien. Mieux vaut s'arrêter là. Elle récupère le petit, attrape sa serviette, l'y enveloppe, se penche pour retirer la bonde et c'est à ce moment que l'envie lui vient de jeter le bébé avec l'eau du bain. »
J'ai pu m'agacer par instants du style, lequel est certes osé, singulier et affranchi, mais imposé par la force. Je lui ai reconnu sa pertinence au fur et à mesure du déroulé narratif. le traitement du sujet, ce qui dans la fiction fonde l'émergence du point de rejet, m'est apparu trop rapidement comme s'il fallait justifier l'attitude désarmée et déstabilisante de cette maman, comme une ficelle un peu grosse et maladroitement introduite pour légitimer un choix fictionnel. Cette désagréable impression une fois dépassée, on ne quitte plus cette femme, sa fuite en avant face au dégoût éprouvé et de plus en plus mis en actes, sa reconquête d'un passé volé et dont l'inscription indélébile finit par s'incarner, s'afficher, s'imposer car le secret - quand bien même il s'origine dans une bonne intention - est inutile à étouffer sinon à asphyxier les sujets visés. On n'échappe jamais à son histoire ; la nier, la cacher ne fait que retarder et aggraver la radiation de la bombe à rebours. Les interrogations éclairées et lucides de cette femme pour son petit de couleur dans un monde blanc a plus que jamais résonné avec l'actualité du moment et j'ai trouvé très justes et sans clichés ses observations et inquiétudes légitimes sur le regard désapprobateur ou fuyant du dominant « naturel » sur l'autre différent. Des très jolis passages sur la filiation, la tendresse qui retrouve son chemin, la rencontre renouvelée, la présence solide d'un père, l'imperfection de chacun face aux dilemmes inéluctables de la vie jalonnent, balisent le roman et finissent de nous embarquer avec eux. « Pendant un instant elle ne voit plus le contraste de sa peau foncée sur ses seins blancs. C'est un équinoxe de douceur. La torpeur de ce moment gomme les couleurs. »

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Pour son premier roman, Amélie Cordonnier s'était intéressée à un couple. Mais pas de guimauve, avec elle ! On entrait dans l'intimité d'une femme sur laquelle le mari prenait peu à peu l'ascendant pour la dominer et la malmener, sinon physiquement du moins psychologiquement.

L'auteure semble avoir un attrait particulier pour les sujets qui dérangent. Et si elle explore à nouveau la cellule familiale, c'est cette fois pour interroger le lien mère-enfant et la notion d'instinct maternel. L'arrivée d'un bébé au sein d'un foyer, c'est souvent l'occasion de remises en question. Au moment de devenir mère - et père aussi sans doute -, on se retourne sur sa propre histoire, sur la relation que l'on entretient soi-même avec ses parents, voire sur sa capacité à aimer son enfant.

Ici, la narratrice a déjà une fille de huit ans qu'elle chérit de tout son être. A-t-on autant d'amour à donner à un deuxième ? Pas si évident. Surtout lorsque le deuxième en question, le petit Alban, développe de drôles de signes : alors qu'il est âgé de cinq mois, des taches sombres apparaissent sur sa peau. Il n'est pourtant pas malade. Y aurait-il dans la famille une ascendance noire qui expliquerait le phénomène ? Incompréhension. Effroi. Les parents sont interrogés. Et voilà que cette naissance bouscule toutes les certitudes et toutes les fondations sur lesquelles on s'était construit...

C'est peu de dire que ce roman met mal à l'aise. L'acharnement avec lequel la mère cherche à déterminer la couleur de son enfant, l'inquiétude et le trouble croissants à mesure que la peau de celui-ci fonce provoque des hauts-le-coeur. Pourquoi cette obsession ? Pourquoi ce rejet ? S'agit-il d'une peur que cet enfant ne soit pas reconnu comme le sien ? Ou bien est-ce sa propre filiation qui pose problème ? Je n'en dirai pas plus afin de ne pas vous en dire trop. Mais n'a-t-on pas tendance à chercher chez ses enfants un reflet de soi-même ? N'attend-on pas d'eux - à tort ou à raison - qu'ils s'approprient nos valeurs ? Ne les brandit-on pas comme de narcissiques étendards de nos propres existences ? La désillusion est-elle si cruelle de voir son enfant suivre sa propre voie, bien différente de celle qu'on avait imaginée pour lui ?

Avec ses chapitres courts, Amélie Cordonnier imprime à son récit un rythme vif qui entraîne presque malgré lui le lecteur dans l'abîme où se précipite cette mère. La tension monte inexorablement. C'est vertigineux. C'est inquiétant. C'est rudement bien mené.
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Une mère, dont on ne connaitra jamais le nom, va voir sa vie basculer le jour où elle trouvera une tache sombre dans le cou de son fils de cinq mois .
Cette tache va faire remonter des secrets de famille enfouis depuis des décennies.

Ce roman est une claque. Amélie Cordonnier aborde des sujets difficiles et souvent tabous dans notre société. Via cette mère prête à basculer dans la folie, elle nous explique la peur de la différence, du regard des autres, du quand dira-t-ton.
Elle expose la honte d'origines dont on ne sait rien.

La plume est ciselée, dure et souvent dérangeante. On a envie de faire interner cette mère mais en même temps, on éprouve une certaine empathie pour elle tant elle est perdue.

Je ne sais pas dire si j'ai aimé car ce livre à plusieurs fois chiffonné mon coeur de maman
mais l'auteure instaure une ambiance digne d'un thriller. Une sorte de stress monte crescendo, c'est très bien mené et il est difficile de poser le roman.

Un seul petit bémol: les rimes incessantes tout le long du livre qui ont parasitées ma lecture. Je pense que c'est fait pour adoucir un peu le propos mais à la longue, cela m'a lassée.
Je conseille néanmoins très fort cette lecture qui m'a sortie de ma zone de confort.

Vous aimez les lectures qui bousculent ?

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Après son premier roman "Trancher", qui traitait magistralement de la violence psychologique au sein du couple, Amélie Cordonnier reste dans la cellule familiale, lieu parfois de toutes les violences, avec le rejet d'un enfant par sa mère.
Une femme, dont on ne connaîtra pas le prénom, épouse de Vincent, maman d'une petite Esther de 8 ans et d'Alban, 5 mois, découvre, sur le corps de son bébé, une tâche noire qui grandit et se multiplie. Son fils est métis. Tout s'écroule, un secret de famille ressurgit et cette maman côtoie la folie et la maltraitance.
L'auteur aborde plusieurs thèmes graves et parfois tabous : le fameux instinct maternel, objet de tant de sentiments de culpabilité pour celles qui le ressentent pas (il faut lire à cet égard Simone de Beauvoir et Elizabeth Badinter pour comprendre que cette injonction, qui fait tant de dégâts, est essentiellement sociétale), les mensonges sur les origines aux conséquences dramatiques, la couleur de peau avec son cortège de rejet, mépris, brimades lorsqu'elle n'est pas blanche.
Je suis restée à la marge de ce roman tant il est assez invraisemblable de cacher la couleur d'un bébé à son entourage et tant la mère est proche de la folie avec les références nombreuses à "La métamorphose" de Kafka.
Les plus belles pages, là où l'émotion a été la plus forte sont celles qui décrivent l'amour qui unit cette maman à son père qui s'est retrouvé seul avec elle à la mort brutale de la mère lorsque la petite avait 10 ans; peu de mots entre eux, mais des gestes, des regards et un amour si profond. C'est d'ailleurs vers son père que se retourne la maman d'Alban pour chercher de l'aide.
L'écriture est tranchante, ciselée, précise mais je l'ai trouvée trop hachée même si c'est probablement volontaire pour dépeindre le maelstrom dans lequel se débat le personnage de la mère; parfois, je ne savais plus de quel personnage on parlait entre la mère d'Alban et sa propre mère ou entre Vincent, le mari ou le père du personnage.
Néanmoins le roman reste intéressant par les thèmes abordés, par les nombreuses références littéraires, les jeux de mots et l'omniprésence de la couleur.
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« C'est la vie, c'est comme ça. Il y a toujours un loup quelque part. »…Mais, quand tout semble aller comme sur des roulettes, quand onatoutpourêtreheureuse, un mari, deux enfants (le deuxième n'était pas tout-à-fait prévu, mais bon…), un boulot, une vie sans heurt depuis l'année du malheur (elle a quand même perdu sa maman à 12 ans, mais bon…), on n'y pense pas vraiment (le petit dernier a bien un grain de beauté qui n'en est pas un, mais…bon…). Il suffit parfois de presque rien, un grain de beauté dans les rouages, pour que la vie change de nuance et passe du rose le plus tendre au noir le plus profond, pour que tout soit ébranlé, secoué, remis en question, pour que les bases s'effritent, que les piliers s'effondrent, que la douleur affleure et fasse perdre la tête.
Suivant pas à pas le chemin de folie de sa narratrice, Amélie Cordonnier, comme dans « Trancher », son formidable premier roman, sait user de tous les moyens en sa possession pour installer et diffuser le malaise qui s'empare de cette jeune maman et la fait perdre pied. du rythme cadencé de ses phrases aux tonalités quasi chantantes de ses mots, rien n'est laissé au hasard dans cette ritournelle étourdissante, presqu'agaçante, qui tournicote et asticote jusqu'au sommet de la tension. On voudrait crier, on ne peut pas. On voudrait l'aider, on ne peut pas. On voudrait l'arrêter dans son délire, on voudrait s'arrêter, ne plus la lire, on ne peut pas, on ne peut pas, on ne peut pas ! Car Amélie Cordonnier s'approche avec une rare intensité d'une intimité qui nous concerne tous, le mystérieux lien à la mère, et de la douleur à peine descriptible de celle qui doit faire « son deuil de toutes les mères : celle qu'elle n'arrive plus à être, celle qu'elle n'a pas eue et celle qu'elle a perdue. ». Comme dans « Trancher », elle insiste et décortique, appuyant justement sa plume là où ça fait mal, à la limite du supportable. On sort de cette lecture avec son petit balluchon personnel tout chiffonné et en désordre, l'estomac essoré, le coeur comme adouci. Peut-être, alors, est-ce pour voir si les couleurs d'origine de cet amour premier pouvaient nous revenir à nous aussi qu'elle nous a fait bouillir ?
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