Livre de ressassement, de recherche dans le passé inconnu, le passé légendaire ou mythologique, le grand-père en son enfance, le refus de la scène qui a surgi, fait de la vie deux parties – l'enfant, la mort, le désir..
Une langue qui coule, tourne, se heurte..
Et puis la nature, la sensualité.
Et l'impossibilité de l'autre homme, celui qui a eu terrible enfance.
Commenter  J’apprécie         10
J'aurais voulu qu'il y eût quelques monstres à tuer, des forêts ombrageuses où jeter des pierres qui déclenchent des orages. La Garonne est bleue dans la nuit, quelques flaques plus sombres gisent. Je superpose : l'Adour, sa couleur spéciale en fin de journée de chaleur, le choc vif de cette couleur sur les carcasses rouges des cargos. Le ciel par-dessus, qui est un malheur qui dure.
Lorsque paraissent à telle heure le ciel gris plissé et trois martinets bondissant dans le cadre, j’ai la même inquiétude que celle qu’eurent les voyageurs, paysans, archéologues ou fils de rois égarés devant les murs du château endormi caché par les taillis.
Tout près de moi, paternel, habite Hélios qui ne brûle qu’au lointain. J’irai avec lui brûler au lointain. Phaéthon est embrasé au lointain, paternellement embrasé. On cache son corps nu et mort dans la chambre aux trésors. J’en avais une idée, du jeune garçon en révolte.
Voyez-vous le tombeau où vous êtes nommée – nommée, nommée ? Nommée, nommée. Je suis nommée sur un tombeau. Seule j’en approcherai. C’est qu’il y eut première mort. Nommée, nommée sur la pierre tombale. Inscrite. Que font les amours qui vaquent dans l’entre-deux, errent ? le prénom d’une sœur, morte avant ma naissance, identique au mien, gravé sur le marbre d’un petit tombeau.
J’ai frissonné d’une peur revenue : le mort de mon histoire, aux os blanchis de sel (les os en poudre de mon histoire), il pouvait à tout moment lui prendre l’idée de retrouver la chair qu’il avait eue, les yeux moqueurs, et il m’accuserait d’avoir vu ce que je n’ai pas pu voir parce que c’est impossible, et devant moi la chair s’effrangerait, les globes s’ouvriraient, c’est moi qui fabrique le cadavre et : qu’as-tu fait de nous. Qu’est-ce que j’ai fait de lui, je me suis pour de bon réveillée et j’ai vu l’entaille.
avec Marie Cosnay, Agnès Desarthe, Lucie Taïeb, Geneviève Brisac.
Modération : Francesca Isidori.
Samedi 19 septembre 2020 / 16 h