Excellent cru pour ce cinquième opus paru en 1997, mettant en scène les policiers Duncan Kincaid et Gemma James, en couple au travail comme dans la vie. Ce roman peut en outre servir de porte d'entrée aux lecteurs qui souhaiteraient aborder la bibliographie de
Deborah Crombie sans remonter à ses origines en 1993, car il offre un parfait résumé des vies privées et professionnelles des deux personnages principaux ainsi que des circonstances de leur rencontre. Il constitue une charnière entre le passé et le futur du couple.
Duncan s'installe prudemment dans la vie de Gemma et de son petit garçon de 3 ans, quand il est contacté après des années de silence par Vic, son ex-épouse, professeur de littérature anglaise à l'université de Cambridge, qui souhaite le rencontrer. Elle s'est remariée avec Ian McClellan, a eu un enfant, Kit, onze ans. Son mari l'a récemment plaquée pour suivre l'une de ses élèves et vit son idylle avec sa jeunette dans le sud de la France. Vic s'est entichée de Lydia Brooke, poétesse excentrique et mystérieuse, morte cinq ans plus tôt, et s'est attelée à la rédaction de sa biographie. Après avoir rencontré les amis, maris, amants, éditeur, exécuteur testamentaire littéraire de Lydia, après avoir consulté des archives, après avoir eu accès à des textes inédits et correspondances privées, elle a peu à peu acquis la conviction que Lydia ne s'est pas, contrairement à ce qu'affirme la version officielle de sa mort, suicidée.
Sollicité en sa qualité de policier, Duncan accepte par affection pour son ancienne épouse d'effectuer quelques recherches, négligeant les craintes de Gemma, qui voit dans ce rapprochement entre les deux ex, une menace, fort bien analysée par l'auteur, pour son couple naissant. C'est la première partie du roman qui s'achève sur un rebondissement aussi imprévisible que cruel.
Il y a de l'
Amanda Cross en
Deborah Crombie, ce n'est pas peu dire, et ce n'est sans doute pas par hasard que l'auteur a choisi, pour illustrer les deux parties de son roman, deux citations de Carolyn Heilbrun extraites de “Ecrire la vie d'une femme”, puisque Carolyn Heilbrun et
Amanda Cross ne sont qu'une seule et même personne. Pour ce roman érudit aux dialogues riches et subtils et au style recherché, l'auteur a choisi en exergue de chacun de ses chapitres des extraits des poèmes de
Rupert Brooke, poète-combattant de la première guerre mondiale, fauché dans sa jeunesse au son du canon. Tous les personnages sont intéressants, leurs motivations et caractères finement analysés. L'auteur a particulièrement travaillé la psychologie de Lydia, pourtant décédée, en la faisant revivre à travers une correspondance avec sa mère, qui s'égrène au fil des chapitres et peu à peu éclaire sa personnalité, complexe, fragile, énigmatique, bien loin de l'image lisse et superficielle offerte à ceux qui l'ont côtoyée.
Roman étiqueté policier, sans réelle enquête policière, il s'agit davantage d'une quête pour Duncan, sur les traces de son passé, de son histoire, sur lesquelles bâtir son avenir avec Gemma, puisque dans les romans de
Deborah Crombie, la vie du couple policier est intriquée dans l'énigme qu'il a à résoudre. Un grand et bon roman, dont l'intérêt ne faiblit dans aucune de ses pages jusqu'au dénouement logique et implacable.