⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️
L'autre qu'on adorait ...
Tout d'abord, sachez tout de suite que je ne vous dévoilerais pas l'origine du titre.
Je ne vous enlèverais pas ce plaisir de découvrir par vous même d'où il vient et ce qu'il promet.
Ce fut pour moi un réel plaisir de le découvrir au détour d'un passage, plus tôt que je ne m'y attendais d'ailleurs et l'effet obtenu du coup, n'en fut que meilleur.
Mais parlons de ce livre que j'aurais pu prédire lauréat au Goncourt si je l'avais lu avant la date des délibérations.
Non que je conteste le prix accordé à "
chanson douce " de
Leïla Slimani que j'ai d'ailleurs beaucoup aimé mais celui-ci est tout aussi bon et j'en ressors toute chamboulée.
À travers une écriture au rythme endiablé,
Catherine Cusset nous retrace le parcours et la vie de Thomas, professeur de français parti enseigner aux États -Unis, qui fut son ex amant et avec qui elle entretiendra par la suite une amitié sans borne.
Leur premières rencontres a eu lieu en 1986. J'avais 15 ans et la loi Devaquet faisait rager les étudiants.
Dés le prologue, le décor est planté. Thomas est retrouvé mort dans son appartement.
Mais comment en est-il arrivé là ?
Catherine Cusset brosse son portrait en utilisant un style de narration bien particulier.
Tout au long du livre, elle s'adresse à son ami décédé au présent, donnant ainsi l'illusion qu'il est encore en vie et créant ainsi un lien d'attachement entre Thomas et le lecteur.
Elle remonte le cours de son existence en nous faisant partager chaque moment important de la vie professionnelle de Thomas, chacune de ses rencontres amoureuses sera aussi l'occasion de le raconter et c'est insidieusement et à la fois à toute vitesse que se dresse devant nous le profil psychologique de Thomas.
C'est savamment bien dosé.
On ne perd jamais le fil de l'histoire et malgré ça, j'avais beaucoup de mal à interrompre ma lecture.
Ce roman m'a aussi beaucoup appris sur la bipolarité, cette maladie de l'âme pour laquelle
Catherine Cusset lève un bon nombre de mystères.
Elle détaille de façon très précise les ressentis et les perceptions liés à cette maladie, ce qui m'a permis de mieux en comprendre le processus.
Ce livre c'est donc le récit très prenant d'une descente aux enfers.
Parce que nous vivons à une époque où il faut se battre pour réussir mais aussi parce que bien d'autres éléments peuvent intervenir dans la façon dont nous percevons la vie, il existe tant d'embûches pour les personnes dites fragiles que parfois, le chemin étant devenu trop rocailleux, s'arrête, abrupt.
Le style est captivant.
On y trouve aussi beaucoup de références littéraires et musicales et les amoureux de la lecture ne s'en plaindront pas.
Je suis arrivée essoufflée à la fin de ce livre comme si j'avais couru plusieurs kilomètres.
C'est un bel hommage à un ami perdu qu'à écrit
Catherine Cusset, une sorte d'éloge mortuaire comme pour retarder au maximum le moment où elle ne pourra plus s'adresser à lui.
Un roman percutant.
Décidément, Gallimard a encore fait fort pour cette rentrée littéraire.
Un coup de coeur pour moi.