Suite à ma participation à une opération « Masse Critique » ciblée, j'ai été appréhendée pour lire et proposer une critique du livre «
L'autre qu'on adorait » de
Catherine CUSSET.
Avant de vous faire part de mon ressenti de lecture, je tiens à remercier Pierre de BABELIO et les éditions Gallimard de m'avoir choisi pour être l'une de ces lectrices découvrant le roman en avant-première.
Chaque livre de
Catherine Cusset est une pièce du puzzle de sa vie.
A chaque parution d'un de ses nouveaux romans, nous en apprenons toujours un peu plus sur sa vie. A chaque fois, nous pensons enfin tout connaitre d'elle. Pourtant, d'année en année, elle se dévoile, inlassablement, sous un angle différent. Ici, c'est au travers de la vie de Thomas qu'elle met en lumière un ultime pan de son existence.
Celui-ci, je l'ai pris comme une grande claque en pleine figure. Il me semble qu'elle n'a jamais aussi bien réussi à y traduire ce courant de littérature contemporaine où l'imagination est tenue en respect par le réel ; le réel qui, de loin, reste plus puissant émotionnellement que la fiction, aussi inventive soit-elle.
Thomas est «
l'autre qu'on adorait », Thomas ce féru de musique dont les écouteurs de l'Ipod ne quittaient guère ses oreilles ces dernières années. le succès planétaire de la chanson de
Léo Ferré « Avec le temps » figurait sur sa play list, parmi de nombreuses références, modernes ou classiques, l'ayant accompagné le long de sa trop courte vie. C'est l'histoire de Thomas qui s'est laissé dévorer par son histoire, submerger par son mal-être dont
Catherine Cusset nous raconte les 21 années de sa descente aux enfers, s'étendant du 6 décembre 1986, date à laquelle elle le rencontre pour la première fois, au 22 avril 2008, date où il a choisi de mettre fin à ses échecs à répétition.
Même, si le livre démarre par le prologue et la mort annoncée de Thomas, le récit est un déroulé chronologique de l'existence chaotique ce son ami, de son âme soeur.
J'ai beaucoup aimé le tricotage serré de la vie de Thomas avec ses lectures et les références à sa thèse dégageant le classicisme dans l'oeuvre de
Proust, thèse qu'il a mis plus de huit ans à rédiger. Sous cet aspect-là, la normalienne n'est pas loin.
Toutefois, ce qui m'a le plus impressionnée, ce sont les descriptions et analyses des différents instants de vie qu'elle décrit avec une telle précision qu'ils semblent être nés dans la tête de Thomas. Thomas qui, pourtant, reprochait à Catherine, page 177, de ne saisir qu'une partie superficielle des êtres « Tu sais Catherine, les gens ont quand même une vie intérieure ».
La question qui me taraude et qui finalement donne du nerf à ce roman est de savoir si, pour l'écrire,
Catherine Cusset a eu accès à ces bribes de textes personnels que Thomas à effacer de son ordinateur, à ces cahiers à reliure cartonnée et autres carnets en moleskine abandonnés dans une poubelle, à quelques rues de chez lui avant de mourir, évoqués page 284.
Le doute s'est immiscé avec bonheur dans mon esprit et nimbe ainsi le texte d'une complexité encore jamais atteinte par l'auteur dans ses romans précédents.
Je suis revenue toute retournée de cette lecture mais conquise comme jamais.