Le destin symphonique de Gustav Mahler

Avocat de profession, Maurice Dahan s'est pris littéralement, et il y a fort longtemps, de passion pour Gustav Mahler (1860-1911) et son oeuvre. L'auteur de ce livre intitulé : le destin symphonique de Gustav Mahler, explore l'univers musical du compositeur en suivant conjointement et parallèlement trois directions : il démontre comment l'éclipse que connut l'oeuvre de Mahler après sa mort et jusqu'après la Seconde Guerre mondiale fut fonction de la montée de l'antisémitisme en Europe, phénomène déjà fort sensible à la fin du XIXe siècle jusqu'au paroxysme de la folie meurtrière nazie (1933-1945), ce contexte expliquant en partie la manière dont fut reçue et perçue la musique de Mahler par le public et par la critique, beaucoup l'accueillant fort mal, en Autriche notamment,encore que d'autres pays que ceux de la sphère germanique, comme la Hollande ou la Tchéquie, l'aient ovationnées, avant que le regain d'intérêt et la renaissance ne viennent des États-Unis qui avaient ouvert les bras à Mahler après son départ de Vienne ; quant à la genèse de l'oeuvre de Mahler, Maurice Dahan veut démontrer qu'elle a, pour une bonne part, ses racines dans les états sentimentaux de l'homme au moment où il se mettait à créer et il insiste sur cet aspect en soulignant que cela vaut probablement pour chacun des opus (et il est vrai que l'on voit bien que dans les moments où il se sent le plus inspiré et le plus heureux et le plus joyeux et, par contraste, ceux pendant lesquels il doute le plus et se laisse gagner par la peur de perdre, Mahler infléchit dans tel ou tel sens le climat et la couleur sonore de tel ou tel mouvement de ses symphonies ou telle ou telle partie de ses lieder ; Maurice Dahan nous parle donc des émois amoureux de Mahler et de leur importance dans le processus de création, et les noms de plusieurs femmes nous reviennent ainsi à la mémoire, et, bien sûr, surtout celui d'Alma Schindler, avec lequel l'auteur ne se montre guère tendre, ce qui est souvent le cas chez ceux qui écrivent sur Mahler, mais nous nous garderons de prendre parti car il manque encore une analyse sérieuse des relations entre Gustav et Alma, qui partageaient probablement les torts ; rappelons aussi que d'autres choses jouèrent un rôle dans la création de la personnalité de Gustav Mahler, et l'on pense ici à son enfance auprès d'un père plus ou moins tyrannique dans son foyer et aussi au suicide du frère de Gustav, Otto, en février 1895) ; enfin Maurice Dahan en vient à considérer l'oeuvre de Mahler par et pour elle-même dans ce qu'elle eut d'innovateur, et il est vrai que cet univers s'est construit dès le point de départ comme quelque chose d'absolument original, propre à Mahler et particulier, bien qu'il faille reconnaître, en même temps, que tout cela s'inscrit dans la continuité de grands devanciers en matière de musique symphonique (Beethoven, Mendelssohn, Schumann et Brahms) et que l'on sente aussi chez Mahler l'influence de Bach, de Haydn et de Mozart, mais aussi de la musique militaire, du folklore bohémien et autrichien et des origines juives de Mahler, tout cela constituant un monde.
La création mahlérienne est si riche, si variée, si subtile, si raffinée, si inspirée et en même temps si heurtée, si violente et si puissante qu'il fallait bien que son créateur laissât à la fois à ses interprètes des indications strictes et une relative liberté dans certains tempi. Et c'est bien ainsi globalement que les choses se sont passées depuis le temps de la redécouverte de la musique de Gustav Mahler.

François Sarindar, auteur de Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent