Les naufragés de La Méduse

Témoignage d'une rescapée du naufrage de la Méduse, je me suis laissée tenter par cet ouvrage de la collection Les Plumées chez Talents Hauts qui ré-édite des romancières et essayistes du XIXème et début XXème oubliées des lettres françaises.
Certains passages étaient très prenant et que d'autres étaient dignes de romans d'aventures à une époque où la France est un empire avec des regards et propos parfois choquants, ridicules ou condescendants pour des lecteurs du XXIème siècle. En revanche, sur la longueur globale j'ai trouvé ce récit un peu long.
C'est la première déception que je connais avec cette série, sur le nombre, ça n'est pas bien grave.

Nous avons là une approche de l'Histoire que j'apprécie particulièrement, à savoir un témoignage sur des faits que l'auteure a personnellement vécus.

Le lecteur passionné par le drame de la Méduse et attiré par le titre légèrement racoleur pourrait se sentir floué en découvrant que le naufrage ne constitue pas l'essentiel du récit et que l'épisode du radeau, plus dramatique et médiatique, n'y est pas vraiment développé.

Et pour cause, l'auteure et sa famille échappèrent au naufrage à bord d'un canot de secours et n'ont appris le destin du radeau que plus tard.
Avec ce récit Charlotte Dard ne cherche pas à profiter de l'émoi suscité par le naufrage, elle s'acquitte d'une promesse faite à son père sur son lit de mort. Elle veut rendre compte des vicissitudes subies par sa famille en Afrique et dont le naufrage ne fut que le premier volet.

Elle règle également quelques comptes avec certains responsables politiques et administratifs coupables, selon sont père, de malversations à leur encontre. Apparemment, dès cette époque l'entreprise coloniale était déjà gangrenée par l'affairisme et la corruption.
Elle reste néanmoins prudente en ne nommant pas certains de ces puissants responsables.

Outre ces péripéties on apprend un peu des conditions d'installation des colons dans cette région du Sénégal, ce qu'ils cultivaient, avec qui et comment.
Des Africains il n'est guère question, les Maures sont d'abord perçus comme une menace potentielle lors du débarquement consécutif au naufrage pour au final s'avérer plutôt accueillants. Quant aux natifs de la région, ils ne sont mentionnés que collectivement comme groupes de main-d'oeuvre, louée ou prêtée, sans qu'il soit toujours aisé définir leur état d'esclave ou non.
Un seul est régulièrement désigné par son patronyme, le fidèle et vieux serviteur (esclave?) personnel du père.

Bien qu'imprégnée des principes et des préjugés de son temps, l'auteure nous livre un tableau instructif des prémisses de ce que sera la colonisation tout en faisant preuve d'un humanisme étonnant comme, par exemple, lorsqu'elle comprend et justifie l'évasion d'un groupe d'esclaves attaché à l'exploitation de son père.

Lecture intéressante.