La fée Fifrildi et moi avons décidé de picorer en commun dans les
Contes Hybrides, de
Lionel Davoust. Je suis content de sa compagnie. C'est son premier je crois. Moi, je voyage avec l'auteur depuis un moment, toujours avec plaisir.
Mais pourquoi « hybrides » ? Les nouvelles balaieraient-elles des genres différents ? Ou est-ce plus subtil ? Ou est-ce que je veux voir un message caché là où il n'y a rien de plus qu'un choix esthétique ?
Voyons voir.
« le sang du large ». Ah ben pour le coup c'est effectivement hybride. Je trouve que ça franchit gentiment les frontières entre les genres. Pas un problème pour moi, je ne suis pas un maniaque de la catégorisation. J'ai un peu de mal au début. Un écrivain qui prend pour personnage principal un écrivain en mal d'inspiration, cela ne me fait pas voyager. J'ai vaguement en tête que l'émission La Grande Librairie – que j'apprécie hein – regorge d'invités qui ont fait ça. Mais quelle écriture !
Lionel Davoust sait comment faire sentir ces fameux affres chez son lecteur (en tout cas chez moi).
Le récit prend rapidement une direction fantastique, oscille entre dépression et joie immense du héros. Et surprise ! ce franchissement de frontières inattendu. le personnage de Féérie s'incarne dans la réalité, pas tant physiquement que par son discours, trop rationnel, trop cartésien. le personnage en perd son mystère. La Féérie perd son indicibilité. le fantastique se dissout dans ce discours. Je ne suis que moyennement convaincu.
« Point de sauvegarde ». Une hybridation de genres encore plus flagrante et qui prend son temps pour se dévoiler. Comment le fantastique pourrait-il s'insinuer dans cette histoire ancrée dans la SF militaire, protégée du mystique par une escadre de technologies futuristes. Les trois soldats-cyborgs chargés d'éliminer une menace terroriste qui semble disposer d'une dangereuse technologie n'ont aucun doute quant à leur succès. Mais Davoust leur réserve des surprises. L'auteur a décidé de prouver que le fantastique peut s'écrire dans n'importe quel contexte ; c'est d'ailleurs assez effrayant. La chute est à la mesure de ce à quoi il m'a habitué : percutante, surprenante.
« Bienvenue à Magicland ». Ah, lol ! J'adore quand l'auteur décide à faire dans l'humour. Des trolls et des licornes. Je vois, c'est un exercice imposé par l'une des anthologies du festival des Imaginales : écrire des récits mettant ces deux types de personnages en scène.
Lionel Davoust a choisi de faire des trolls une civilisation moderne qui a éliminé ses rivaux Elfes, Nains et Humains à la Préhistoire. le héros est un troll amoureux fou des êtres merveilleux que sont les Licornes. Il est soigneur dans une sorte de parc d'attraction. Qu'est-ce qu'il est ronchon, un vrai troll. Il suit une thérapie pour mieux accepter la bêtise du public. L'auteur fait du
Michel Audiard ; les expressions du héros valent leur pesant de crottes arc-en-ciel de licorne. Un exemple : « la meilleure façon de faire taire quelqu'un qui vous fait mal, c'est de profiter de vos cinquante kilos de plus pour lui explorer la dentition avec un sandwich aux phalanges ». Mdr, elle va me rester en mémoire celle-là. Garam le troll, c'est Raoul / Bernard Blier des Tontons Flingueurs.
Mais là aussi la fin surprend, s'appuyant sur la douleur de Garam tapie derrière la comédie. Très bien vue. Il est fort, l'auteur.
Bon, voilà. Je me suis trouvé une signification au mot « hybrides ». Moins dans la diversité des genres abordée par les nouvelles que dans le flou que chacune d'entre elles entretient avec la notion de genre.
Après je me trompe peut-être complètement. Et puis en fait on s'en fiche. Il faut seulement apprécier les textes.