Blanche et Lucie/
Régine Deforges// Une friandise.
Trois personnages principaux dans cette évocation de réminiscences, rythmée par les saisons, la nature, la campagne et ses saveurs et les premiers émois d'une toute jeune fille, une fillette même, qui est la narratrice.
Une narratrice qui s'exprime en toute simplicité et liberté pour nous promener dans ce monde non seulement de l'enfance, mais aussi des adultes que toute jeunette, curieuse et même voyeuse elle découvre avec délectation et une gourmandise toujours inassouvie.
Dans un style charmant et élégant, l'auteur évoque les premiers petits frissons et plaisirs bucoliques teintés d'une couleur sépia dans la magie des greniers alors que l'enfance est encore là et craint toujours les galipotes.
Ses deux grands-mères
Blanche et Lucie occupent l'essentiel de l'espace de l'enfant dès son plus jeune âge. Nous découvrons tout ce petit monde dans la région de Montmorillon et
sur les bords de la Gartempe, alors que la France est sous l'Occupation allemande. Deux grands-mères idéales aux petits soins pour leur petite fille :
« Nous étions parties au petit matin, dans la rosée, l'air piquant un peu, nous revenions en compagnie du jeune et chaud soleil. »
Lucie vue par la fillette : « Lucie, ma douce, ma belle, ma rêveuse enfermée, mon livre ouvert sur les bois et les champs, toi qui m'as appris les odeurs des matins d'automne et celles fortes et lourdes des soirs d'été, toi qui affrontais
l'orage, le visage levé, éclatant, comme pour provoquer le ciel, toi dont les hanches attiraient la main des hommes, toi qui aimais rire et danser… »
Réalité ou fantasmes nés d'une imagination débridée ou encore souvenirs déformés par le temps : chacun se fera son idée quand la fillette découvre les plaisirs surprenants et déroutants du sexe.
En grandissant, la fillette a le sentiment de n'être pas aimée, de ses parents notamment et devient difficile, turbulente, dissipée, révoltée, ce qui fait écrire à l'auteur :
« L'amour ? C'est ce qui manque le plus aux enfants. Même les plus tendrement aimés ne le sont jamais assez. Une fois devenus grands ils chercheront, dans une interminable quête, à combler ce vide, sans jamais réussir à assouvir leur désir. D'où leur mal vivre. Les grandes personnes peuvent composer, compenser, les enfants jamais… Je suis souvent émue au souvenir de l'enfant que j'étais…»
La fin de ce livre résonne comme un émouvant appel au secours de cette fillette qui en vient à se construire un refuge, « son palais », dans un débarras de la ferme de Lucie.
Un petit livre gourmand, une friandise.