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sur 983 notes
°°° Rentrée littéraire 2020 #9 °°°

Cela fait plus de vingt ans que Chloé Delaume publie sous diverses formes, autofictives souvent, expérimentales presque toujours. Avec Virginie Despentes, c'est sans doute une des auteures étiquetées «  féministes » que j'aime le plus à suivre tant sa pensée est vive, contemporaine, incisive avec ce qu'il faut de piquant et d'iconoclaste.

Le Coeur synthétique est sans doute son roman le plus accessible de Chloé Delaume, à la troisième personne cette fois même si on sent le « je » de l'auteure très présent, avec une histoire linéaire aisée à suivre. En fait ce roman est comme une suite romanesque de son manifeste féministe Mes biens chères soeurs ( 2019 ) qui théorisait brillamment le concept de sororité, une solidarité spécifiquement féminine, comme outil de puissance, comme alternative au patriarcat et promesse pour écrire un futur égalitaire.

Dans King Kong théorie, Virginie Despentes disait : « j'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf ». Chloé Delaume, elle, écrit « de chez les ex-bonnasses, les suffisamment côtées sur le marché pour avoir reçu des appels d'offre et avoir eu le choix des options ».

Chloé Delaume a un réel talent à absorber la totalité des expériences féminines, déclinant en cinq personnages toutes les facettes de l'ex-bonnasse, des quadra cultivées et diplômée  ( mère ou nullipare, hétéro ou pas, célibataire ou en couple ) mais sans jamais que ces cinq nanas ne soient que des stéréotypes calquées sur une thèse qui tournerait à vide. Adelaïde, Hermeline, Clotilde, Judith, Bérangère sont tellement incarnées et éloignées du pensum artificiel qu'on s'attache à elle immédiatement, à commencer par le personnage principal dont on suit les mésaventures : Adelaïde, 46 ans, volontairement sans enfant, attachée presse, fraichement célibataire par choix mais obnubilée par l'idée de retrouver un homme et de se marier.

Ce qui est génial dans ce roman, c'est que si elle va de Charybde en Scylla dans sa quête de l'amour, c'est le ton tragi-comique subtilement trouvé par Chloé Delaume. Tout est terrible dans le constat qu'elle dresse de la date de péremption des femmes passées 40 ans, tout est cruel lorsque Adelaïde réalise qu'elle n'est qu'une « ex-bonnasse » devenue transparente et décôtée sur le marché de la drague, et pourtant tout est raconté avec un sens du burlesque absolument réjouissant. Comme dans une vraie comédie de moeurs, j'ai énormément ri lors des scènes au vitriol sur le milieu de l'édition parisienne ou lors de rencontres masculines désopilantes de tristesse.

Il faut dire que Chloé Delaume est une styliste et que son écriture est jubilatoire, faite de phrases courtes et incisives qui clinquent et claquent. le choix des mots et de leur agencement relève d'un équilibre d'orfèvre miniaturiste attaché à rendre chaque phrase à la fois autonome comme une petite histoire et rattaché à un grand tout qu'elle fait fonctionner. Brillant.

Mais jamais le propos ne se fait amer, aigre, rageux, ce qui est très fort vu la charge sociétale que l'auteure balance. Si les hommes sont peu reluisants dans ce roman, les femmes sont elles aussi pleines de failles et de défauts, Adelaïde notamment avec son épousite aigüe entre le risible et le pathétique. Chloé Delaume convainc car elle émeut profondément, son roman est vivant et vibre de tous ses pores d'une sincérité et d'une acuité rayonnantes.
Toute la démonstration du livre autour de la sororité formée par ses cinq amies culmine dans les dernières pages, superbes et emplies de douceurs. La sororité comme un cri de ralliement pour les années à venir, pour toutes les femmes et leurs alliés !

Coup de coeur sur ce roman réjouissant et vif, cruellement réaliste, terriblement contemporain, puissamment féministe.

Lu dans le cadre du Prix du Roman Fnac 2020
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Les nombreuses critiques positives et bien tournées de mes camarades m'ont incitée à lire le Coeur synthétique. Mais, problème d'état d'esprit du moment peut-être, je dois dire que plutôt qu'un emballement, j'ai ressenti une lassitude devant les banalités et les clichés de cette histoire de femme vieillissante cherchant désespérément un mari, et dans la stigmatisation peu subtile du milieu de l'édition (que diable, cette activité essentielle a besoin d'argent pour vivre). Reste des moments d'humour et une forme d'autodérision bien venue qui sauvent ce roman généreusement gratifié du prix Médicis 😊
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"Adélaïde ne regrette rien : chez elle c'est une question de principe". A quarante-six ans elle vient de quitter mari et confort, elle n'a jamais voulu d'enfants, elle n'a pas de famille, tout le monde est mort. "C'est toujours elle qui change de vie, elle est moteur et non victime . Elle a confiance en son destin, se croit protégée par Aphrodite ". Sauf que même Aphrodite avec la meilleure des intentions, a des pouvoirs limités au-dessus d'une certaine limite d'âge.......
Adélaïde a heureusement un boulot captivant dans l'édition, non dénué de surprises. Attachée de presse, elle doit défendre des romanciers aux talents très divers mais souvent douteux.....
Adélaïde a heureusement aussi des amies dopées à la cocaïne, aux profils très variés et elles aussi aux équilibres très variés, souvent douteux......
Adélaïde a heureusement tout sauf l'Essentiel 😁: le Vladimir.
Adélaïde n'est pas loin de l'Alba du dernier livre de Ferney........je ne sais que penser de ces femmes qui veulent l'éternel amour ( en plus avec des exigences sur les formes et couleurs des bites 😁), l'éternelle jeunesse, l'éternelle beauté....un idéal de bonheur, un fantasme, qui existe probablement au sommet de la montagne Kaf, comme Simorgh l'oiseau utopique , symbole de l'Esprit Universel qui en faites se trouve en chacun de nous, mais en sommes rarement conscient.

Que puis-je dire, d'un sujet banal, dans un style simple mais original, un rythme rapide et saccadé qui sied parfaitement à notre temps et au sujet, Chloé Delaume en a fait une histoire truculente à deux volets. La femme single à 46 ans à Paris en quête du Gibier de sa vie, le Vladimir, et les milieux de l'édition où la qualité de la Littérature relayée au dernier plan, on développe les techniques de marketing pour vendre sans grands scrupules, n'importe quel manuscrit . Les femmes et les bouquins transformés en deux produits de consommation dans notre monde civilisé et moderne.
Ce que raconte Delaume finalement ici comme fond est triste et déprimant et pourtant le ton est joyeux, et le mix une comédie aigre-douce que j'ai même terminé un sourire aux lèvres 😆!
Merci Michèle !
Merci Christophe !

"C'est l'histoire d'une fleur bleue qui n'a plus de racines à force d'être dépotée."
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Quel étrange roman...
Je ne sais si je l'ai aimé ou pas mais en tout cas, j'ai bien ri !
Alors que ce roman est d'une tristesse infinie, je me suis pris des fous rires. Car si vous ouvrez ce livre, vous devrez choisir : déprimer ou rire de bon coeur.

L'histoire est donc triste à mourir. Adélaïde est obsédée par l'amour. Elle n'a jamais vécu seule, elle ne se sent exister que si elle est aimée. Fraîchement séparée, elle goûte pour la première fois à la solitude. Tous les clichés de la femme célibataire et malheureuse y passent, c'est peut-être tous ces clichés qui m'ont fait rire. le 24 décembre, seule, sans famille, sans amis, sans amoureux, Adélaïde déprime et va s'acheter un chat... qu'elle baptisera... Perdition (son précédent chat s'appelait Xanax).
Adélaïde s'accroche et veut trouver un bon gars. Les copines préparent un philtre d'amour, Adélaïde prie Aphrodite, Adélaïde se met au vert et à l'épilation intégrale mais elle ne rencontre qu'un gay, qu'un homme qui bande mou et lui dit au lit « je t'aime mais je ne te désire pas », un autre qui est marié et lui aurait dit « je te désire mais je ne t'aime pas ». Ah qu'elle est compliquée la vie quand on cherche l'amour à quarante-six ans et qu'on se prend les statistiques en pleine figure.

Adélaïde cherchera l'amour ou cherchera à gérer sa vie et son célibat comme une grande féministe. Son travail d'attachée de presse dans une grande maison d'édition m'a beaucoup plu également. L'auteure y décrit l'envers du décors avec moult détails croustillants. Certains veulent à tout prix le Goncourt et d'autres comme Adélaïde veulent l'amour.

Les citations pleuvent sur Babelio et donnent une bonne représentation de ce livre. Je crois que je suis la seule à avoir tant ri mais bon, étant seule depuis des lustres, j'ai eu gentiment pitié de cette pauvre Adélaïde incapable de vivre seule.

« A l'heure de #metoo, Chloé Delaume écrit un roman drôle, poignant, et porté par une écriture magnifique. ».

C'est à peu près ça, et me voilà soulagée de trouver cet adjectif « drôle » sur la quatrième de couverture. Ouf.
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Adélaïde n'a rien vu venir. Mais à quarante six ans, après une rupture amoureuse, elle découvre que sur le marché de la séduction, les années entrainent une décote rédhibitoire. Et pourtant entre la solitude peuplée des amies de toujours et la traque du prince charmant, le choix n'est pas cornélien. Il faudra donc un cortège de déceptions et de désillusions pour que cessent les parades amoureuses.


Adélaïde travaille dans une maison d'édition et c'est donc l'envers de ce décor que l'on découvre comme l'autre volet de la vie de l'héroïne. Intrigues, manipulations, exercice abusif de pouvoir, comme un peu partout, le milieu professionnel constitue un terreau fertile pour toutes les manigances et les luttes intestines. L'auteur dresse un portrait assez chargé de l'univers éditorial.

C'est écrit avec beaucoup d'humour et d'autodérision, surtout en ce qui concerne la première partie. La lecture en est ainsi très agréable et facile.

Mais en filigrane apparait l'importance de l'amitié, de la sororité, seules bouées de sauvetage et refuge sûr pour les femmes quel que soit leur âge. Les impératifs de la séduction ne sont finalement qu'un épisode dans la vie d'une femme qui ne trouvera de salut que dans les relations fortes et intemporelles avec ses comparses féminines.


Belle écriture et sujet fort, couronné par le prix Médicis 2020.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce livre et moi, c'est comme une rencontre sur Tinder qui vire à la désillusion : virtuellement, ça matchait, mais dans la réalité, plus du tout.
Adelaïde, Parisienne de 46 ans qui travaille dans l'Edition, vient de divorcer (à son initiative) et s'empresse de rechercher un nouvel homme dans sa vie. Las !, elle se rend vite compte que son âge la rend "invisible" et que le choix se restreint avec le temps. En plus, elle galère dans son boulot et dans son appartement riquiqui, mais heureusement qu'elle a ses copines pour tenir le coup.
Oh là là, mais où me suis-je embarquée ? Je voulais comprendre pourquoi certaines femmes sont si dépendantes du regard masculin pour se sentir exister, et j'ai subi la platitude consternante d'une quadragénaire de 15 ans d'âge mental, entourée de stéréotypes (la poétesse sorcière, la féministe lesbienne, la mère de famille au bord de la crise de nerfs...). Je n'ai ressenti aucune sympathie envers ces personnages, je n'ai pas ri, alors que ce roman est présenté comme émouvant et drôle -je me suis juste ennuyée.
Heureusement, il est court et se lit rapidement, même si l'alternance de présent/futur m'a parfois perturbée, et bien que sa construction m'ait semblé un peu déséquilibrée (pourquoi tant de pages consacrées à l'activité d'une maison d'édition et à ses différents auteurs ? Quoiqu'au final, ce sont ces pages qui m'ont le plus intéressée).
En ce qui concerne ce livre et moi, c'est donc l'histoire d'un rendez-vous manqué.
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La nature humaine doit être cruelle: c'est toujours drôle, le malheur des autres.
Quand il est raconté avec humour.
Quand il est présenté avec talent.
Quand il est disséqué avec intelligence.
Et  quand il renvoie au vôtre, là, c'est encore meilleur!

J'ai ri! J'ai tellement ri! Rire de son malheur, ça fait avancer : on se regarde avec un oeil décapé, ironique,  on prend du champ, on s'émancipe, on se libère !

J'ai donc empathiquement souffert avec Adélaïde,  mais j'ai aussi souri de ses affres et dilemmes, ri de ses déboires et mésaventures. 

Pauvre Adélaïde Berthel, quadra-presque-quinqua qui a largué son compagnon avec qui elle commençait à trouver le temps long et les habitudes pesantes,  et qui se trouve brusquement devant le temps infiniment long et la monotonie terrifiante de la solitude...à un âge où retrouver chaussure à son pied n'est plus aussi facile ni délicieusement pimenté qu'au temps de la séduction triomphante des femmes, finalement bien court,  à l'en croire...

Pauvre Adélaïde Berthel qui n'a que 46 ans, quand même,  faut pas pousser, habite dans le Paris bobo et branché,  travaille dans l'édition, croule sous les bonnes -copines -inséparables- qui-se-disent-tout-et- ne se-laissent-jamais-tomber- !

Elles sont cinq, habitent dans un mouchoir de poche, se retrouvent aux mêmes fêtes, avec rails de coke sur le bord du lavabo ( plusieurs scènes, très cocasses), fréquentent les mêmes magasins bio ( une scène hilarante), vont aux mêmes vernissages. Fréquentent les mêmes bistrots, assistent aux mêmes représentations et projections..Seules les vacances les séparent de façon saisonnière.  

Bref, il y  a plus drastique et plus radical comme solitude, c'est moi qui vous le dis!. ..

On se délecte à  lire ce discours  de la solitude volontaire,  ce journal d'une quadra des villes sans l'ombre d'un quad-rat des champs à  l'horizon, à éprouver ce  vertige de l'amour ... manquant, à vivre cette chasse à  l'homme idéal-  ni pervers, ni narcissique, ni éjaculateur précoce, ni goujat, ni monomaniaque, ni obsédé sexuel-   homme idéal que dans ses rêves les plus fous Adélaïde a appelé Vladimir,( sans doute parce qu'Estragon ça faisait un peu culinaire), Vladimir qu'elle ATTEND comme ce dernier attendait Godot...

J'ajoute que la plume de Chloé Delaume est fine, imprévisible, virtuose. Rien en elle qui pèse ou qui pose,  dirait Verlaine.

La 3eme personne, la construction avec les variantes amusantes de ses conclusions de fin de chapitre, le rituel bobo parisien joyeusement égratigné ainsi que l'univers impitoyable des maisons d'éditions  à l'heure des prix littéraires ( une mise en abyme savoureuse, Chloé Delaume connaît bien ce microcosme, elle y travaille . .et le prix qui vient de la couronner n'est pas un des moins recherchés...), tout contribue à  créer les conditions idéales d'un recul ironique et d'une aimable satire.

D'une lecture plaisante.

 Mais pas que...Le livre est plus profond,, plus percutant, plus grave qu'il n'en a l'air.

Et si, à la façon d'un Perec, d'un Butor,  l'auteure s'amuse à imaginer des fins possibles, on sent bien vers laquelle elle penche, et ce qui émerge en définitive de cette quête harassante du Graal masculin: une sororité indéfectible, l'amitié,   seul îlot de solidité et de vraie tendresse dans le monde de brutes des relations amoureuses..

 Ce n'est pas moi qui la contredirai...
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Adoré ce roman… jubilatoire, plein d'humour et d'auto-dérision alors que le sujet aborde une réalité sociale douloureuse… : la Solitude des Femmes…lorsqu'elles , comme notre anti-héroïne,Adélaïde, ne sont pas mariées, n'ont pas fondé de famille… qu'elles ont du mal à trouver « leur » place…et un véritable équilibre…Repenser un autre « Féminisme »… loin des anciens stéréotypes !

« Adélaïde consulte les statistiques. En France, 14 % des hommes en couple ont rencontré leur partenaire sur leur lieu de travail. 12 % d'une autre manière. 11 % dans une fête ou une soirée privée entre amis. 10 % sur leur lieu d'études. 10 % via un site ou une application de rencontre. 9 % dans un bar ou un restaurant. 7 % dans un bal, une fête publique. .............Adélaïde se demande ce que c'est, ces 12 % rencontrés d'une autre manière. Ce que ça laisse comme champ à part chez le boulanger ou peut-être le dealer. »

Un texte étonnant, percutant, mordant, caustique d'une presque quinqua…Adélaïde qui se sépare de son compagnon, Elias, au bout de quelques années… Libre, elle déchantera vite, constatant que la solitude la submerge violemment et frontalement !

Heureusement, Adélaïde est attachée de presse dans une maison d'édition, adore son métier, elle défend des livres, surtout des auteurs, les « chouchoute », les fait connaître… Ce qui nous vaut des morceaux savoureux sur le monde de l'édition et des parisiannismes…En sus de son métier très absorbant, Adélaïde a un groupe d'amies, fidèle...

Un style original, tonitruant, drôle et grinçant, à la fois, empreint aussi de tendresse et d'empathie pour le personnage central féminin, Adélaïde, pleine de vie et de vaillance, qui fonce, en dépit de ses doutes, de ses gros coups de bourdon, elle bouscule les chemins tout tracés , se bat pour se construire un équilibre personnel , une vie un tant soit peu harmonieuse, sans l'objectif obsessionnel qu'elle avait jusqu'alors du regard des hommes, des jeux de séduction ! !...

« Adélaïde adore Noël, mais hélas elle est orpheline. Elle n'a plus de couple, plus de famille, personne avec qui partager la dinde et ensuite ouvrir les cadeaux. Elle marche dans les rues et se dit : Mon coeur est un sac à sapin. (...) Pour la première fois de sa vie, elle n'a nulle part où se greffer. (...) C'est le 23 décembre, Adélaïde est seule et elle marche dans Paris pour faire semblant de vivre. (p. 83)”

Le style très efficace nous rend la solitude de la narratrice quasi palpable “physiquement” !!

« C'est comme ça qu'elle s'achève, l'histoire d'Adélaïde. Une communauté de filles, parce qu'il faut être lucide et toutes s'y préparer. Il y a plus de femmes que d'hommes et ils meurent en premier. À défaut d'être lesbienne, il faut être inventive.”

Un texte, reflet assez saisissant des rapports hommes-femmes, du célibat des uns et des autres…dont celui des femmes, moins facile à assumer, en dépit de l'évolution des mentalités!...

On assiste à l'évolution d'Adélaïde qui au début de l'histoire, fête ses 46 ans, anniversaire marqué par sa séparation d'avec Elias… elle continue à s'activer pour se remettre au plus vite en couple… Elle ne se voit pas autrement… et puis de désillusion en aventure inaboutie, elle trouve, chaque fois réconfort auprès de ses amies-femmes pour « apprivoiser son célibat »…et au final, c'est dans cette complicité, cette sororité qu'elle retrouve un sens à son nouveau statut de « Femme sans homme » , à sa vie de femme enfin autonome, existant enfin, en dehors du « regard des hommes »…

« Ainsi peut se poursuivre le parcours d'Adélaïde. Elle n'a besoin de personne, si ce n'est de ses amies. Seule la sororité est au centre de sa vie. Elle se consacre à son travail et devient une machine de guerre. Elle ne regrettera jamais rien, saura se satisfaire de son sort, ou mieux encore: l'optimiser. La solitude sera son habitacle naturel, sa liberté de mouvement, tout son écosystème. » (p. 192)

Un fort moment de lecture sur des thèmes qui nous prennent de plein fouet, nous interpelle toutes , et tous (d'ailleurs)… L'apprentissage d'une solitude positive, créative : ce n'est pas une mince affaire , dans une société où la normalité reste le couple, la famille…!!...Inventer de nouveaux schémas féminins de parcours de vie…Un texte passionnant, nous retranchant dans une succession de questionnements, de remises en cause, d'observations sociétales…

« Ca peut être ça aussi, le destin d'Adélaïde, elle a connu le couple, des décennies d'amour, s'est toujours ennuyée. Elle sera à jamais une femme célibataire, ce statut finira par la sécuriser. le célibat n'est pas du tout le mot solitude, pour qui sait le remplir autant que s'y déployer. Adélaïde Berthel, une femme comme un tas d'autres. Qui n'a pas besoin d'homme pour se sentir exister. (p. 192)

*****N.B: ajout le Jeudi 10 décembre 2020
l'ami harvard, ayant eu la gentillesse de me parler de la présence forte et convaincante de Chloé Delaume , dernièrement, à La Grande Librairie... j'ai été chercher sur Youtube..Je viens de réussir à écouter un morceau de l'émission... J'aime beaucoup une formule très juste de Chloé Delaume concernant "son coeur synthétique"...Une comédie où " on rit le coeur serré" !! . C'est exactement ce que j'ai ressenti: on rit... et en même temps, l'histoire d'Adélaïde prend aux tripes !... Un texte qui reste joyeux de par la formidable "déclaration d'amour" de notre "anti-héroïne" à sa bande d'amies, indéfectible !!
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Adélaïde Berthel est une femme sans enfants, choix assumé, "pour ne pas être emmerdée". Elle est autonome, et pour la première fois de sa vie, elle a son appartement à elle, maintenant qu'elle vient de divorcer d'Elias.

Jusque là, lorsqu'Adélaïde quittait un homme, c'était toujours pour d'autres bras.

Cette fois, en partant, elle savait qu'elle renonçait au confort et à un certain niveau de vie, mais elle se veut seule et libre, désormais affranchie du carcan conjugal.

Maintenant, "Adélaïde est sûre que très bientôt quelqu'un va venir à sa rencontre. Adélaïde à tort. Si elle tirait les cartes, elle en serait informée."

"C'est l'histoire d'une fleur bleue qu'on trempe dans de l'acide. Adélaïde Berthel, c'est une femme comme une autre. Qui, à quarante-six ans, entend sonner le glas de ses rêves de jeune fille."

A mon avis :
Partant de ce constat qu'il y a plus de femmes que d'hommes et qu'ils meurent en premier, Chloé Delaume nous fait entrer dans la peau de l'une d'entre elle, qui décide de refaire sa vie à un âge où les statistiques ne lui donnent plus beaucoup d'espoir.

Elle nous fera vivre le renoncement progressif d'Adélaïde, du fait de ses nouvelles déceptions amoureuses ou du constat de la pauvreté des...

la suite sur mon blog :
Lien : https://blogdeslivresalire.b..
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Adélaïde Berthel, « une femme comme une autre » de quarante-six ans, vient de se séparer de son mari Elias. Elle essaie de retrouver l'amour, et, pourquoi pas, un nouveau mari. Elle est aidée dans ce projet par quatre amies intimes dont l'une pratique l'art de la sorcellerie. ● C'est une excellente surprise que ce livre auquel je suis venu à reculons (car je n'aime qu'avec parcimonie la littérature expérimentale que Chloé Delaume pratique d'habitude), et que je me suis décidé à lire grâce au prix Médicis. L'écriture est allègre et l'on suit avec un grand plaisir les mésaventures sentimentales d'Adélaïde, ainsi que ses démêlés avec le monde de l'édition auquel elle appartient en étant attaché de presse chez un grand éditeur parisien -- milieu très finement et comiquement décrit. ● Mais attention, ce « roman d'amour » cache un sous-texte très ironique, flaubertien. En prenant du recul par rapport à ses personnages, notamment Adélaïde, l'auteur s'amuse et nous amuse, ce qui est de plus en plus apparent à mesure que l'on chemine dans le roman, jusqu'à une fin formidable qui n'en est pas vraiment une. C'est délicieux. On se croirait dans un roman de Diderot revu par Flaubert. Ainsi elle écrit à propos d'Adélaïde (nom qui sonne bien XVIIIe) : « Ce qu'elle va devenir, difficile de trancher » : ne se croirait-on pas dans Jacques le fataliste ? Ou encore, à propos d'un des amants d'Adélaïde : « Nous l'appellerons Grégoire, c'est un joli prénom pas encore employé. » ● Ce roman plein d'humour m'a fait penser à un autre de la rentrée littéraire, que j'ai aussi beaucoup aimé : La Demoiselle à coeur ouvert de Lise Charles, lui aussi inspiré du XVIIIe siècle (Les Liaisons dangereuses). ● Un excellent moment de lecture, je conseille !
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